CURATED
27 May 2025

NEWSLETTER Du 14 Avril Au 9 Mai 2025 | N° 104

MB
Monfrini Bitton Klein

Contributor

Based in Geneva, but borderless in its reach, Monfrini Bitton Klein is a litigation-only Swiss law firm, internationally recognised for asset recovery, business crime and cross-border litigation. We are representatives for Switzerland of ICC-FraudNet, the leading global network of fraud and asset recovery lawyers.
La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).
Switzerland Criminal Law

Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).

Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes: droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide internationale.

  1. PROCÉDURE PÉNALE

TF 7B_19/2025 du 4 avril 2025 | Levée injustifiée d'un séquestre pénal sur des Suvres dérobées dans
l'appartement d'un défunt (art. 263 al. 1 CPP, art. 267 al. 1 CPP et
art. 139 CP)

  • Le 21 avril 2023, C.A. («Défunt») est décédé aux Hôpitaux universitaires de Genève («HUG»)
    laissant pour seule héritière sa sSur («Recourante»), représentée par son curateur.
  • Le 26 juin 2023, la Recourante a déposé plainte
    pénale contre inconnu pour un cambriolage
    survenu entre le 8 et le 24 avril 2023 dans
    l'appartement du Défunt.
  • La Recourante a expliqué qu'elle soupçonnait D., lequel s'était présenté à la famille du Défunt peu avant son décès comme un ami proche de ce
    En outre, la Recourante a signalé la
    disparition de bijoux et objets d'art présents dans l'appartement.
  • Lors de son audition par la police, D. a accepté que son appartement soit perquisitionné. Lors de la fouille, trois des Suvres manquantes, deux
    tableaux et un livre ont été retrouvés. Sur mandat du Ministère public genevois («Ministère public»), les pièces ont été saisies.
  • Par ordonnance du 26 avril 2024, le Ministère
    public a ordonné le séquestre des six objets. Lors de son audition, D. a expliqué avoir entretenu une relation «hors normes» avec le Défunt et en
    particulier avoir reçu de lui une carte de crédit qu'il avait continué d'utiliser même après son décès.
  • Ce même jour, le Ministère public a informé la
    Recourante de son intention de rendre une
    ordonnance de non-entrée en matière partielle en faveur de D. s'agissant du cambriolage et des Suvres d'art retrouvées au domicile du Défunt ainsi qu'une ordonnance pénale pour l'utilisation sans droit de la carte de crédit de ce dernier.
  • Sur recours, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de
    Genève («Cour cantonale») a partiellement admis le recours formé par D. contre l'ordonnance de séquestre et l'a annulée en ce qui concerne les deux tableaux et le livre. La Recourante a interjeté un recours au Tribunal fédéral contre cette décision.
  • Devant le Tribunal fédéral, la Recourante a
    invoqué la garantie de la propriété (art. 26 Cst.) ainsi que l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.), reprochant à la Cour cantonale d'avoir levé le
    séquestre sur les deux tableaux inventoriés, et ce malgré la production du titre d'acquisition y
    afférent (consid. 2.1).
  • Au sens de l'art. 263 al. 1 CPP, des objets et des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre lorsqu'il est probable qu'ils seront utilisés comme moyens de preuves (let. a), pour garantir le paiement des frais de procédure (let. b), qu'ils devront être restitués au lésé (let. c), qu'ils devront être confisqués (let. d) ou qu'ils seront utilisés pour couvrir la créance compensatrice de l'Etat selon l'art. 71 CP (let. e).
  • Selon l'art. 267 al. 1 CPP, si le motif du séquestre disparait, le ministère public ou le tribunal lève la mesure et restitue les objets et valeurs
    patrimoniales à l'ayant droit.
  • Dans le cadre de l'examen d'un séquestre,
    l'autorité statue sur la base de la vraisemblance (consid. 2.2.2).
  • In casu, la Cour cantonale avait retenu que les trois Suvres d'art inventoriées étaient visées par la plainte pour le vol perpétré dans l'appartement du Défunt. Or, puisque le Ministère public envisageait une ordonnance de classement partielle relative au cambriolage, les motifs du séquestre probatoire en vue de la restitution au lésé conservaient une utilité. Toutefois, la Cour cantonale n'avait pas appliqué le même raisonnement s'agissant des deux
    tableaux dans la mesure où ils n'avaient pas été énumérés comme étant des Suvres disparues ni par la Recourante, ni par le Ministère public, ni même par la partie plaignante (consid. 2.3 cum4.1).
  • Le Tribunal fédéral a rejeté le raisonnement de la Cour cantonale en ce qu'elle omettait de prendre en considération que le vol (art. 139 CP) est une
    infraction qui se poursuit d'office. Ainsi,
    l'absence de plainte d'une quelconque partie n'était pas suffisante à écarter tout risque de
    connexité avec l'infraction dénoncée, d'autant plus que les circonstances qui entouraient les faits étaient quasi-identiques à celles qui avaient mené au maintien du séquestre pour les autres Suvres
    (consid. 2.4.2).
  • Dans une telle configuration, notre Haute Cour a considéré qu'il ne saurait être reproché aux
    autorités pénales de prendre les mesures
    conservatoires nécessaires afin de préserver des prétentions encore incertaines par le biais du
    séquestre (consid. 2.4.2).
  • Partant, le recours a été admis.

