CURATED
2 May 2025

Newsletter Du 31 Mars Au 11 Avril 2025 | N° 103

MB
Monfrini Bitton Klein

Contributor

Based in Geneva, but borderless in its reach, Monfrini Bitton Klein is a litigation-only Swiss law firm, internationally recognised for asset recovery, business crime and cross-border litigation. We are representatives for Switzerland of ICC-FraudNet, the leading global network of fraud and asset recovery lawyers.
La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la juris-prudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal écono-mique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).
Switzerland Criminal Law

Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).

Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide internationale.

I. PROCÉDURE PÉNALE

TF 7B_145/20251 du 25 mars 2025 | Séquestre de téléphone portable et droit à la protection de la personnalité du prévenu en cas de contenus intimes (art. 248 CPP, art. 264 al. 1 let. b CPP)

  • Le Ministère public de Zürich-Limmat a mené une enquête pénale contre A. (« Recourant ») pour soupçons d'infraction qualifiée à la LStup. Dans le cadre d'un contrôle de personnes et de véhicules, le téléphone portable du Recourant ainsi que 7,8 kilogrammes de mélange de cocaïne ont été saisis. Le Recourant a immédiatement requis la mise sous scellés de ces objets.
  • Par décision du 14 janvier 2025, le Bezirksgericht zurichois (« TMC ») a levé les scellés apposés sur le téléphone portable du Recourant et a ordonné son séquestre en vue de sa perquisition dans le cadre de l'enquête pénale.
  • Le Recourant a interjeté recours au Tribunal fédéral contre cette décision.
  • Devant notre Haute Cour, le Recourant a fait valoir la violation de l'art. 264 al. 1 let. b CPP. En particulier, la levée des scellés sur son téléphone portable violerait selon lui la protection d'intérêts privés, étant donné que des photos et des vidéos intimes du Recourant et de son amie s'y trouvaient (consid. 2.3)
  • Au sens des art. 8 ch. 1 CEDH et 13 Cst., toute personne a droit à la protection de sa sphère privée et à la protection contre le traitement abusif de ses données personnelles. Au regard de la procédure pénale, ce principe est concrétisé par l'art. 264 al. 1 let. b CPP qui établit que les documents personnels et la correspondance du prévenu ne peuvent pas être séquestrés si son intérêt à la protection de sa personnalité prime l'intérêt de la poursuite pénale.
  • Toutefois, la jurisprudence précise que cette protection n'est pas absolue et une pesée des intérêts en présence est requise (consid. 2.4).
  • Selon le rapport explicatif accompagnant l'avant-projet du CPP, sont considérés comme des « documents personnels et correspondance du prévenu » les documents qui touchent à la sphère strictement personnelle du prévenu (journaux intimes, agendas, répertoires téléphoniques ou carnets d'adresses, etc.). Cependant, au vu de l'évolution technique et des changements d'habitudes d'utilisation des usagers, il est manifeste que les téléphones portables remplissent désormais toutes ces fonctionnalités et même davantage. En règle générale, ces derniers contiennent donc une multitude de données sensibles. De ce fait, la fouille intégrale du téléphone portable utilisé à titre privée inclut nécessairement des documents personnels et de la correspondance au sens de l'art. 264 al. 1 let. b CPP (consid. 2.7).
  • Toutefois, les juges de Mon-Repos ont estimé que la simple fouille du téléphone ne suffisait pas à faire valoir des intérêts secrets dignes de protection (consid. 2.7).
  • In casu, le Recourant s'était contenté d'affirmer que des photos et vidéos intimes, protégées par le droit de la personnalité et contenues dans le téléphone portable séquestré, s'opposaient à la levée des scellés. Or, le Tribunal fédéral a estimé qu'il n'était pas établi en quoi l'intérêt du Recourant à la protection de sa personnalité devait primer sur l'intérêt de la poursuite pénale, laquelle portait sur des soupçons d'infraction grave à la LStup (consid. 2.8).
  • Partant, le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

TF 7B_576/2024 du 20 mars 2025 | Levée des scellés et protection du secret professionnel de l'avocat (art. 248 CPP, art. 264 CPP)

