Très attendues par les professionnels du secteur
agro-alimentaire, la DGCCRF a publié le 5 février
dernier les lignes directrices relatives à l'encadrement
des promotions (« LD ») portant sur les
denrées alimentaires et le pet food
(« Produits ») dont le nouveau régime
(pour une période test de 2 ans) est issu de
l'ordonnance n°2018-1128 du 12 décembre
20181 (« Ordonnance ») prise en
application de la loi EGALIM2.
Alors que les négociations commerciales doivent se terminer
cette semaine, les LD reviennent sur les conditions dans lesquelles
(i) les nouvelles règles sur l'encadrement
« des avantages promotionnels, immédiats ou
différés, ayant pour effet de réduire le prix
de vente au consommateur de denrées alimentaires ou de
produits destinés à l'alimentation des animaux de
compagnie » prévues par l'Ordonnance et (ii)
l'interdiction du mot « gratuit » des
promotions, seront mises en Suvre par les services de la
DGCCRF.
Il
s'agit d'une démarche qui se veut pédagogique
à destination des acteurs du secteur, bien que la position
de l'administration n'ait en soi pas de valeur
contraignante pour les juridictions.
A
cet égard, la DGCCRF rappelle d'ailleurs que
« ce document sera soumis à
l'appréciation souveraine des
tribunaux » et qu'il
« est susceptible de modifications ou
d'évolution à la lumière des pratiques
constatées par les services de contrôle ou
portées à notre connaissance par les acteurs
économiques ».
1. Sur l'encadrement des promotions
Pour mémoire, les avantages promotionels (en espèce
ou nature) sur les Produits, accordés au consommateur par le
fournisseur ou le distributeur, de manière immédiate
ou différée, ne sont pas interdits mais l'article
3 de l'Ordonnance prévoit leur encadrement en valeur et
en volume.
● Encadrement en
valeur
Depuis le 1er janvier 2019, les avantages promotionnels, le cas
échéant cumulés, accordés au
consommateur sur un Produit, ne peuvent pas être
supérieurs à 34 % du prix de vente au consommateur ou
à une augmentation de la quantité vendue
équivalente du Produit concerné.
A
cet égard, les LD précisent que cet encadrement en
valeur ne concerne toutefois que les avantages promotionnels
portant sur un Produit déterminé:
- dont le
prix est annoncé en baisse par rapport au prix de
vente au consommateur ; ou
- dont la
quantité est augmentée par rapport au
conditionnement habituel sans augmentation de prix
correspondante.
Les dispositions s'appliquent donc uniquement aux
annonces de réduction chiffrée selon
la DGCCRF qui établit, sous réserve de
l'appréciation souveraine des tribunaux, une
liste non exhaustive des opérations entrant
ou non dans le champ d'application de l'encadrement en
valeur prévu par l'Ordonnance.
- Ainsi,
entrent par exemple dans le champ d'application de
l'encadrement en valeur : les offres avec
annonce d'une réduction de prix
chiffrée – « moins X % » –
ou encore les offres assorties d'une augmentation de
quantité offerte – du type « dont X
% offert » ou « plus X % offert »
ou « 2 + 1 » – ainsi que les
bons de réduction accordés par les
fournisseurs sur un Produit déterminé (bons
à imprimer, coupons ou remboursements après envoi de
la preuve d'achat au fournisseur : par exemple,
« X centimes déduits » ou « X centimes
remboursés ».). La DGCCRF précise à
cet effet que « Dans le cas d'un produit porteur
d'un bon de réduction différée
affecté à un produit déterminé, la
vérification du plafond en valeur des promotions sera
effectuée sur le prix du produit sur lequel la
réduction porte ».
- A
l'inverse, sont notamment exclues du champ d'application de
l'encadrement en valeur : les pratiques de prix
présentés comme avantageux pour le consommateur
sans annonces de réduction de prix
chiffrées (annonces du type « prix
choc » ou « prix
bas ») ainsi que l'offre d'un Produit
différent y compris alimentaire pour un ou plusieurs
Produits identiques achetés (le cas de la vente avec
prime, par exemple : une boite d'Suf offerte pour
un pack de lait acheté).
-
S'agissant plus précisément des avantages
de fidélisation ou de cagnottage :
◦ Selon la
DGCCRF, ces avantages lorsqu'ils sont
affectés à un Produit ont un
effet sur le prix et entrent donc dans le champ
d'application de l'encadrement en valeur.
