Le projet de loi de finances pour 2025 a été présenté à l'Assemblée nationale ce jeudi 10 octobre 2024.
Notre équipe fiscale revient dans ce nouvel article sur les principales mesures intéressant les entreprises et les particuliers.
1. Instauration d'une contribution différentielle sur les hauts revenus (Article 3 du projet de loi)
1.1 Contexte
Pour contribuer au redressement des comptes publics, le Gouvernement souhaite instaurer une contribution permettant de garantir une imposition minimale de 20% des plus hauts revenus. Ainsi, dès lors que le taux d'imposition moyen au titre de l'impôt sur le revenu et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (« CEHR ») sera inférieur à 20% du revenu fiscal de référence, une contribution différentielle sera appliquée pour atteindre ce niveau d'imposition.
1.2 Champ d'application
La contribution différentielle s'appliquerait aux foyers (i) assujettis à la CEHR (c'est-à-dire ceux dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 250 K€ pour une personne seule et 500 K€ pour un couple) et (ii) dont le taux moyen d'imposition est inférieur à 20%.
1.3 Calcul de la contribution
La contribution serait égale à la différence, lorsqu'elle est positive, entre :
- 20% des revenus du foyer ; et
- les impôts acquittés notamment au titre de l'impôt sur le revenu (avant prise en compte de diverses réductions et crédits d'impôt) et de la CEHR.
1.4 Entrée en vigueur
Cette contribution s'appliquerait à compter de l'imposition des revenus de l'année 2024 et jusqu'à l'imposition des revenus de l'année 2026.
2. Instauration d'une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises (Article 11 du projet de loi)
2.1 Champ d'application
Une contribution exceptionnelle serait instaurée et mise à la charge des redevables de l'impôt sur les sociétés qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur ou égal à 1 Md €.
Le chiffre d'affaires visé par la mesure s'entendrait de celui réalisé en France par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition ramené, le cas échéant, à douze mois.
Pour les sociétés membres d'un groupe d'intégration fiscale, il conviendrait de faire la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres du groupe. Le redevable de cette contribution serait alors la société mère du groupe.
2.2 Assiette de la contribution exceptionnelle
L'assiette de la contribution exceptionnelle serait égale à l'impôt sur les sociétés calculé sur l'ensemble des résultats imposables, déterminé avant imputation des réductions, crédits d'impôt et créances fiscales de toute nature.
Pour les sociétés membres d'un groupe d'intégration fiscale, la contribution serait assise sur l'impôt sur les sociétés afférent au résultat d'ensemble et à la plus-value nette d'ensemble du groupe, déterminé avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature.
2.3 Taux de la contribution exceptionnelle
Pour les redevables de la contribution exceptionnelle réalisant un chiffre d'affaires compris entre 1 et 3 Md €, le taux de la contribution serait fixé, pour le premier exercice clos à compter du 31 décembre 2024, à 20,6%, et, pour le second exercice clos à compter de cette même date, à 10,3%.
Un mécanisme de lissage est prévu pour les redevables dont le chiffre d'affaires est supérieur ou égal à 1 Md € et inférieur à 1,1 Md €.
Pour les redevables dont le chiffre d'affaires est supérieur ou égal à 3 Md €, ces taux seraient respectivement portés à 41,2% et 20,6%.
2.4 Paiement de la contribution exceptionnelle
La contribution exceptionnelle serait payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard au versement du solde de liquidation de l'impôt sur les sociétés sans pouvoir donner lieu au paiement d'acomptes.
La contribution exceptionnelle ne serait pas déductible du résultat imposable des redevables.
2.5 Entrée en vigueur
La contribution exceptionnelle s'appliquerait au titre des deux premiers exercices consécutifs clos à compter du 31 décembre 2024.
3. Précisions apportées au dispositif d'imposition minimale mondiale des groupes d'entreprises multinationales et des groupes nationaux dit « Pilier 2 » (Article 13 du projet de loi)
3.1 Contexte
La loi de finances pour 2024 a transposé en droit interne la Directive européenne adoptée le 14 décembre 2022 instaurant un impôt complémentaire, distinct de l'impôt sur les sociétés. Les règles générales de ce dispositif sont détaillées dans notre article relatif à la loi de finances pour 2024.