  • Le Ministère public zurichois a mené une enquête pénale contre A. (« Recourant ») pour homicide volontaire. Lors d'une perquisition chez le Recourant, le Ministère public a en particulier saisi deux téléphones portables, une tablette et un ordinateur portable. Le Recourant a immédiatement demandé la mise sous scellé de ces appareils.
  • Sur requête du Ministère public, le BundesgerichtTribunal des mesures de contrainte ») a levé les scellés et a ordonné la remise de ces appareils au Ministère public. Le Recourant a interjeté recours au Tribunal fédéral contre cette décision.
  • Devant notre Haute Cour, le Recourant a notamment invoqué une violation des art. 248 CPP et 264 CPP, en ce que l'instance précédente aurait manqué à son obligation de préserver le secret professionnel de l'avocat, en levant les scellés sur l'ensemble des appareils saisis sans écarter les données devant être protégées conformément à la liste des mots-clés et aux indications transmises (consid. 6.1).
  • La jurisprudence impose à l'ayant droit l'obligation de motiver de manière suffisante les intérêts qu'il invoque au maintien du secret, dans le cadre de la procédure de levée des scellés au sens de l'art. 248a al. 3 CPP. Cette motivation est nécessaire afin de permettre au tribunal d'effectuer un tri des données saisies qui soit à la fois ciblé et approprié. Ainsi, l'ayant droit doit exposer brièvement ses intérêts au maintien du secret et en rendre la vraisemblance crédible. Il lui incombe également d'indiquer précisément au tribunal quels enregistrements et objets sont couverts, selon lui, par la protection du secret invoqué (consid. 6.2).
  • In casu, notre Haute Cour a relevé qu'il ressortait du dossier de la procédure que le Recourant avait transmis au Tribunal des mesures de contrainte une « Stichwortliste » contenant les noms des avocats concernés ainsi que ceux de leurs études. Étant donné que le Recourant était déjà impliqué dans une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale (MPUC) avant le décès de son épouse, la condition de vraisemblance exigée par la jurisprudence était remplie. Par ailleurs, le recourant avait précisé l'emplacement des données potentiellement protégées, en indiquant qu'elles se trouvaient « wohl insbesondere in der E-Mail-Korrespondenz ». Sur la base de ces éléments, les juges de Mon-Repos ont considéré que la levée intégrale des scellés opérée par le Tribunal des mesures de contrainte, sans procéder au préalable à une recherche ciblée des documents couverts par le secret professionnel de l'avocat, constituait une violation du droit fédéral (consid. 6.3).
  • Partant, le recours a été partiellement admis.

II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

TF 6B_212/2024 du 10 mars 2025 | Maxime d'accusation et principe de l'immutabilité de l'acte d'accusation dans un cas d'escroquerie en vue de la réalisation d'un projet hotelier (art. 9 CPP, art. 325 CPP et art. 350 al. 1 CPP)

