Dans l'affaire Taylor v. Salytics Inc., 2025 ONSC 3461, la Cour supérieure de justice de l'Ontario (la « Cour ») a conclu qu'une clause de mise à pied temporaire dans un contrat d'emploi n'est pas une clause de cessation d'emploiet que, par conséquent, les autres clauses de cessation d'emploistipulées au contrat ne peuvent pas l'invalider. Ainsi, lorsque l'employé a été mis à pied temporairement, il n'a pas été congédié de manière déguisée.
Que s'est-il passé?
Avant de joindre Salytics Inc. (l' « Employeur ») en juillet 2013, l'employé a signé un contrat d'emploi. L'une des sections du contrat était intitulée « Licenciement » et contenait les clauses suivantes [traduction] :
Licenciement
Salytics peut mettre fin à votre emploi à tout moment pour un motif valable.
Salytics peut mettre fin à votre emploi sans motif valable à tout moment en vous donnant le préavis minimal, ou une indemnité tenant lieu de préavis, et toute indemnité de cessation d'emploi requise par la Loi de 2000 sur les normes d'emploi, mais pas plus, sauf dans le cas où une mise à pied est nécessaire au cours des six (6) premiers mois de votre emploi sans motif valable, auquel cas vous aurez droit de continuer à recevoir un salaire jusqu'à la fin de cette période de six mois.
Dans le cas où une mise à pied temporaire est nécessaire, elle peut être mise en Suvre conformément aux exigences de la Loi de 2000 sur les normes d'emploi.
En avril 2024, en raison de difficultés financières, l'Employeur a temporairement mis à pied plusieurs employés, y compris l'employé dont il est ici question. Quelques mois plus tard, l'employé a intenté une poursuite contre l'Employeur, demandant une déclaration selon laquelle il avait été congédié et des dommages-intérêts tenant lieu de préavis de 12 mois.
En septembre 2024, l'Employeur a envoyé un avis de rappel à l'employé pour son retour au travail à temps plein. Vers la fin septembre, l'employé est retourné au travail. L'employé a donc été sans revenu pendant une période d'environ six (6) mois (bien que ses avantages sociaux ont été maintenus pendant cette période).
L'Employeur et l'employé ont convenu que laclause de cessation d'emploi« pour un motif valable » dans le contrat d'emploi était inexécutoire. Par conséquent, toutes les autres clauses de cessation d'emploi du contrat étaient également nulles, conformément à la décision de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Waksdale v. Swegon North America Inc., 2020 ONCA 391 («Waksdale»).
Dans sa poursuite, l'employé a soutenu que la clause de mise à pied temporaire dans son contrat d'emploi étaitclause de cessation d'emploiqui devait également être déclarée invalide. Il a maintenu que la clause de mise à pied était entachée par laclause de cessation d'emploi« pour un motif valable », qui était inexécutoire. Par conséquence, l'employé a réclamé des dommages-intérêts, affirmant que la mise à pied temporaire constituait un congédiement déguisé.
L'Employeur a soutenu que la mise à pied temporaire de l'employé était expressément prévue dans son contrat d'emploi de 2013, et ne constituait donc pas un congédiement déguisé. Puisque la mise à pied contractuelle n'était pas un congédiement déguisé, elle ne pouvait pas constituer une «clause de cessation d'emploi» devant être invalidée.
Quelle a été la décision de la Cour?
La Cour a déterminé que la question principale en l'espèce était de savoir si une clause de mise à pied temporaire dans un contrat d'emploi constituait en réalité uneclause de cessation d'emploi. La Cour a répondu : non.
En common law, un employeur n'a pas le droit de mettre à pied un employé. En l'absence d'une condition expresse ou implicite contraire dans un contrat d'emploi, une mise à pied unilatérale (temporaire ou non) par un employeur constitue un changement substantiel du contrat d'emploi ce qui équivaut à un congédiement déguisé. Or, la Cour a conclu que ce principe ne fait pas d'une clause de mise à pied dans un contrat d'emploi uneclause de cessation d'emploi. Une mise à pied ne sera considérée comme un licenciement que lorsqu'il n'y a aucune clause dans le contrat d'emploi permettant à l'employeur de mettre l'employé à pied. Lorsqu'une telle clause existe, la mise à pied n'est pas un congédiement déguisé et, par conséquent, ne constitue pas un licenciement.
En arrivant à cette conclusion, la Cour a également noté que l'emplacement de la clause de mise à pied temporaire dans le contrat d'emploi n'était pas un élément pertinent. Le fait qu'elle se trouve sous la section « Licenciement » n'en fait pas uneclause de cessation d'emploi. L'élément clé est le contenu même de la clause.
La Cour a également conclu qu'elle était liée par les définitions du paragraphe 56(4) de la Loi de 2000 sur les normes d'emploi (la « LNE »), qui stipule qu'une mise à pied temporaire ne doit pas être considérée un licenciement.
La Cour a donc conclu que la clause de mise à pied n'était pas uneclause de cessation d'emploiet n'était donc pas invalide. L'employé n'a pas été congédié de manière déguisé lorsqu'il a été mis à pied temporairement.
Ce qu'il faut retenir
- Conformément à l'arrêt Waksdale, le fait que la disposition de mise à pied soit placée sous la rubrique «Licenciement» n'est pas déterminant pour savoir s'il s'agit effectivement d'une clause de cessation d'emploi.
- Les dispositions de mise à pied prévues dans un contrat ne sont pas des dispositions de licenciement et conservent leur force exécutoire. Pour cette raison, une disposition contractuelle de mise à pied n'équivaut pas à un congédiement implicite.
Bien entendu, cette décision pourrait être portée en appel, mais il est encore trop tôt pour savoir si cette affaire ira plus loin ou non. Enfin, la Cour a explicitement noté qu'aucun argument n'avait été présenté quant à l'incompatibilité de la clause de mise à pied avec la LNE, de sorte que cette question pourrait être débattue à l'avenir.
Si vous avez des questions à ce sujet, n'hésitez pas à communiquer avec l'auteure de cet article ou avec votre avocat(e) attitré(e) de Fasken.
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