TF 6B_168/2024 du 27 mars 2025 | Interprétation arbitraire du tarif des avocats argovien en matière de
défense d'office - effet rétroactif d'une norme cantonale confirmé
(art. 135 CPP)

  • Recourant») a été défenseur d'office entre 2020 et 2024 dans une procédure d'appel devant l'Obergericht du canton d'Argovie.
  • Par jugement d'appel du 10 janvier 2024, l'Obergericht lui a accordé une indemnité de
    CHF 3'711.35 pour son activité. Les prestations fournies entre 2020 et 2023 ont été rémunérées à un taux horaire de CHF 200.-, alors que celles fournies après le 1er janvier 2024 l'ont été à un taux horaire de CHF 220.-.
  • Le Recourant a interjeté recours au Tribunal fédéral contre ce jugement en contestant notamment le montant de la rémunération.
  • Au sens de l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. Le Tribunal fédéral ne contrôle l'interprétation et l'application des tarifs cantonaux des avocats que sous l'angle de l'arbitraire et de la conformité avec d'autres droits constitutionnels
    (consid. 2.3.1).
  • Le canton d'Argovie a adopté en 1987 le
    «Dekret über die Entschädung der Anwälte »
    (AnwT/AG; SAR 291.150). Ce décret a été modifié le 1er janvier 2024 en entérinant à son art. 9 al. 3bis un nouveau tarif horaire applicable pour les cas de défense d'office, à savoir CHF 220.- au lieu de CHF 200.-.
  • La question qui se pose dans cet arrêt est de savoir si l'art. 9 al. 3bis précité déploie un effet rétroactif si bien qu'un unique tarif horaire aurait dû être appliqué à l'ensemble de la procédure d'appel à laquelle a participé le Recourant, celle-ci ayant débuté avant l'entrée en vigueur de la disposition légale cantonale.
  • Le Tribunal fédéral a rappelé que dans les cas présentant un lien intertemporel, il faut déterminer quelle est (i) la durée de validité et (ii) le champ d'application temporel d'une norme : la première permet de déterminer « la durée de vie» de la norme qui débute avec son entrée en vigueur et se termine par sa déchéance, alors que la seconde permet de déterminer la période pendant laquelle les faits visés par la norme doivent s'être produits. Les deux notions peuvent coïncider, mais pas nécessairement (consid. 2.3.2).
  • Dans ce contexte, notre Haute Cour a indiqué qu'il était nécessaire de vérifier si une norme contient des règles de conflit. À défaut, ce sont les principes généraux qui trouvent application (consid. 2.3.2).
  • In casu, le Tribunal fédéral, après interprétation des différentes versions du Décret, a constaté que celui-ci contient une disposition transitoire qui prévoit que ledit décret s'applique à toutes les procédures et à l'ensemble de la procédure devant l'instance devant laquelle elles sont pendantes au moment de son entrée en vigueur (cf. art. 17 al. 1 AnwT/AG). En d'autres termes, le nouveau tarif adopté le 1er janvier 2024 déploie un effet rétroactif aux procédures pendantes (consid. 2.3.2).
  • De ce fait, notre Haute Cour a considéré que le Recourant devait être indemnisé pour l'ensemble des prestations fournies entre 2020 et 2024 à un tarif horaire de CHF 220.-, la procédure d'appel ayant été pendante jusqu'au 10 janvier 2024
    (consid. 2.4.2).
  • Partant, le recours a été admis.