  • B., qui était intéressé à obtenir un financement en vue de réaliser un projet hôtelier, a rencontré A. (« Recourant ») qui lui a présenté une méthode de financement proposé par la société C. Ltd pour un montant de USD 70 millions par le biais d'un crédit cadre.
  • Toutefois, le Recourant a en réalité élaboré un édifice ingénieux de mensonges dans le but de mettre en confiance et tromper B. pour qu'il procède aux différents versements. Suite à ces derniers, B. a déployé des efforts considérables pour obtenir la restitution de son investissement initial, notamment en demandant des documents, en proposant des nouveaux projets, en acceptant des affaires compensatoires et en contactant l'avocat de la société C. Ltd. D'autre part, la société C Ltd. n'a jamais cessé d'alimenter les espoirs de B. en lui promettant le remboursement de sa mise initiale. Ce n'est que près de 10 ans après que le Recourant a avoué à B. avoir perdu la totalité des cautions, respectivement des avances contractuelles qu'il avait versées.
  • B. a donc déposé plainte pénale contre le Recourant pour escroquerie.
  • Par jugement du 13 septembre 2022, le Tribunal pénal économique fribourgeois a reconnu le Recourant coupable d'escroquerie et l'a condamné à une peine privative de liberté de 36 mois. Ce jugement a été confirmé sur appel. Le Recourant a donc interjeté recours au Tribunal fédéral.
  • Devant notre Haute Cour, le Recourant a notamment invoqué la violation de la maxime d'accusation (cf. art. 9 CPP, art. 325 CPP) ainsi que du principe de l'immutabilité de l'acte d'accusation (art. 350 al. 1 CPP) (consid. 1).
  • La jurisprudence considère qu'est conforme à la maxime d'accusation le fait que certains éléments constitutifs de l'infraction ne ressortent qu'implicitement de l'état de fait compris dans l'acte d'accusation pour autant que le prévenu puisse préparer sa défense (consid. 1.1).
  • In casu, l'acte d'accusation débutait par un préambule dans lequel étaient décrits, la rencontre des parties, le projet présenté par le Recourant, la conclusion du contrat, les virements et les suites des investissements de B. Dans une deuxième partie intitulée « Actes reprochés et qualifications juridiques », l'acte d'accusation décrivait les faits reprochés au Recourant sous la prévention d'escroquerie au détriment de B. (consid. 1.3).
  • Notre Haute Cour a rappelé que la juridiction cantonale avait condamné le Recourant du chef d'escroquerie en retenant que ce dernier avait faussement fait croire à B. qu'il était en mesure de lui octroyer un financement cadre d'un montant de USD 70 millions, notamment pour réaliser son projet hôtelier et, pour ce faire, avait usé d'une présentation (qu'il savait fausse) qui proposait une méthode de financement sans risque et aux résultats garantis. Sur la base de ces affirmations fallacieuses, le Recourant avait convaincu B. de conclure un contrat de financement avec la société C. Ltd et le précité avait procédé à plusieurs versements qui avaient servi au remboursement d'autres investisseurs trompés (consid. 1.4).
  • Le Tribunal fédéral a retenu que l'acte d'accusation reprochait expressément au Recourant d'avoir élaboré un édifice ingénieux de mensonges afin de tromper B. et que ceci était suffisant pour qu'il reconnaisse qu'il lui était opposé d'avoir affirmé des faits faux et d'avoir conforté B. dans son erreur. De la sorte, le Recourant était en mesure d'identifier le comportement qui lui était reproché (consid. 1.5).
  • Concernant l'élément subjectif de l'infraction, les juges de Mon-Repos ont rappelé que l'escroquerie ne pouvait être qu'une infraction intentionnelle (consid. 1.8).
  • In casu, le Tribunal fédéral a relevé que dans le préambule, l'acte d'accusation mentionnait que le Recourant avait pris le temps d'expliquer dans les détails la méthode de financement fictive du projet hôtelier par l'intermédiaire de C. Ltd ce qui lui avait permis de lever plusieurs millions de dollars. Ainsi notre Haute Cour a estimé qu'il était compréhensible pour le Recourant qu'il lui était reproché d'avoir présenté une fausse méthode de financement et d'avoir trompé B. (consid. 1.8).
  • En conclusion, le Tribunal fédéral a retenu que tous les éléments constitutifs de l'escroquerie répondaient aux exigences de l'art. 325 al. 1 let. f et g CPP. De ce fait, la violation de la maxime d'accusation et du principe de l'immutabilité de l'acte d'accusation n'étaient pas réalisés (consid. 1.9).
  • Partant, le recours a été rejeté.

III. Droit international privé

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IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

TF 5A_435/2024 du 27 février 2025 | Considérations sur la validité d'un titre de transfert de propriété dans le cadre d'une action en opposition (art. 108 LP, art. 714 CC, art. 924 CC)

