Le 5 août 2025, a été publié au Journal officiel le Décret n°2025-760 du 4 août 2025, qui fixe perses modalités d'application de la loi n°2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024, en matière de lutte contre les pénuries de médicaments (ci-après « le Décret »).
Ce texte précise les dispositifs destinés à prévenir et à gérer les situations de rupture d'approvisionnement ou de stock de médicaments, tels qu'introduits par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.
1. La première mesure, dont les conditions de mise en œuvre sont précisées par le Décret, est celle permettant au directeur général de l'Agence de la sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM), en cas de rupture ou de risque de rupture d'approvisionnement d'un médicament d'intérêt thérapeutique majeur (MITM), de prendre, après une procédure contradictoire, des mesures de police sanitaire pour garantir un approvisionnement approprié et continu par les titulaires et les exploitants d'autorisations de mise sur le marché (AMM) 1.
Le nouvel article R. 5121-206-1 du Code de la santé publique (CSP), introduit par le Décret, précise que les mesures de police sanitaire doivent être proportionnées aux risques sanitaires encourus et cesser dès qu'elles ne seront plus nécessaires, c'est-à-dire dès que la rupture ou le risque de rupture d'approvisionnement a cessé.
Ces mesures peuvent être de plusieurs types et permettre notamment « de soumettre à des conditions particulières, de restreindre ou de suspendre l'exploitation, l'exportation, la distribution en gros, le conditionnement, la détention en vue de la vente du produit de santé concerné ainsi que de faire procéder à l'importation d'alternatives thérapeutiques ».
La décision prise par l'ANSM sera motivée et indiquera les voies et délais de recours.
2. La seconde mesure, dont les conditions de mise en œuvre sont précisées par le Décret, est celle permettant au ministre chargé de la santé à titre exceptionnel, pour faire face à la rupture de stock d'un MITM ou à l'arrêt de sa commercialisation ou pour faire face à une crise sanitaire grave, d'autoriser par arrêté la réalisation, par les officines y étant autorisées 2, de préparations officinales spéciales 3.
Le Décret crée un nouvel article R 5121-222 du CSP qui prévoit que le ministre de la santé doit, pour mettre en œuvre une telle mesure, (i) identifier un besoin et (ii) prendre un arrêté après avis du directeur général de l'ANSM. Etant précisé qu'en tout état de cause, devront être respectées les exigences de l'article L. 5121-1 concernant les préparations officinales spéciales 4.
Le Décret précise en outre que :
- l'arrêté du ministre ainsi que la monographie sont publiés sur le site internet de l'ANSM ;
- les officines fabricant ces préparations transmettent (i) au directeur général de l'Agence régionale de santé ayant délivré l'autorisation de réaliser des préparations 5 et (ii) au directeur général de l'ANSM un bilan mensuel des préparations qui ont été réalisées ;
- les préparations officinales spéciales sont destinées aux patients du médecin prescripteur sous sa responsabilité 6.
Enfin, l'autorisation visant l'officine cesse de plein droit avec la fin de la rupture de stock, de l'arrêt de la commercialisation ou de la menace ou de la crise sanitaire grave 7.
3. La troisième mesure, dont les conditions sont précisées par le Décret, est la procédure de déclaration à l'ANSM qui doit être respectée par les entreprises pharmaceutiques exploitant le médicament en cas de suspension ou cessation de commercialisation d'un MITM 8.
Pour rappel, ces entreprises ont une obligation d'information de l'ANSM quand elles prennent la décision d'arrêter la commercialisation du produit ou qu'elles ont connaissance de faits susceptibles d'entrainer une suspension ou une cessation de cette commercialisation. Cette information doit intervenir au moins un an avant pour les MITM et deux mois avant pour les autres médicaments.
Le Décret crée un nouvel article R. 5124-73-1 du CSP, qui précise que :
- la déclaration de suspension ou de cessation de commercialisation est établie conformément à un modèle défini par décision du directeur général de l'ANSM ;
- devront être jointes les mesures que l'entreprise pharmaceutique entend prendre durant le délai nécessaire à la mise en place d'alternatives permettant de couvrir le besoin.
Par ailleurs, lorsque le MITM visé par la suspension ou la cessation ne fait plus l'objet d'une protection au titre des droits de propriété intellectuelle ou industrielle, l'entreprise exploitante doit préciser dans son information à l'ANSM les incidences prévisibles de la suspension ou de la cessation de la commercialisation sur la population française 9.
L'article R. 5124-73-1 vient préciser que cette déclaration doit comprendre les incidences prévisibles sur les patients au regard (i) de la perte de volume des ventes sur le marché français (ii) des alternatives thérapeutiques disponibles.
4. Enfin, la quatrième mesure, dont les conditions sont précisées par le Décret, a trait à la situation dans laquelle l'ANSM informe le titulaire de l'AMM ayant suspendu ou cessé la commercialisation d'un MITM qu'il n'existe pas d'alternative thérapeutique disponible permettant de couvrir le besoin de manière pérenne et qu'à ce titre, il lui incombe de rechercher une entreprise pharmaceutique pour assurer la reprise effective de l'exploitation du médicament 10.
Selon le nouvel article R. 5124-73-2, il revient au directeur général de l'ANSM d'apprécier si les alternatives thérapeutiques sont suffisantes, et si tel n'est pas le cas, dans un délai de 2 mois, d'informer le titulaire de l'autorisation qu'il doit rechercher une entreprise pharmaceutique pour assurer la reprise effective de l'exploitation du médicament et dispose d'un délai pour formuler ses observations.
Le Décret apporte enfin plusieurs précisions sur la procédure ayant pour but la reprise de l'exploitation de la spécialité. A titre d'exemple, le nouvel article R. 5124-73-3 du CSP dispose que l'entreprise titulaire de l'autorisation doit (i) par tout moyen rendre publique son intention de concéder l'exploitation ou de transférer l'autorisation de mise sur le marché du médicament concerné et (ii) faire figurer cette information sur une page dédiée de son site internet dont l'adresse est communiquée à l'ANSM.
Sur le sujet des pénuries de médicaments et des MITM, voir aussi nos précédents articles :
- MITM : publication de la décision de l'ANSM définissant les modalités de déclaration des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur à l'ANSM ;
- Décret n°2024-1176 du 12 décembre 2024 : précisions sur les modalités de déclaration des MITM à l'ANSM ;
- Ruptures de stock de médicaments - Publication par l'ANSM de trois décisions de sanction financière ;
- La pénurie des médicaments au sein de l'Union européenne ;
- Gestion des pénuries de médicaments – Publication du rapport du Haut-Commissariat au Plan.
Footnotes
1. Article L. 5121-33-3 du CSP
2. Article L. 5125-1-1 du CSP
3. Une préparation officinale (non spéciale) est définie par l'article L. 5121-1 du CSP comme « tout médicament préparé en pharmacie, inscrit à la pharmacopée ou au formulaire national et destiné à être dispensé directement aux patients approvisionnés par cette pharmacie ».
4. Ces exigences sont (i) la préparation officinale spéciale est soumise à prescription médicale (ii) elle est réalisée selon une monographie publiée par l'ANSM (iii) elle est préparée à partir d'une matière première à usage pharmaceutique fournie par l'établissement pharmaceutique d'un établissement de santé défini à l'article L. 5124-9 du CSP.
5. Autorisation visée à l'article L. 5125-1-1, al. 2, du CSP
6. R. 5121-223 du CSP
7. R. 5121-224 du CSP
8. Article L. 5124-6 I du CSP
9. Article L. 5124-6 II du CSP
10. Article L. 5124-6 II du CSP
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