CURATED
31 March 2025

NEWSLETTER du 3 au 14 mars 2025 | n° 101

MB
Monfrini Bitton Klein

Contributor

Based in Geneva, but borderless in its reach, Monfrini Bitton Klein is a litigation-only Swiss law firm, internationally recognised for asset recovery, business crime and cross-border litigation. We are representatives for Switzerland of ICC-FraudNet, the leading global network of fraud and asset recovery lawyers.
La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude...
Switzerland Criminal Law

Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).

Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide internationale.

  1. PROCÉDURE PÉNALE

TF 7B_691/2024 du 7 février 2025 | Levée des scellés sur des documents conservés par l'avocat (art. 248, 264 CPP)

  • Dans le cadre d'une enquête pénale du Ministère public de la Confédération (« MPC») contre C. et D., le MPC a délivré un mandat de perquisition visant les locaux de l'étude de Me B. Le mandat de perquisition justifiait la mesure par la mise en place de sociétés offshore en lien avec les faits sous enquêtes, ces entités mentionnant l'étude de Me B. comme adresse de notification dans leurs contrats. Me B. a immédiatement déposé une requête de mise sous scellés au motif que les pièces saisies étaient couvertes par son secret professionnel.
  • Après la perquisition, Me B. a informé le MPC qu'il avait retrouvé des contrats originaux d'apporteurs d'investisseurs (« Contrats dérivés») qui lui avaient été adressés par son client pour « conservation, pour d'éventuelles questions d'ordre juridique ou des litiges avec l'une ou l'autre des contreparties concernées ». Il a précisé avoir participé à la rédaction des « racines » des contrats concernés, mais non à chacun d'entre eux ; ces contrats indiquaient toutefois son étude d'avocats comme domicile de notification. Me B. a requis leur mise sous scellés.
  • Le MPC a requis du Tribunal des mesures de contrainte vaudois (« TMC») la levée des scellés. Après le rejet de sa requête, notamment sur les deux classeurs contenant les Contrats dérivés, le MPC a interjeté recours au Tribunal fédéral.
  • Aux termes de l'art. 264 al. 1 let. d CPP, ne peuvent être séquestrés les objets et les documents concernant des contacts entre une autre personne et son avocat, si celui-ci est autorisé à pratiquer la représentation en justice en vertu de la LLCA et n'a pas de statut de prévenu dans la même affaire.
  • La jurisprudence rappelle que, pour que le secret professionnel s'applique, l'avocat doit avoir agi dans son activité professionnelle typique. Ainsi, sont protégés la rédaction de projets d'actes juridiques, l'assistance ou la représentation d'une personne devant une autorité administrative ou judiciaire, ainsi que les conseils juridiques. Le secret couvre aussi toutes les informations, faits et documents confiés par le mandant qui présentent un rapport certain avec l'exercice de la profession d'avocat (consid. 5.2.1).
  • Toutefois, l'activité accessoire de l'avocat qui ne relève pas du mandat typique, tel que l'administration d'une entreprise, de gestion de fortune ou en matière de « compliance», n'est pas couverte par le secret professionnel. Or, lorsqu'au sein d'un même mandat, l'avocat mélange les activités typiques et accessoires, il convient d'établir une délimitation concrète. Le critère déterminant est de savoir, par rapport à la prestation litigieuse, quels éléments priment, d'un point de vue objectif, entre ses aspects commerciaux et ceux relevant de l'activité d'avocat (consid. 5.2.2).
  • Toujours à teneur de la jurisprudence, ne bénéficient pas du secret professionnel de l'avocat la simple copie d'un courrier transmise à un avocat, les courriels comprenant la simple mention de confidentialité – dès lors que cela ne démontre ni le lien avec un avocat, ni la nature du mandat confié – ou une pièce jointe d'un document, établi peut-être par un avocat, à des émetteurs ou à des destinataires dont il n'est pas démontré qu'ils seraient des avocats. En somme, un document existant préalablement et indépendamment d'une procédure judiciaire ne saurait bénéficier de ce secret du simple fait qu'il aurait ultérieurement été remis à un avocat ou discuté avec celui-ci. Cela vaut afortiori lorsque le document en cause se trouve entre les mains du mandant au moment de la saisie (consid. 5.2.2).