TF 7B_452/2024 du 8 avril 2025 | Admissibilité de la saisie de données signalétiques lors de manifestations non autorisées (art. 197 al. 1 CPP, art. 260 CPP)

  • Une procédure pénale a été ouverte à l'encontre de A. («Recourant») pour suspicion d'émeute, dommages à la propriété et entrave à la circulation publique. Le 16 mai 2023, le Staatsanwaltschaftbâlois («Ministère public») a ordonné la saisie de données signalétiques du Recourant. Sa décision a été confirmée sur recours le 7 mars 2024. Le Recourant a donc saisi le Tribunal fédéral contre cette dernière.
  • Devant notre Haute Cour, le Recourant s'est notamment plaint d'une violation de son droit à la liberté personnelle, au respect de sa sphère privée ainsi qu'une violation des conditions de recevabilité pour procéder à une saisie de ses données signalétiques (consid. 2).
  • Au sens de l'art. 260 al. 1 CPP, sont des données signalétiques d'une personne la constatation de ses particularités physiques et le prélèvement d'empreintes de certaines parties de son corps. Le but de cette mesure de contrainte (art. 197 al. 1 CPP) est de clarifier les faits, ce qui inclut notamment la détermination de l'identité d'une personne (consid.2.1).
  • Les mesures d'identification peuvent notamment porter atteinte au droit à la liberté personnelle ou à l'intégrité physique (art. 10 al. 2 Cst.). Une telle restriction des droits fondamentaux ne nécessite pas uniquement une base légale suffisante, mais doit également être justifiée par un intérêt public et être proportionnée (art. 36 Cst). Ainsi, la saisie de données signalétiques doit reposer sur des soupçons suffisants, poursuivre un but qui ne peut être atteint par une mesure moins incisive et être justifiée vis-à-vis de l'infraction (art. 197 CPP)
    (consid. 2.1).
  • La jurisprudence précise que la saisie de données signalétiques peut également être autorisée lorsqu'elle n'est pas nécessaire à l'élucidation d'une infraction à condition que des indices sérieux et concrets laissant supposer que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures, d'une certaine gravité. En tout état de cause, il faut procéder à un examen global de la proportionnalité et prendre en compte le bien juridique menacé et le contexte concret. À titre d'exemple, une saisie préventive des données signalétiques s'avère proportionnelle lorsque l'intégrité physique ou sexuelle de personnes particulièrement sensibles ou, dans certaines circonstances, leur patrimoine est menacé. En somme, un risque sérieux pour des biens juridiques essentiels est requis (consid. 2.1).
  • In casu, le Ministère public reprochait au Recourant d'avoir participé à une manifestation non autorisée à partir de laquelle un grand nombre de dommages matériels auraient été commis et qui a été source de fortes perturbations du trafic. Par ailleurs, le Recourant était également soupçonné d'avoir participé à une autre manifestation non autorisée (consid. 2.3).
  • Or, sur la base de ces soupçons et dans le cadre de la procédure de saisie de données signalétiques, le Ministère public avait fait constater les caractéristiques physiques et avait saisi les empreintes de certaines parties du corps du Recourant afin, d'une part, de les comparer avec d'éventuelles prises de vue des manifestations et, d'autre part, pour élucider des éventuelles infractions passées ou futures (consid. 2.3).
  • In casu, notre Haute Cour a retenu qu'il ne ressortait pas de la décision attaquée concernant l'entrave à la circulation publique, que la vie et l'intégrité corporelle aurait été (sciemment) mise en danger. Ainsi, un soupçon suffisant d'entrave à la circulation publique justifiant la saisie de données signalétiques du Recourant n'était pas démontrée. En revanche, les clichés photographiques pris du Recourant étaient une mesure propre à permettre d'élucider les faits contestés et, partant, la mesure était admissible (consid. 2.4.1 cum4.2).
  • Toutefois, le Tribunal fédéral n'a pas retenu le même raisonnement s'agissant des empreintes digitales et palmaires du Recourant qui avaient été relevées. En particulier, notre Haute Cour a considéré que l'empreinte ne pouvait être comparée à d'autres qui auraient été saisies, et les infractions examinées ne touchaient pas à des biens juridiques particulièrement dignes de protection (la paix publique et le patrimoine). Les infractions ne justifiaient pas une atteinte aux droits fondamentaux à des fins purement préventives.
    En outre, rien d'indiquait que d'éventuels délits futurs ou déjà commis pourraient atteindre le niveau de gravité requis. La saisie de données signalétiques s'avérait dès lors disproportionnée à cet égard (consid. 2.4.3).
  • Partant, le recours a été partiellement admis.