◦ La DGCCRF
vise l'hypothèse de « l'achat
d'un produit précis donne droit à
l'obtention d'un montant déterminé et
chiffré (cumulé sur une carte de
fidélité ou faisant l'objet d'un bon de
réduction), que le consommateur pourra utiliser
ultérieurement soit pour un achat, du
même produit ou d'un produit
différent, soit en déduction du
montant total de ses achats, dans un établissement
de la même enseigne – par exemple « X%
du prix du produit cagnotté sur la carte de
fidélité du magasin ».
◦ En
revanche, dans le cas de l'avantage de
fidélisation ou de cagnottage non affecté à un
Produit, la DGCCRF estime que l'obtention d'une
cagnotte (sur une carte de fidélité ou par le biais
d'un bon de réduction) que le consommateur pourra
utilisé ultérieurement et qui n'est pas
liée à l'achat d'un Produit
déterminé mais « par exemple à
l'achat d'un montant donné sur une certaine
période et sur l'ensemble ou une catégorie de
produits proposés à la vente par le
magasin » n'entre pas dans le champ
d'application de l'Ordonnance.
Il
s'agit par exemple de l'obtention d'un montant de 10
euros sur une carte de fidélité si le montant total
des produits achetés à une date particulière
dans le magasin/sur un rayon donné est supérieur
à 50 euros.
◦ Dans le
cadre du cagnottage relatif à l'achat d'un Produit
précis, l'analyse de la DGCCRF soulève toutefois
une difficulté pratique. Ce Produit n'a
initialement pas été acheté à
prix réduit. L'avantage est uniquement obtenu
dans un second temps par le consommateur sur un produit qui peut
être différent – y compris non
alimentaire – voire sur le montant total de ses achats.
Or, selon la DGCCRF, l'encadrement en valeur s'applique
« aux offres portant sur un produit
déterminé dont le prix est annoncé en
baisse par le distributeur par rapport au prix de
vente au consommateur », ce qui n'est donc pas
nécessairement le cas ici puisqu'il n'est pas
certain que l'on puisse identifier le Produit
déterminé sur lequel porte l'avantage.
De
même, à titre de comparaison, dans le cadre des bons
de réduction différée (i.e. bons de
réduction du fournisseur sur l'achat d'un Produit
déterminé permettant de bénéficier
d'une réduction ultérieure sur un autre Produit),
la DGCCRF indique que « la vérification du
plafond en valeur des promotions sera effectuée sur
le prix du produit sur lequel la réduction porte
» - i.e. le second Produit.
- La DGCCRF
précise également que si un même Produit cumule
plusieurs offres, la réduction de prix cumulée dont
bénéficiera le consommateur ne pourra pas
excéder 34% du prix de vente du Produit concerné. En
conséquence, le distributeur devra prendre en compte
l'existence d'un éventuel avantage octroyé
par le fournisseur avant de mettre en place une offre
promotionnelle. Des échanges sur ce point entre les
interlocuteurs respectifs des fournisseurs et distributeurs
s'avèrent plus que nécessaires, bien qu'ils
puissent à notre sens être créateurs de risques
sur le terrain du droit de la concurrence...
- La DGCCRF
rappelle que conformément à l'article 3IV de
l'Ordonnance, sont exclus de l'encadrement
« les avantages promotionnels portant sur
des produits périssables dès lors qu'ils
sont menacés d'altération rapide, à
condition que l'avantage promotionnel ne fasse l'objet
d'aucune publicité ou annonce à
l'extérieur du point de vente ».
- A cet
égard, la DGCCRF note toutefois « qu'il
appartient au distributeur de prouver aux services de
contrôle que des produits étaient menacés
d'une telle altération par tout moyen mis
à sa disposition » sans pour autant donner
des indications et des critères permettant aux distributeurs
d'apprécier le caractère
« rapide » de l'altération
(e.g. Produits dont la date de péremption expire le
jour même ou le lendemain), ni fournir une liste claire de
Produits périssables, ce qui laisser une large marge de
manSuvre aux distributeurs, source d'insécurité
juridique pour les professionnels.