  • Par ailleurs, les informations protégées qui sont communiquées de manière volontaire à un tiers, ne bénéficient en principe plus du secret professionnel de l'avocat. D'autre part, les moyens de preuves remis à l'avocat dans le but de les dissimuler, ce qui est constitutif d'un abus de droit, peuvent être saisis auprès de l'avocat (consid. 5.2.3).
  • In casu, le TMC avait constaté que Me B. avait rédigé des contrats, lesquels avaient été utilisés par l'un des intimés pour les répliquer et établir des contrats similaires, pour lesquels le domicile de notification contractuel était toujours l'étude de Me B. (les Contrats dérivés). Le contenu des contrats sources se trouvaient dès lors en partie dans les contrats dérivés et ceux-ci devaient dès lors être protégés (consid. 5.3).
  • Ce raisonnement n'a pas été suivi par le Tribunal fédéral qui a relevé que le dépôt ou la conservation d'un document par un avocat ne constituait pas en soi une activité typique de cette profession. En outre, l'activité typique n'était pas non plus démontrée s'agissant des Contrats dérivés, car Me B. n'avait pas participé à leur élaboration. Bien qu'il restât à disposition pour d'éventuelles questions juridiques les concernant, Me B. n'avait pas démontré qu'il avait été effectivement saisi de telles problématiques. De plus, une potentielle intervention future de l'avocat dans un litige, visant à expliquer leur transmission à celui-ci, ne suffisait pas non plus, sans autre justification, à leur conférer la protection du secret professionnel de l'avocat. En effet, soutenir le contraire revenait à permettre à toute personne de confier systématiquement ses documents à un avocat au prétexte de futurs conseils ou litiges tout en soustrayant, de manière anticipée, ces éléments à une éventuelle saisie pénale (consid. 5.4 ss).
  • Finalement, notre Haute Cour a conclu que la conservation des Contrats dérivés ne pouvait être rattachée au mandat précédent relatif à l'élaboration des contrats sources. En particulier, le fait d'utiliser le contenu du contrat source proposé par Me B., certes protégé par le secret professionnel, afin de justifier de la même protection dans les Contrats dérivés avec des tiers non concernés par le mandat n'était pas soutenable. La divulgation du contenu des contrats sources était intervenue librement, et hors de l'hypothèse de contacts protégés entre un avocat et son mandant, voire de négociations transactionnelles. La présence d'une clause de confidentialité dans les Contrats dérivés n'entraînait pas non plus l'application de la protection (consid. 5.4.3).
  • En définitive, les juges de Mon-Repos ont considéré que la conservation des Contrats dérivés ne pouvait être rattachée à aucune activité typique de l'avocat, qu'elle soit passée, présente ou future (consid. 5.4.4).
  • Au surplus, le Tribunal fédéral s'était penché sur la requête d'anonymisation du dispositif formulée par le Recourant. Notre Haute Cour a rappelé l'importance du principe du prononcé public du jugement et a rejeté la requête dans la mesure où les deux intimés (dont le Recourant) n'étaient pas prévenus dans la procédure pénale en cause et n'étaient pas non plus des personnalités publiques dont les droits avaient particulièrement été atteints. En particulier, le risque réputationnel, pour un avocat, de l'association de son nom avec des procédures de blanchiment d'argent n'avait pas été démontré. De ce fait, le Tribunal fédéral a considéré qu'une anonymisation ne se justifiait pas (consid. 7.2).
  • Partant, le recours a été partiellement admis.

