Dans un arrêt du 26 mars 2025, la Cour de cassation estime justifié le licenciement disciplinaire d'un salarié qui avait maintenu une pression sur une collègue avec laquelle il avait précédemmententretenu une relation amoureuse. Ce manquement à une obligation du contrat de travail était incompatible avec les responsabilités exercées par le salarié.
L'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 26 mars 2025 marque une étape dans l'articulation entre la vie personnelle du salarié et l'obligation de sécurité au travail. Il s'inscrit dans lalignée d'une jurisprudence qui, tout en protégeant la sphère privée, reconnaît que certains comportements relevant de la vie personnelle peuvent justifier un licenciement disciplinaire lorsqu'ilscontreviennent aux obligations contractuelles, et notamment à l'obligation de sécurité.
Un salarié occupant les fonctions de directeur des partenariats et des relations institutionnelles, membre du comité de direction de l'entreprise a été licencié pour faute grave. Ce licenciement faisait suite à la rupture d'une relation amoureuse née en dehors du travail avec une collègue laquelle, après avoir exprimé le souhait de limiter leurs échanges au strict cadre professionnel, a continué à recevoir de nombreux messages insistants, certains faisant référence à la position hiérarchique élevée du salarié. La situation a généré une souffrance au travail, constatée par le médecin du travail et le manager de la collaboratrice concernée.
L'employeur ainsi alerté a estimé que le comportement du salarié, sur le lieu et le temps de travail, faisait courir un risque sur la santé et la sécurité de la salariée victime de ces agissements et constituait un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail qu'il a sanctionné par un licenciement pour faute grave.
Le directeur a contesté son licenciement au motif que les faits n'étaient pas rattachables à sa vie professionnelle car il n'avait utilisé qu'une fois sa messagerie professionnelle et qu'une ruptureamoureuse relève de sa vie privée et ne peut donc constituer un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail.
La cour d'appel de Paris a validé le licenciement (cour d'appel Paris, 20 avril 2023, n° 20/04108), décision confirmée par la Cour de cassation qui rejette le pourvoi du salarié.
Traditionnellement, la jurisprudence considère que les faits relevant de la vie personnelle du salarié ne peuvent justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'ils constituent un manquement à uneobligation découlant du contrat de travail ( arrêt du 27 mars 2012).
Dans cette affaire, la Cour rappelle ce principe, mais souligne que le comportement du salarié, bien que s'inscrivant initialement dans la sphère privée, a eu des répercussions directes sur le climatprofessionnel et la santé psychique de sa collègue, peu important qu'elle ne soit pas sous sa subordination directe. En continuant à solliciter sa collègue via les outils professionnels malgré sonrefus, le salarié a franchi la frontière entre vie privée et vie professionnelle, engageant ainsi sa responsabilité contractuelle.
Sous le visa de l'article L.4122-1 du code du travail qui impose à chaque salarié de prendre soin de sa santé, de sa sécurité et de celles de ses collègues sur le lieu de travail, la Cour de cassationvalide ainsi l'analyse de la cour d'appel selon laquelle le comportement du salarié a constitué un manquement à son obligation de sécurité.
Le comportement harcelant et le maintien d'une pression relationnelle, via des messages insistants sur la messagerie professionnelle, a nui à la santé psychologique de la salariée, et, sans qu'uneenquête ne soit diligentée par l'employeur, celui-ci a estimé qu'il y avait suffisamment d'éléments objectifs pour le démontrer (courriels, messages téléphoniques, témoignages, courrier du médecindu travail).
La circonstance que la relation ait débutée dans la sphère privée importe peu dès lors que les agissements reprochés ont eu un impact sur le fonctionnement de l'entreprise et la santé d'une salariée.
Le risque pesant sur la santé de la salariée victime l'a ainsi emporté sur le principe de protection de la vie personnelle.
La Cour précise ainsi que l'employeur était fondé à sanctionner disciplinairement ces faits, car ils révélaient un manquement à l'obligation de sécurité, laquelle s'impose à tous les salariés, indépendamment de leur ancienneté ou de l'absence d'antécédents disciplinaires, ce dont se prévalait le salarié.
Ce manquement à une obligation du contrat de travail, incompatible avec les responsabilités exercées par le salarié, rendait par conséquent impossible son maintien dans l'entreprise.
Cette solution s'inscrit dans une logique de prévention des risques psychosociaux et de protection de la santé au travail, obligations désormais partagées par l'employeur et les salariés.
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