TF 7B_515/2024[1] du 3 avril 2025 | Revirement de jurisprudence en matière de levée des scellés : l'autorité d'instruction peut dupliquer les données transmises par voie électronique (art. 46 ss DPA, art. 248 CPP)

  • La décision attaquée émanait de la Cour des plaintes, qui a rejeté une demande de levée des scellés présentée par l'Administration fédérale des contributions («AFC» ou «Recourante»). Celle-ci portait sur des documents saisis lors d'une perquisition menée conformément aux dispositions sur le droit pénal administratif (art. 46 ss DPA), dans le cadre d'une procédure ouverte pour violations des dispositions pénales de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct (LIFD).
  • Cette décision entreprise se fondait sur la jurisprudence alors en vigueur du Tribunal fédéral, en particulier l'ATF 148 IV 221. Dans cet arrêt, notre Haute Cour rappelait que les scellés, au sens de l'article 248 CPP, visent à garantir que l'autorité d'instruction ne puisse prendre connaissance des données saisies avant qu'un tribunal compétent ne se soit prononcé sur l'admissibilité de cet accès. Dès le dépôt d'une demande de mise sous scellés, l'arrêt de principe consacrait ainsi que l'autorité d'instruction était empêchée non seulement de consulter les données concernées, mais également d'en ordonner la duplication ou d'en confier la copie à un tiers placé sous sa direction ou soumis à ses instructions (consid. 3.1).
  • Selon l'ancienne jurisprudence, lorsque la réalisation d'une copie des données apparaissait opportune, l'autorité d'instruction devait, après la mise sous scellés immédiate des données concernés, déposer une demande de « mise en miroir » (Spiegelung) au tribunal des mesures de contrainte. Elle ne pouvait en aucun cas participer au déverrouillage des appareils, ni à l'opération de duplication des données, car une telle implication – directe ou indirecte – faisait naître un risque de prise de connaissance prématurée du contenu. En effet, dès lors que l'autorité procédait elle-même à la mise en miroir ou en donnait l'ordre, la possibilité d'une prise de connaissance prématurée des données ne pouvait être exclue (consid. 3.2).
  • Dans le présent arrêt, notre Haute Cour revient sur sa jurisprudence en s'appuyant notamment sur une partie de la doctrine dissidente. En particulier, le Tribunal fédéral a dissipé la confusion opérée entre la saisie de données et leur perquisition, en affirmant qu'une duplication des données ne constitue pas une perquisition, dès lors qu'elle intervient exclusivement au niveau informatique. De ce fait, une duplication des données n'implique pas une prise de connaissance de leur contenu (consid.3.3).
  • In casu, la Recourante avait reçu, par voie électronique, les documents bancaires litigieux transmis par une société en qualité de détentrice. Le Tribunal fédéral a comparé cette situation à celle d'une perquisition à domicile, dans laquelle des appareils électroniques sont provisoirement saisis, physiquement manipulés et transportés dans les locaux des autorités de poursuite pénale pour être ensuite mis sous scellés. Ainsi, il a considéré qu'une demande de mise sous scellés déjà déposée n'empêchait pas le transfert (y compris physique) des enregistrements ou des objets scellés à l'autorité d'instruction (consid. 3.4.1).
  • En conclusion, les juges de Mon-Repos ont retenu que la Recourante n'avait pas violé le droit fédéral en copiant les données qui lui avaient été transmises sur une clé USB dans le but de respecter la demande de mise sous scellés dont elle avait déjà connaissance; l'enregistrement des documents constituant une étape inhérente à la procédure de saisie (consid. 3.4.1).
  • Partant, le recours a été admis.