3.2 Compléments du dispositif
L'article 13 du projet de loi vise à inclure dans le dispositif de « Pilier 2 » les règles négociées et adoptées à l'échelle internationale, en transposant les instructions administratives publiées par l'OCDE. Conformément à ses engagements internationaux et européens, la France doit intégrer les dispositions de ces orientations administratives dans son droit national pour s'assurer que le système d'imposition minimale mis en place est conforme au corpus OCDE. Les ajouts concernent, notamment, les modalités de détermination de la déduction fondée sur la substance, les règles d'application de l'impôt national complémentaire et du régime de protection relatif à cet impôt et les modalités d'application du régime de protection transitoire codifié aux articles 223 VZ et suivants du code général des impôts.
L'article 13 du projet de loi modifie également les règles de répartition de l'impôt national complémentaire dû au titre des entités constitutives situées en France appartenant à un même groupe. En outre, le présent article introduit deux nouvelles catégories de crédits d'impôt, les crédits d'impôt transférables négociables et les crédits d'impôt transférables non négociables, et prévoit leur traitement pour le calcul du taux effectif d'imposition. Enfin, est instituée une solidarité de paiement lorsque les entités constitutives ont désigné une seule entité pour acquitter la totalité de l'impôt complémentaire.
4. Report de trois ans de la suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (Article 15 du projet de loi)
4.1 Contexte
Depuis 2021, les impôts fonciers des établissements industriels ont été divisés par deux et l'imposition à la CVAE a également été diminuée de moitié. Initialement engagée en 2023, la suppression progressive de la CVAE a ensuite été aménagée en 2024 afin de l'échelonner sur quatre années, c'est-à-dire jusqu'en 2027.
4.2 Maintien de la CVAE
Les taux d'imposition à la CVAE seraient maintenus pour les années 2025 à 2027 à leur niveau de 2024, soit, pour le taux maximal, 0,28%. Ce taux serait ensuite abaissé à 0,19% en 2028, 0,09% en 2029, et la CVAE serait totalement supprimée en 2030.
5. Aménagement du régime spécial des fusions à la suite de l'adoption de l'ordonnance n° 2023-393 du 24 mai 2023 portant réforme du régime des fusions, scissions, apports partiels d'actifs et opérations transfrontalières des sociétés commerciales (Article 17 du projet de loi)
5.1 Contexte
L'ordonnance n° 2023-393 du 24 mai 2023 portant réforme du régime des fusions, scissions, apports partiels d'actifs et opérations transfrontalières des sociétés commerciales introduit en droit français un nouveau cas de fusion ou scission sans échange de titres, une nouvelle définition de l'apport partiel d'actifs ainsi que la possibilité de réaliser des opérations de scissions partielles.
Le code général des impôts n'avait jusque-là pas pris en compte cette réforme et ne prévoyait donc pas de régime de faveur pour les opérations qu'elle concerne.
5.2 Aménagement du régime spécial des fusions et opérations assimilées
Cet article modifie les dispositions des articles 38, 39 duodecies, 112, 145, 115, 210-0 A et 223 L du code général des impôts afin de tirer les conséquences de cette ordonnance et procéder aux ajustements techniques nécessaires pour insérer ces nouvelles opérations dans les régimes fiscaux applicables aux fusions et opérations assimilées.
6. Sécurisation des modalités d'imposition applicables aux personnes non-résidentes de France (Article 23 du projet de loi)
6.1 Contexte
Cet article relatif à la sécurisation des modalités d'imposition applicables aux personnes non-résidentes de France est adopté en réaction à la jurisprudence du Conseil d'État du 5 février 2024 (CE, 5 février 2024, n° 469771, Sté Axa Group Opérations) selon laquelle une personne physique demeure fiscalement domiciliée en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts alors même qu'elle peut être regardée, au sens d'une convention fiscale conclue entre la France et un autre Etat, comme étant résidente de l'autre Etat et non comme résidente de France.
6.2 Contenu de l'article
Cet article vient contredire la jurisprudence du Conseil d'État en prévoyant que lorsqu'une personne physique est considérée comme n'étant pas résidente de France en application des conventions fiscales conclues par la France en matière de doubles impositions, elle ne peut pas être considérée comme ayant son domicile fiscal en France au sens des dispositions du code général des impôts.
7. Réintégration des amortissements admis en déduction dans l'assiette de la plus-value imposable réalisée lors de la cession de locaux ayant fait l'objet d'une location meublée dans le cadre d'une activité exercée à titre non professionnel (Article 24 du projet de loi)
Cet article modifie l'article 150 VB du code général des impôts afin que les amortissements déduits pendant la période de location meublée d'un bien soient réintégrés pour le calcul de la plus-value immobilière afférente à ce bien.
Ces dispositions s'appliqueraient aux plus-values réalisées à raison des cessions intervenant à compter du 1er janvier 2025.