TF 6B_1230/2023 du 6 février 2025 | Violation du principe ne bis in idem dans une double procédure devant le MPC et respectivement l'AFC (art. 11 CPP, art. 320 al. 4 CPP, art. 54 CAAS)

  • Recourant») présidait un groupe dénommé F. lequel était actif dans les investissements financiers, la production et le négoce de matières premières, notamment l'aluminium.
  • Dans le prolongement d'une enquête internationale, principalement au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, initiée par la plainte pénale déposée par G. dans un contexte de corruption internationale à large échelle en lien avec le commerce d'alumine, le Recourant a bénéficié d'un jugement d'acquittement qui avait été rendu par le tribunal britannique le 10 décembre 2013.
  • Après réception d'une demande d'entraide judiciaire du Ministère de la justice des Etats-Unis, le Ministère public de la Confédération (« MPC») a ouvert une instruction le 5 octobre 2009. Le MPC a rendu en faveur du Recourant une ordonnance de classement partiel le 8 avril 2015, puis une ordonnance de classement le 23 juin 2021 dans la même procédure.
  • Toutefois, le 15 août 2012 l'Administration Fédérale des contributions (« AFC») a ouvert sa propre procédure pénale administrative en raison de soupçons d'escroquerie en matière de contributions, respectivement de soustraction d'impôts. Les faits dénoncés étaient en relation avec des infractions commises dans le cadre de la gestion de la société D.SA, dont le Recourant était l'ayant droit économique.
  • Le 25 janvier 2019 l'AFC a établi un prononcé pénal à l'encontre du Recourant pour escroquerie en matière de contributions (art. 14 al. 2 DPA), a notamment prononcé une créance compensatrice en faveur de l'Etat pour un montant de CHF 54'760'910.05 et a maintenu le séquestre sur plusieurs de ses comptes bancaires.
  • Par jugement du 29 juin 2020, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne (« Tribunal correctionnel») a reconnu le Recourant coupable d'escroquerie en matière de contributions. Le prononcé a été confirmé sur appel.
  • Le Tribunal fédéral a une première fois admis le recours du Recourant et a renvoyé la cause pour nouveau jugement devant l'instance cantonale.
  • Par jugement du 11 juillet 2023, la Cour d'appel pénale vaudoise, qui statuait en reprise de cause, a rejeté l'appel formé par le Recourant et a confirmé le jugement du Tribunal correctionnel.
  • Le Recourant s'est donc tourné une deuxième fois vers le Tribunal fédéral.
  • Devant notre Haute Cour, le Recourant a dénoncé la violation du principe ne bis in idem dans sa composante nationale et transnationale (consid. 2).
  • Dans sa composante nationale, au sens de l'art. 11 al. 1 CPP, nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat. L'autorité de chose jugée et le principe ne bis in idem requièrent qu'il y ait identité de la personne visée et des faits retenus, soit que les deux procédures aient pour origine des faits identiques ou des faits qui soient en substance les mêmes. La qualification juridique des faits ne constitue pas un critère pertinent (consid. 2.1.1).
  • Au sens de l'art. 320 al. 4 CPP, une ordonnance de classement entrée en force équivaut à un acquittement et acquiert donc l'autorité de chose jugée.