  1. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

TF 6B_55/2025 du 2 avril 2025 | Escroquerie en lien avec l'achat de montres de luxe (art. 138 ch. 1 al. 1 CP, art. 146 CP)

  • Par jugement du 25 mars 2024, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la Côté a reconnu A. («Recourant») coupable d'escroquerie par métier. Il lui était reproché, à tout le moins entre juin et octobre 2021, d'avoir reçu CHF 96'400.- de B. à titre d'acompte pour l'achat de différentes montres de marque, qu'il disait pouvoir se procurer par le biais de contacts, circonstance qu'il savait être inexistante. Le Recourant a usé du même stratagème à l'égard de E. et a réussi à lui soutirer
    CHF 9'650.-. Le jugement a été confirmé sur appel et le Recourant a recouru auprès du Tribunal fédéral contre ce dernier.
  • Devant notre Haute Cour, le Recourant contestait notamment la qualification juridique des faits commis à l'encontre de E. Il soutenait qu'ils étaient constitutifs d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 al. 1 CP) et non d'escroquerie (art. 146 CP).
  • L'infraction d'escroquerie requiert une tromperie astucieuse qui doit amener la dupe, dans l'erreur, à accomplir un acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers. L'erreur créée (ou confortée) par la tromperie doit motiver l'acte (consid. 2.1.3).
  • Selon la jurisprudence, l'illicéité de l'escroquerie et de l'abus de confiance se rapporte à un transfert de patrimoine, respectivement de propriété, qui doit découler d'une tromperie astucieuse dans le premier cas, et de la violation d'un rapport de confiance dans le second (consid. 2.2.2).
  • La typicité des deux infractions peut se concevoir de façon parallèle. Toutefois, lorsqu'une chose mobilière ou des valeurs patrimoniales sont confiées au moyen d'une tromperie astucieuse, cette dernière constitue le point de départ du processus délictueux. Or, l'escroquerie (art. 146 CP) appréhende celui-ci dans son entier et absorbe de la sorte l'abus de confiance (art. 138 CP) (consid. 2.2.2).
  • In casu, la Cour cantonale avait retenu que le Recourant avait premièrement été mis en contact avec E. par l'intermédiaire de son fils. En raison du lien de confiance avec ce dernier, E. pouvait croire les propos du Recourant, sans qu'on puisse lui reprocher de n'avoir pas effectué de plus amples vérifications. C'étaient bien les tromperies du Recourant qui avaient convaincu E. de verser les acomptes litigieux. Le dessein d'enrichissement illégitime au détriment des intérêts pécuniaires de E. était également donné dans la mesure où le Recourant avait admis avoir commencé à dépenser les acomptes pour ses besoins personnels et avoir par la suite menti à la dupe afin de la faire patienter (consid. 2.3).
  • Compte tenu de ces éléments, la Cour cantonale a considéré que le Recourant avait promis à E. de lui obtenir une montre de luxe, sans avoir eu à aucun instant l'intention de respecter cet engagement. En particulier, le Recourant n'avait jamais été inscrit sur une liste d'attente (comme il l'avait prétendu) afin de pouvoir commander la montre en question (consid. 2.3).
  • De ce fait, notre Haute Cour a retenu que le raisonnement de la Cour cantonale ne prêtait pas le flanc à la critique. Le Recourant avait usé de tromperie astucieuse en utilisant son propre fils afin de créer un lien de confiance avec E., sur la base de ce lien la dupe avait versé les différents acomptes sur le compte bancaire du Recourant et la somme versée a été employée pour ses besoins courants. Le lien de causalité entre le versement des acomptes et la promesse fallacieuse était ainsi donné ainsi que l'élément subjectif d'intentionnalité (consid. 2.3).
  • Partant, le recours a été rejeté.
  1. Droit international privÉ
  1. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