8. Sécurisation du régime des bons ou droits de souscription d'actions et des titres acquis en exercice de ceux-ci (Article 25 du projet de loi)
8.1 Contexte
Le Conseil d'État s'est récemment prononcé à deux reprises sur le régime fiscal des BSPCE.
Dans une première décision du 8 décembre 2023 (CE, 8 décembre 2023, n° 482922), le Conseil d'État a jugé que malgré l'impossibilité d'inscrire des BSPCE sur un PEA, les sommes versées sur un tel plan peuvent être employées pour l'acquisition, en exercice de tels bons, de titres éligibles à ce plan. Il a ainsi censuré les commentaires administratifs qui s'opposaient à cette solution.
Dans une seconde décision du 5 février 2024 (CE, 5 février 2024, n°476309), le Conseil d'État a annulé la doctrine administrative qui refusait le sursis d'imposition sur la plus-value d'apport de titres souscrits en exercice de BSPCE au profit d‘une société contrôlée par l'apporteur.
8.2 Rejet partiel des apports des décisions du Conseil d'État
Cet article confère une valeur légale à l'interdiction d'inscrire des droits ou bons de souscription ou d'attribution et des titres souscrits en exercice de ceux-ci sur un PEA, contrairement à la position du Conseil d'État et complète dans le même sens, par cohérence, les dispositions relatives aux PEA-PME, PEE, PEI et PERCO.
Il ouvre également droit, conformément à la seconde décision du Conseil d'État, au bénéfice des dispositifs de sursis et de report d'imposition pour le gain de cession, de nature patrimoniale. En revanche, l'impôt afférent au gain d'exercice, de nature salariale et désormais distingué du gain de cession, serait quant à lui exigé au moment de l'apport.
9. Instauration pour les grandes entreprises d'une taxe sur les réductions de capital consécutives au rachat de leurs propres titres (Article 26 du projet de loi)
9.1 Champ d'application
Cette nouvelle taxe viserait les réductions de capital par annulation de titres qui sont la conséquence du rachat de leurs propres actions par certaines sociétés.
9.2 Redevables de la taxe
Pour que les sociétés soient redevables de la taxe, elles devraient :
- Avoir leur siège en France ; et
- Avoir réalisé au cours du dernier exercice clos un chiffre d'affaires hors taxes, ramené s'il y a lieu à douze mois, supérieur à 1 Md €.
9.3 Spécificités relatives aux sociétés comprises dans un périmètre de consolidation ou de combinaison des comptes
Pour les sociétés comprises dans un périmètre de consolidation ou de combinaison des comptes, le chiffre d'affaires s'entendrait de celui figurant dans les états financiers consolidés ou combinés.
De plus, ces sociétés ne seraient soumises à la taxe que lorsque leurs comptes sont consolidés ou combinés par intégration globale ou proportionnelle.
9.4 Opérations exclues du champ d'application de la taxe
Certaines opérations seraient exclues du champ de la taxe, en particulier celles pour lesquelles la réduction de capital est réalisée aux fins :
- De compenser une augmentation de capital réalisée dans les conditions d'émission de plans d'options de souscription ou d'achat d'actions, d'attribution d'actions gratuites ou de PEE ;
- De faciliter une fusion ou une scission par rachat et annulation d'actions représentant au plus 0,25% du montant du capital social, ou par rachat et annulation d'actions réalisés dans des conditions prévues par une réglementation étrangère équivalente.
9.5 Assiette de la taxe
L'assiette de la taxe serait constituée par le montant de la réduction de capital et une fraction des sommes qui revêtent sur le plan comptable le caractère de primes liées au capital. Les modalités de calcul de cette dernière fraction sont prévues par l'article.
9.6 Taux de la taxe
Le taux de la taxe est fixé à 8%.
9.7 Déclaration, liquidation et paiement de la taxe
Le projet de loi prévoit que les contribuables devraient déclarer et liquider la taxe sur l'annexe à la déclaration CA3 déposée au titre de la période au cours de laquelle est intervenue la demande d'inscription modificative au registre du commerce et des sociétés en conséquence de la réduction de capital. La taxe devrait être acquittée lors du dépôt de cette déclaration CA3.
9.8 Règles relatives au contrôle, au recouvrement, aux sanctions et au contentieux applicables à la taxe
Les règles relatives au contrôle, au recouvrement, aux sanctions et au contentieux applicables à la taxe seraient celles applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires.
9.9 Non-déductibilité de l'impôt sur les sociétés
La taxe ne serait pas déductible de l'impôt sur les sociétés.
9.10 Entrée en vigueur de la taxe
La taxe s'appliquerait aux réductions de capital réalisées à compter du 10 octobre 2024.
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