  • L'existence d'une même infraction constitue la condition sine qua non du principe, ce n'est qu'en présence d'identité d'infraction, qu'il convient de se demander s'il y a répétition des poursuites. En revanche, s'il existe un lien matériel et temporel suffisamment étroit entre les procédures concernées visant la même constellation de faits, de sorte qu'elles peuvent être considérées comme deux aspects d'un système unique, il n'y a pas de dualité de la procédure contraire au principe ne bis in idem, à l'image de la double procédure pénale et administrative prévue dans la LCR (consid. 2.1.3).
  • Dans sa composante transnationale, l'art. 54 CAAS1 interdit également la double poursuite (consid. 2.1.4).
  • Dans le cas d'espèce, le Recourant bénéficiait d'un jugement d'acquittement rendu par le tribunal britannique le 10 décembre 2013. Il s'agissait dès lors de comprendre si la condamnation subséquente pour escroquerie en matière de contribution violait le principe ne bis in idem, dès lors que le Recourant bénéficiait d'une ordonnance de classement, respectivement d'une ordonnance de classement partielle du MPC dans la même procédure (consid. 2.2.1 cum2.2).
  • In casu, notre Haute Cour a d'abord retenu que les faits sous-jacents à l'enquête du MPC, lesquels ont donné lieu à un classement, en Suisse, en faveur du Recourant, portaient notamment sur les mêmes faits que l'acquittement britannique. De sorte que la portée de l'acquittement anglais n'était pas déterminante pour l'issue du présent litige (consid. 2.2.2).
  • Le Tribunal fédéral a ensuite relevé qu'il était reproché au Recourant, en tant qu'organe de fait de la société D.SA, d'avoir soustrait l'impôt anticipé qui aurait dû être perçu sur les distributions de bénéfices provenant du contrat conclu avec G. en versant le produit de la vente sur les comptes de sociétés offshores plutôt que sur le compte suisse de D.SA. Parallèlement, la procédure devant le MPC portait sur le fait que le Recourant avait indûment privé D.SA du chiffre d'affaires et du bénéfice relatif à la vente d'alumine, sans refléter ces ventes dans la comptabilité de la société (consid. 2.5.1).
  • Notre Haute Cour a conclu que dans les deux procédures, il était reproché au Recourant, en sa qualité d'organe de fait, d'avoir encaissé le produit de la vente contractuelle sans que cela apparaisse dans la comptabilité de la société (consid. 2.5.1).
  • En premier lieu, les juges de Mon-Repos ont établi que l'analyse comparative des faits sous-tendant chacune des procédures se basaient sur des faits qui étaient du moins en substance les mêmes mais appréhendés toutefois sous deux angles distincts. En deuxième lieu, notre Haute Cour a retenu qu'il y avait identité de la personne visée en la personne du Recourant, en tant qu'organe de fait de D.SA (consid. 2.5.1 cum5.2).
  • En conclusion, le Tribunal fédéral a considéré que le principe ne bis in idem était violé puisque deux procédures distinctes étaient menées parallèlement contre le Recourant sur la base des mêmes faits : d'une part, il s'agissait d'une procédure pénale menée par le MPC pour gestion déloyale ; et d'autre part, d'une procédure pénale administrative pour escroquerie en matière de contributions (consid. 3.3.2).
  • Partant, le recours a été admis