TF 4A_568/2024 du 2 avril 2025 | Déclenchement différé du délai de recours lors de la notification d'une mainlevée provisoire pendant les féries (art. 145 CPC, art. 56 al. 1 ch. 2 LP)


  • SA a fait notifier un commandement de payer à A. («Recourant») par l'entremisse du
    Betreibungsamtslucernois («Office des poursuites») pour un montant de CHF 2'128'855,60 avec intérêts. Le Recourant s'y est opposé.
  • Le 7 décembre 2023, le Bezirksgericht a accordé la mainlevée provisoire sur la totalité de la créance. Cette décision a été envoyée par courrier recommandé le 11 décembre 2023 et mise à
    disposition pour retrait le 12 décembre 2023, date à laquelle le Recourant a été avisé.
  • Le 11 janvier 2024, le Recourant a saisi le
    Kantonsgerichtlucernois en demandant l'annulation de la décision du Bezirksgericht et le rejet de la demande de mainlevée. Le Kantonsgerichtlucernois n'est toutefois pas entré en matière, au motif que le recours avait été déposé tardivement. Le Recourant a ensuite interjeté un recours au Tribunal fédéral contre cette décision de non-
    entrée en matière.
  • Les décisions de mainlevée peuvent faire l'objet d'un recours (art. 309 let. b ch. 3 CPC, art. 319
    a CPC). Lorsqu'une telle décision est contestée le délai de recours est de 10 jours, à moins que la loi n'en dispose autrement (art. 321 al. 2 CPC). Quant à la suspension des délais prévue par le CPC, elle s'applique uniquement aux actions relevant de la LP à déposer devant un juge (art. 145 al. 4
    phr. 1 CPC).
  • Au sens de l'art. 56 al. 1 ch. 2 LP, sauf en cas de séquestre ou de mesures conservatoires urgentes, il ne peut être procédé à aucun acte de poursuite sept jours avant et sept jours après les fêtes de Noël, ainsi que du 15 juillet au 31juillet ; il n'y a pas de féries en cas de poursuite pour effets de change.
  • La jurisprudence fédérale précise qu'un acte de poursuite a pour but de rapprocher le créancier de son objectif et de porter atteinte à la situation juridique du débiteur. Tel est notamment le cas des décisions de mainlevée provisoire ou définitive
    (consid. 3.2.2).
  • Néanmoins, si une décision de mainlevée est
    notifiée au débiteur pendant les féries au sens de la LP et que cette notification entraîne le déclenchement d'un délai qui impose au débiteur d'accomplir un acte particulier, l'effet de l'acte de poursuite sera différé: il ne déploiera ses effets qu'au premier jour qui suit la fin des féries
    (consid. 3.2.3).
  • In casu, le Tribunal fédéral a retenu que la
    notification de la décision du Bezirksgericht était
    réputée avoir eu lieu à l'expiration du délai de sept jours suivant la tentative infructueuse de remise (art 138 al. 3 let. a CPC), soit le 19 décembre 2023. Le fait que le Recourant ait prolongé le délai de
    retrait auprès de la poste n'y changeait rien
    (consid. 3.3.1).
  • Toutefois, le délai de recours de dix jours n'avait pas commencé à courir le jour suivant la notification. En effet, la notification était intervenue pendant les féries de Noël, lesquelles prenaient fin au
    1er janvier 2024. Le 2 janvier 2024, la décision du Bezirksgericht a été réputée notifiée. Ce jour-là, le délai de recours de dix jours avait commencé à courir conformément à l'art. 321 al. 2 CPC, avec pour conséquence qu'il était arrivé à échéance le
    12 janvier 2024. Le recours du 11 janvier 2024 avait ainsi été déposé en temps utile (consid. 3.3.2 et 3.4).
  • Partant, le recours a été admis.


  1. ENTRAIDE INTERNATIONALE

[1] Arrêt destiné à publication.

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.

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