- La DGCCRF
indique enfin que les opérateurs pourront la consulter en
cas d'interrogation sur des pratiques promotionnelles non
répertoriées dans ce document et que celuici sera le
cas échéant complété. Or, rien
n'est là non plus précisé sur la
manière dont les opérateurs pourraient le cas
échéant consulter/saisir la DGCCRF et sur la
portée de sa réponse. Il ne s'agira
vraisemblablement pas d'une pratique de
« rescrit » à l'instar celle
qui existe à l'article L. 1125 et suivants du code de la
consommation selon laquelle la DGCCRF prend une position formelle
sur la conformité des pratiques des opérateurs aux
règles encadrant les modalités d'information sur
les prix de vente aux consommateurs.
- Enfin, notons
que la DGCCRF ne s'est pas encore prononcée sur le cas
des Produits « non périssables »,
ayant un certain caractère saisonnier ou dont la
consommation est liée à certaines occasions
(chocolats de Pâques, foie gras à Noël..), ni sur
les jeux promotionnels (cas d'un consommateur, qui, grâce
à l'achat d'un Produit, peut participer à un
jeu et tenter de gagner l'une des dotations proposées).
Il est toutefois peu probable que les jeux soient
concernés par les LD car l'Ordonnance ne vise en effet
que les avantages promotionnels ayant pour effet de
réduire le prix de vente des Produits au consommateur.
● Encadrement en volume
Pour mémoire, l'Ordonnance prévoit que les
avantages promotionnels, accordés par le fournisseur ou par
le distributeur, ne devront pas porter sur des Produits
représentant plus de 25% : (1°) du chiffre
d'affaires prévisionnel de la
convention unique détaillant prévue à
l'article L. 441-7 du code de commerce ; (2°) du
volume prévisionnel prévu par un
contrat portant sur la conception et la production de Produits
selon des modalités répondant aux besoins
particuliers de l'acheteur prévisionnels (i.e.
contrat MDD) ; (3°) des
engagements de volume portant sur des
produits agricoles périssables ou issus de
cycles courts de production, d'animaux vifs, de carcasses ou
pour les produits de la pêche et de l'aquaculture
convenus entre le fournisseur et le distributeur (i.e.
notamment conventions des articles L. 441-2-1 et L. 441-10 du code
de commerce).
- Champ
d'application identique à celui de l'encadrement des
promotions en valeur : Les avantages promotionnels
pris en compte pour l'encadrement des promotions en volume sont
identiques à ceux pris en compte pour l'encadrement des
promotions en valeur. Ainsi, tous les Produits offrant un avantage
promotionnel soumis à l'encadrement en valeur entrent
dans le calcul de l'encadrement en volume.
-
Assiette : Quelle que soit la relation
commerciale, l'Ordonnance implique que les parties au contrat
conviennent soit d'un chiffre d'affaire
prévisionnel, soit d'un volume prévisionnel qui
doit être inscrit par les parties au contrat et
servira d'assiette à l'encadrement des promotions en
volume.
◦
Dans le cadre la relation contractuelle régie par la
convention prévue à l'article L. 441-7 du code de
commerce, la DGCCRF précise que c'est bien la
valeur à l'achat des Produits revendus en promotion qui
doit être prise en compte pour s'assurer d'un volume
restant dans le seuil de 25% du chiffre d'affaires
prévisionnel prévu au contrat (il s'agit donc du
« sell in », entre fournisseur et
distributeur, et non « sell out »,
auprès du consommateur). A cet égard, la DGCCRF
précise également que les parties au contrat peuvent
choisir la manière de calculer le chiffre
d'affaires prévisionnel : elles peuvent par
exemple retenir le chiffre d'affaires net ou le chiffre
d'affaires « ristournable » « dont
la définition relève de la liberté
contractuelle ». Dans tous les cas, le calcul de la
valeur des Produits revendus en promotion devra se faire sur la
même base.
Ces
dispositions sont applicables à tous les contrats conclus
pour régir la relation d'affaires de l'année
2019 et qui doivent être signés avant le 1er mars
2019.
