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10 September 2025

Difficultés linguistiques et méconnaissance du droit : une réfugiée se voit reconnaître un motif raisonnable de réclamation tardive d'un accident du travail

BS
Belanger Sauve

Contributor

Bélanger Sauvé advises and represents many Québec municipalities, inter-municipal boards, regional county municipalities, insurers, companies and Québec public and para-governmental bodies. The firm is also one of the largest litigation firms in Québec appearing before administrative tribunals and courts of all levels.

Bélanger Sauvé's has over 50 professionals that form a multi-disciplinary group supported by a dynamic team. The firm's lawyers practice primarily in municipal law, civil litigation, insurance law, labour law, administrative law, commercial law and property law.

Dans une affaire récente, le Tribunal administratif du travail (ci-après, « TAT ») apporte des nuances importantes à la notion de motif raisonnable, confirmant la souplesse du droit administratif.
Canada Quebec Employment and HR

Dans une affaire récente1, le Tribunal administratif du travail (ci-après, « TAT ») apporte des nuances importantes à la notion de motif raisonnable, confirmant la souplesse du droit administratif. Il accueille la contestation d'une travailleuse, bien que hors délai, en considérant sa situation de réfugiée politique, sa compréhension limitée du français et sa méconnaissance de ses droits.

La travailleuse est arrivée au Québec enceinte, fuyant le Mexique où la mafia la menaçait de mort. Laborieusement, elle a reconstruit sa vie au Québec. En août 2022, elle trouve un emploi à l'usine Olymel de Princeville. En novembre 2022, elle subit un accident du travail. Or, ce n'est qu'en juin 2023 qu'elle produit une réclamation pour une lésion professionnelle à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après « CNESST »), alors que le délai pour formuler une telle réclamation est, en principe, de 6 mois de la survenance de l'accident, selon les articles 270 et 271 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles2 (ci-après, « LATMP »). Dans ce contexte, la CNESST refuse sa réclamation au motif qu'elle est hors délai. En revanche, le TAT, saisi de la contestation de ce refus, donne raison à la travailleuse.

Dans sa décision, la juge administrative apporte d'importantes nuances dans l'interprétation d'une notion non-définie dans la LATMP : le « motif raisonnable ». Cette notion, prévue à l'article 352 de la LATMP, lorsqu'invoquée, permet d'être relevé d'un défaut d'avoir produit une réclamation hors délai. Le TAT déclare que dans l'analyse de ce motif, il faut « faire preuve de souplesse afin de ne pas faire perdre des droits pour une simple question procédurale » 3.

En ce sens, la juge administrative retient que la travailleuse ne connaissait pas ses droits, en raison de ses difficultés linguistiques et de son arrivée récente à l'entreprise. Elle craignait de perdre de son emploi, les conséquences de cette éventualité étant majeures pour elle et sa famille. Le TAT rappelle ainsi que la diligence raisonnable doit être évaluée « en tenant compte des caractéristiques particulières d'une personne »4.

La rigueur de l'adage « Nul n'est censé ignorer la loi » doit donc être atténuée considérant les faits en cause. La question linguistique, mais aussi les différences majeures dans les protections des travailleurs au Mexique et au Québec expliquent, pour le TAT, cette relative ignorance lors des faits.

La preuve révèle que dès qu'elle a eu une explication correcte de ses droits, la travailleuse les a exercés promptement. D'ailleurs, le TAT note qu'une partie du retard du dépôt de la réclamation par la travailleuse est imputable au défaut de représentation syndicale, alors que le délai n'aurait été échu que de quelques jours autrement. En effet, le représentant syndical responsable de son dossier aurait tardé de produire sa réclamation.

Considérant ce qui précède, le TAT estime que la travailleuse a rempli son fardeau de démontrer un motif raisonnable pour être relevé du défaut de déposer sa réclamation pour un accident de travail et accueille sa contestation.

Footnotes

1. Iturbe Gonzalez et Olymel Princeville, 2025 QCTAT 2752.

2. RLRQ, c. A-3.001.

3. Décision précitée, note 3, par. 14.

4. Id., par. 28.

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