  • Le 30 septembre 2019, la banque C. (« Banque »), sise en Russie, a déposé auprès du Betreibungsamt de Zoug (« Office des faillites ») une réquisition de poursuite contre le débiteur D. La créance de poursuite s'élevait à CHF 24'903'572.41 plus intérêts.
  • Par convention, la Banque a cédé tous les droits découlant de la créance à la société A. (« Recourante »). Dans le cadre de la procédure de poursuite à l'encontre de D., 1'100 actions au porteur de F. SA avaient notamment été saisies.
  • Or, lors de la création de la société F. SA, ses actions avaient été matérialisées sous la forme d'un certificat d'actions et conservées à titre fiduciaire par le tiers G.
  • Par convention du 30 octobre 2018, avant le début de la procédure, D. avait accordé à son épouse une option d'achat sur ces actions. Le 8 juillet 2019, l'épouse de D. a exercé cette option. Le même jour, par écrit et avec effet immédiat, D. a transféré les actions de F.SA à son épouse ainsi que tous les droits et obligations y afférents. Il a informé G. de la cession des actions et lui a demandé d'inscrire son épouse en tant que seule actionnaire de la société.
  • Après la saisie des actions, les époux se sont renseignés auprès de G. sur l'existence d'un certificat d'actions, remis par la suite à l'épouse du débiteur.
  • Après que l'épouse de D. ait revendiqué la propriété des actions saisies, l'Office des poursuites a fixé aux créanciers un délai pour introduire une action en opposition (art. 108 LP). Sur plainte de la Recourante, le Kantonsgericht de Zoug a admis la demande de la Recourante et a ordonné que la procédure de saisie se poursuive sans tenir compte du droit de propriété de l'épouse de D. Sur appel, la décision a été renversée et la Recourante a donc interjeté recours au Tribunal fédéral.
  • Le présent recours était donc motivé par l'action en opposition de la Recourante contre l'épouse de D., laquelle fait valoir que son droit de propriété sur les 1'100 actions de F. SA s'opposerait à une saisie dans la poursuite en cours contre D. (consid. 3).
  • En particulier, la Recourante a fait valoir que le débiteur avait voulu céder un certificat d'actions (en tant que titre au porteur) conformément à l'art. 164 CO, et non de procéder à une délégation de possession selon l'art. 924 al. 1 CC ; dès lors, il n'y aurait pas eu d'acte de disposition valable (consid. 3.1).
  • La problématique consiste à déterminer si la cour cantonale pouvait admettre une délégation de possession valable en ce qui concerne le certificat d'actions portant sur les 1'100 actions de F. SA désormais saisies (consid. 3.2.3).
  • Au sens de l'art. 714 al. 1 CC, pour le transfert de la propriété mobilière, il faut un acte juridique valable, un transfert de la possession à l'acquéreur et, selon la jurisprudence, une déclaration de volonté des parties de procéder à ce transfert (consid. 3.3.1).
  • Les mêmes principes s'appliquent à la disposition d'actions au porteur matérialisés par des titres au porteur (consid. 3.3.2).
  • Le contrat de transfert de la possession est indépendant de la validité de l'acte causal entre l'aliénateur et l'acquéreur, car en tant que tel, il ne transfère que la possession et non la propriété. Toutefois, la disposition d'actions au porteur matérialisées est causale, de sorte que des vices dans l'acte d'engagement peuvent entrainer la nullité du transfert, l'aliénateur demeurant alors propriétaire de l'action au porteur (consid. 3.3.3).
  • In casu, le 8 juillet 2018, le débiteur avait signé une « Abtretungserklärung (Zession) » selon laquelle il cédait immédiatement à son épouse les actions de F. SA avec tous les droits et obligations y relatifs. Le même jour, il a informé G. de cette cession et lui a demandé d'inscrire son épouse dans le registre des actionnaires. Ainsi, pour la cour cantonale, il ne faisait aucun doute que le certificat d'actions se trouvait dans la sphère d'influence du débiteur jusqu'au moment de la déclaration de cession (consid. 3.6.1).
  • En outre, la cour cantonale a retenu que le débiteur avait exprimé sans équivoque sa volonté de transférer définitivement les actions à son épouse et de lui conférer la position juridique correspondante. Sur la base de ces éléments, la cour cantonale était arrivée à la conclusion que la déclaration de cession avait transféré le certificat d'actions de la sphère d'influence du débiteur à celle de son épouse. De ce fait, une délégation de possession était bel et bien donnée (consid. 3.6.2 à 3.7).
  • De ce fait, les juges de Mon-Repos ont conclu que les considérations de la cour cantonale – et en particulier la qualification de la déclaration de cession comme une délégation de possession valable au sens de l'art. 924 al. 1 CC, en ce qui concerne le certificat d'actions portant sur les 1'100 actions de F.SA – n'étaient pas contraire au droit (consid. 3.8).
  • Partant, le recours a été rejeté.

V. ENTRAIDE INTERNATIONALE

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Footnote

1. Arrêt destiné à publication.

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.

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