◦
Relation contractuelle portant sur des produits sous marque
de distributeur ou des produits agricoles
périssables, les fournisseurs et les distributeurs
devront s'assurer que la quantité de produits (nombre
d'unités, poids, litres, etc. en fonction de la
référence retenue par les parties) revendue en
promotion ne dépasse pas 25% du volume prévisionnel
(pour des produits sous marque de distributeur, dont la conception
et la production se font selon des modalités
répondant aux besoins particuliers de l'acheteur) ou des
engagements de volume (pour des produits agricoles
périssables ou issus de cycles courts de production,
d'animaux vifs, de carcasses ou pour les produits de la
pêche et de l'aquaculture) prévus par le
contrat.
Pour
les contrats en cours d'exécution qui n'incluraient
pas de volume prévisionnel (pour les produits sous MDD) ou
d'engagements de volume (pour les produits agricoles
périssables), il conviendra de prévoir la signature
d'un avenant pour la durée restante d'application du
contrat. Si les parties avaient déjà prévu un
volume prévisionnel ou des engagements de volume, la
comparaison se fera sur un prorata de ce volume,
pondéré le cas échéant en fonction de
la saisonnalité du produit.
2. Sur l'interdiction d'utiliser le mot
« gratuit » dans les promotions
La
loi EGALIM a interdit l'utilisation du terme « gratuit
» pour toute promotion d'un Produit.
La
DGCCRF précise que ces dispositions étant
d'application stricte, seule l'utilisation du mot
« gratuit » est interdite. Ainsi, selon la
DGCCRF, il semble que les termes dérivés ou
synonymes, comme « offert », pourraient continuer
à être librement utilisés par les
opérateurs de vente (qui au sens du deuxième
alinéa de l'article L. 441-2 du code de commerce,
doivent s'entendre comme l'ensemble des professionnels
proposant à la vente des Produits, à d'autres
professionnels ou à des consommateurs). En
conséquence, par exemple, les messages du type « 2 + 1
gratuit » peuvent désormais être
substituées par « 2 + 1 offert ».
La
DGCCRF rappelle également que « La loi vise
l'emploi du terme « gratuit » comme « outil
marketing et promotionnel » ; l'interdiction
s'applique donc à toute forme de communication
et à tout support utilisant le mot « gratuit
» dans le but d'influencer le comportement d'achat
des consommateurs ». Le terme
« gratuit » est donc interdit aussi bien sur
un catalogue promotionnel, sur l'emballage du Produit que sur
l'affiche publicitaire présente sur le lieu de
vente.
Les LD indiquent que l'interdiction d'utilisation du mot
« gratuit » est en vigueur depuis le 2 novembre
2018.
Ceci étant, une souplesse est annoncée par la DGCCRF
dans ses LD dans le cadre des contrôles de ses agents qui
devraient tenir compte des circonstances particulières et
notamment de la bonne foi des entreprises contrôlées.
Ainsi, par exemple, le fait que certains packaging ou
catalogue comportant la mention « gratuit »
pour promouvoir des Produis aient été
fabriqués avant cette date, pourrait être pris en
compte.
En
outre, les LD précisent que « Dès
lors, conformément à l'article 121-3 du code
pénal, il reviendra au juge d'établir si
l'auteur des faits a, ou non, volontairement commis une
infraction, compte tenu notamment des moyens dont il
disposait, et le cas échéant, de lui
infliger l'amende correspondante de 15 000
euros ».
Ceci étant, si l'Administration laisse percevoir
qu'elle peut faire preuve de souplesse en ce début
d'application de la nouvelle réglementation, les
opérateurs ne doivent plus attendre pour se mettre en
conformité. Leurs pratiques seront en effet
analysées avec attention cette année, non seulement
par l'Administration mais également par le
législateur qui suit déjà l'application de
la réglementation, via un groupe de suivi au Sénat.
En outre, compte tenu des tensions et difficultés qui sont
actuellement remontées par les acteurs du secteur sur les
négociations 2019, une commission d'enquête
parlementaire dont l'objectif affiché serait
« de faire toute la lumière sur les pratiques
de la grande distribution et leurs groupements dans leurs relations
commerciales avec les fournisseurs » devrait voir
le jour à l'Assemblée nationale.
Footnotes
1 Ordonnance n°2018-1128 du 12 décembre 2018
relative au relèvement du seuil de revente à perte et
à l'encadrement des promotions pour les denrées
et certains produits alimentaires.
2 Loi n°2018-938 du 30 octobre 2018 pour
l'équilibre des relations commerciales dans
le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine,
durable et accessible à tou
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