TF 7B_1357/2024 du 20 février 2025 | Inadmissibilité de la violation du principe de célérité et de proportionnalité au vu du séquestre d'avoirs bancaires (art. 5 al. 1 CPP)

  • Le 28 novembre 2016, l'Ufficio di esecuzione de Locarno a signalé au Ministère public tessinois (« Ministère public») B., un citoyen germanique qui avait des dettes pour plus de CHF 35 millions. B. soutenait qu'il ne possédait aucun bien saisissable ni revenu, malgré sa qualité d'associé-gérant de diverses sociétés. Par conséquent, ses créanciers, dont F., se sont vu décerné des actes de défaut de biens.
  • Le 21 avril 2017, le Ministère public a ordonné l'ouverture d'une instruction à l'encontre de B. pour banqueroute frauduleuse et fraude dans le cadre d'une saisie ainsi que pour non-respect des règles de la procédure de poursuite et de faillite, à la suite d'une plainte déposée par le créancier F. Par ailleurs, ledit créancier a indiqué avoir des créances reconnues judiciairement à l'encontre de B. pour un montant de CHF 2 millions, plus intérêts, frais de justice et dépens.
  • Dans le cadre de cette instruction, le Ministère public a ordonné la perquisition de A. AG (« Recourante»), société dont B. était le seul membre du conseil d'administration, et la saisie de tout élément pertinent pour la procédure pénale. Le Ministère public a ensuite ordonné la saisie de tous les avoirs détenus sur le compte de la Recourante, mesure confirmée par la Cour des plaintes ainsi que l'autorité de recours cantonale en juin 2021.
  • La Recourante a interjeté un recours devant le Tribunal fédéral et a notamment invoqué la violation du principe de célérité, qui mènerait à la levée du séquestre sur ses avoirs bancaires (consid. 3.1).
  • Au sens de l'art. 5 al. 1 CPP, les autorités pénales engagent les procédures pénales sans délai et les mènent à terme sans retard injustifié.
  • Selon la jurisprudence, une violation du principe de célérité peut conduire à une réduction de la peine, parfois à une exemption de cette dernière et, en dernier ressort, à un classement de la procédure ou à sa suspension (consid. 3.2).
  • In casu, notre Haute Cour a rappelé que la Cour des plaintes avait constaté une violation du principe de célérité du fait que depuis le prononcé de juin 2021, plus aucun acte d'instruction n'avait été entrepris. Toutefois, le Tribunal fédéral a retenu que ce n'était pas à la cour cantonale d'ordonner la levée du séquestre mais au Ministère public de déterminer le préjudice et agir en conséquence (consid. 3.3).
  • En tout état de cause, les juges de Mon-Repos ont souligné qu'en cas de violation du principe de célérité, la suspension de la procédure n'intervenait que dans des cas extrêmement rares où le retard de la procédure avait causé un préjudice d'une gravité exceptionnelle ; ce qui n'était pas le cas en l'espèce (consid 3.4.1).
  • La Recourante a en outre invoqué la violation du principe de proportionnalité en lien avec le maintien du séquestre (consid. 4.1).
  • La jurisprudence nous rappelle qu'un séquestre peut sembler disproportionné si la procédure dans laquelle il est ordonné dure sans justification suffisante. Cet aspect est examiné en fonction du stade de l'enquête, de la complexité de l'affaire, du nombre de parties, des éléments étrangers et des actes d'enquête en cours. Le cas échéant, un délai raisonnable peut être fixé pour l'adoption des mesures nécessaires à l'achèvement de l'enquête. La proportionnalité est également évaluée à la lumière de la gravité de la mesure prise (consid. 4.2).
  • In casu, le Tribunal fédéral a estimé qu'il était manifeste que la structure sociétaire de la Recourante, avec l'implication d'hommes de paille, visait à dissimuler les avoirs de B. afin de nuire à ses créanciers. B. avait ainsi réussi à mettre en place un système de rémunération en sa faveur qui, tel que conçu et concrétisé, échappait à toute possibilité de saisie. Selon notre Haute Cour, un tel stratagème suffisait à considérer que la mesure conservatoire était justifiée vis-à-vis de la Recourante et ne violait pas le principe de proportionnalité, notamment en raison des dommages causés aux créanciers, respectivement en raison de la rémunération occulte que B. avait perçu (consid. 4.3).
  • Partant, le recours a été rejeté.
  1. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE
  2. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
  3. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

TF 5A_472/2024 du 22 janvier 2025 | Qualification d'un courrier de l'Administration spéciale de la faillite en décision formelle concernant le droit de consultation du dossier par un créancier(art. 8a, 22, 17 LP)

  • La société A. SA (« Recourante») était créancière colloquée dans le cadre de la faillite de la société C. SA en liquidation.
  • La Recourante a interjeté recours au Tribunal fédéral contre le refus de sa demande de consultation du dossier de la faillite de la société C. SA en liquidation par la ausseramtliche KonkursverwaltungAdministration spéciale »).
  • La Recourante a reproché à l'instance inférieure d'avoir établi les faits de manière manifestement incomplète à plusieurs égards. Elle a notamment fait valoir que sa demande d'accès au dossier avait été approuvée dans son intégralité par courrier en août 2023, avec force de chose jugée, ce que l'instance précédente n'avait pas mentionné dans son établissement des faits (consid. 3.1).
  • Le Tribunal fédéral a relevé que, dans le courrier d'août 2023 adressé à Me F. (représentant de la Recourante), Mes D. et E. (représentants de l'Administration spéciale et donc indirectement de la masse en faillite) avaient fait référence à la demande d'accès au dossier de la Recourante et déclaré pouvoir donner accès à des documents au siège de C. SA en liquidation. Il ressortait du dossier qu'une première journée de consultation avait eu lieu en septembre 2023, qui devait être poursuivie quelques jours après. L'Administration spéciale avait cependant annulé cette seconde date quelques jours après, sans donner de raison mais en promettant de proposer prochainement une nouvelle date pour la consultation du dossier par la Recourante. L'avocat de cette dernière avait alors accusé l'Administration spéciale de manSuvres dilatoires et avait exigé une nouvelle proposition de date. L'Administration spéciale avait ensuite indiqué qu'aucun accès au dossier ne serait accordé, car une plainte avait été déposée entre-temps (consid. 3.2).
  • Notre Haute Cour a retenu que l'affirmation de l'Administration spéciale, selon laquelle son courrier d'août 2023 n'était pas une ordonnance et donc une décision, mais une simple lettre de ses représentants dans le cadre de la procédure, était erronée. En effet, le Tribunal fédéral a jugé que l'Administration spéciale devait savoir qu'elle répondait, par ce courrier, à une demande de consultation de dossier formulée en application de l'art. 8a LP, étant donné les références explicites à cet article dans les courriers antérieurs de la Recourante.
    En outre, le fait que cette dernière ait adressée sa demande à Mes D. et E., au lieu de l'envoyer directement à l'Administration spéciale, n'y changeait rien. Une telle procédure de la part de l'Administration spéciale était contraire à la bonne foi, et elle devait être tenue par les engagements contenus dans son courrier d'août 2023 (consid. 3.2).
  • Premièrement, les juges de Mon-Repos ont considéré que la décision d'annulation de la consultation de septembre 2023 prise par l'Administration spéciale était un réexamen de la décision prise par courrier en août 2023. Toutefois, selon la jurisprudence, l'Administration spéciale ne peut réexaminer cette décision en dehors d'une procédure de recours que si le délai de recours n'est pas expiré, ce qui n'était pas le cas en l'espèce (consid. 3.4.1).
  • Deuxièmement, le Tribunal fédéral a examiné si la décision communiquée par courrier en août 2023 était nulle. Aux termes de l'art. 22 al. 1 LP sont nulles les décisions qui violent des prescriptions édictées dans l'intérêt public ou dans celui de personnes non impliquées dans la procédure. Selon la jurisprudence, une décision ne peut être annulée que si son vice est particulièrement grave, évident ou facilement reconnaissable et si la sécurité juridique ne se trouve pas sérieusement compromise par la reconnaissance de sa nullité (consid. 3.4.2).
  • Aux termes de l'art. 8a al. 1 LP, toute personne qui rend vraisemblable un intérêt peut consulter les procès-verbaux et les registres des offices des poursuites et des faillites et en demander des extraits. Contrairement à ce que dit la lettre de l'art. 8a al. 1 LP, le droit de consultation ne s'étend pas seulement aux procès-verbaux et aux registres, mais à tous les dossiers en possession de l'office. D'après la jurisprudence, il n'est pas permis de refuser à un créancier l'accès à certains documents que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsqu'il les demande pour des raisons qui ne sont pas en relation avec sa qualité de créancier, soit si la demande est abusive ou si la divulgation du document est contraire à une obligation impérative de confidentialité (consid. 3.4.2).
  • In casu, notre Haute Cour a considéré qu'il n'était pas évident que la décision contenue dans le courrier d'août 2023 pouvait être déclarée nulle. L'Administration spéciale n'était donc pas autorisée à reconsidérer cette décision en septembre 2023 (consid. 3.4.2).
  • Troisièmement, les juges de Mon-Repos ont examiné si l'Administration spéciale était autorisée à modifier la décision exécutoire et non nulle d'août 2023 en raison de circonstances nouvelles (consid. 3.4.3).
  • In casu, le Tribunal fédéral a affirmé que les circonstances n'avaient pas changé de manière significative entre août et septembre 2023. Il a constaté que la justification avancée dans la décision de septembre 2023 (dépôt de la plainte entre-temps) était erronée, la plainte de l'Administration spéciale n'ayant été déposée qu'en octobre 2023. Notre Haute Cour a ajouté que même si la plainte avait déjà été déposée en septembre, cela n'aurait rien changé, car la procédure d'opposition était déjà ouverte depuis le dépôt de la demande de conciliation (art. 62 al. 1 CPC). Ainsi, la Recourante et la masse en faillite étaient déjà parties à la procédure contradictoire depuis un certain temps (consid. 3.4.3).
  • En définitive, les juges de Mon-Repos ont conclu que la Recourante devait avoir accès au dossier dans la mesure prévue par le courrier d'août 2023 (consid. 3.5)
  • Partant, le recours a été admis.
  1. ENTRAIDE INTERNATIONALE

Footnote

1 Convention d'application du 19 juin 1990 de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relative à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (RS0.362.31).

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