Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).

Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide internationale.

I. PROCÉDURE PÉNALE

TF 6B_1433/20221 du 17 avril 2023 | Retrait implicite de l'appel (art. 407 al. 1 CPP)

  • Après s'être vu notifié le jugement de première instance, le Recourant a déclaré à son avocat vouloir faire appel contre ladite décision. Pourtant, depuis lors, l'avocat n'a plus réussi à contacter son client et le lieu de séjour de ce dernier était inconnu. Il n'a ainsi reçu ni confirmation, ni renonciation, ni limitation de l'appel souhaité par le Recourant. L'avocat du Recourant a donc été dans l'obligation de faire une déclaration d'appel, en contestant l'intégralité du jugement entrepris et en précisant qu'il serait éventuellement retiré ou limité ultérieurement. Il n'avait cependant pas pu discuter du jugement de première instance en amont avec le Recourant, ni de la déclaration d'appel (consid. 2.2).
  • L'instance précédente a déclaré qu'il était compréhensible que le défenseur du Recourant, par diligence d'avocat, se soit positionné de telle sorte qu'il ne pouvait pas retirer l'appel sans instruction correspondante. Cependant, l'instance cantonale était d'avis que le comportement du Recourant était contraire à la bonne foi et qu'il violait son devoir de coopération. Il ne pouvait exiger la tenue d'une procédure d'appel et se soustraire en même temps à toute coopération en étant injoignable, y compris par son défenseur. Le jugement entrepris avait ainsi conclu que le Recourant avait implicitement retiré son appel (consid. 2.3).
  • Le Tribunal fédéral a entériné les considérations de l'instance précédente. Notre Haute Cour a rappelé un arrêt similaire, l'ATF 148 IV 362, dans lequel il avait considéré que la fiction de retrait selon l'art. 407 al. 1 let. c CPP s'appliquait lorsque l'appelant devait se présenter personnellement à l'audience d'appel et refusait de communiquer son lieu de séjour, de sorte que la citation à comparaître ne pouvait lui être notifiée (consid. 2.4.1).
  • In casu, le Recourant n'était même pas joignable par son propre avocat. Son comportement contraire à la bonne foi ne méritait donc pas de protection juridique (consid. 2.4.1).
  • Les Juges de Mon-Repos ont conclu qu'il ne suffisait pas que le prévenu informe sa défense qu'il n'était pas d'accord avec le jugement de première instance après en avoir pris connaissance. Il devait au contraire présenter une volonté continue pendant la procédure que le jugement soit réexaminé par la Cour d'appel (consid. 2.4.2).
  • Partant, l'ensemble de son comportement a permis de conclure sans équivoque à une renonciation implicite à un jugement par une Cour d'appel (consid. 2.4.3).
  • Au vu de ce qui précède, le recours a été rejeté au motif que l'instance inférieure était en droit de considérer que le Recourant avait retirer son appel et classer la procédure d'appel (consid. 2.5).

TF 6B_1251/2022 du 27 avril 2023 | Violation du principe de la célérité dans la procédure d'appel (art. 5 CPP et 29 Cst.)

  • Le Recourant a reproché à la Cour pénale du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel (« Cour cantonale ») de ne pas avoir admis une violation du principe de la célérité et de n'avoir pas réduit sa peine en conséquence. Il lui a reproché en particulier de n'avoir constaté qu'une période d'inactivité de 7.5 mois durant la procédure d'appel en se basant, comme point de départ, sur la convocation des parties aux débats d'appel, alors qu'elle aurait dû tenir compte de la durée globale de la procédure d'appel, soit onze mois, laquelle apparaîtrait excessive.
  • Les art. 5 CPP et 29 al. 1 Cst. garantissent notamment à toute personne le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable. Ces dispositions consacrent le principe de la célérité et prohibent le retard injustifié à statuer (consid. 2.1).
  • Le principe de la célérité s'applique à tous les stades de la procédure et impose aux autorités de mener la procédure pénale sans désemparer, dès le moment où le prévenu est informé des soupçons qui pèsent sur lui, afin de ne pas le maintenir inutilement dans l'angoisse. S'agissant en particulier de la durée de la procédure d'appel, le Tribunal fédéral a considéré qu'une durée de 15 mois entre la déclaration d'appel et l'audience d'appel dans une affaire pénale de moindre importance violait le principe de la célérité (cf. arrêt 6B_1345/2021, consid. 2.5). Une légère violation du principe de la célérité a également été admise pour une durée de deux ans concernant une procédure d'appel qui se limitait essentiellement à l'appréciation d'une seule déclaration de culpabilité et à un calcul de la peine (cf. arrêt 6B_942/2019, consid. 1.2.2). En revanche, dans l'arrêt 6B_590/2014 du 12 mars 2015, la seule invocation d'un délai de sept mois et une semaine écoulés entre le dépôt de la déclaration d'appel et les débats d'appel ne démontrait pas l'existence d'une violation du principe de la célérité. Par ailleurs, la jurisprudence européenne a notamment admis qu'un délai de dix ou onze mois pour que le dossier soit transmis à l'autorité de recours était choquant (consid. 2.1.1).
  • La violation du principe de la célérité peut avoir pour conséquence la diminution de la peine, parfois l'exemption de toute peine ou encore une ordonnance de classement en tant qu'ultima ratio dans les cas les plus extrêmes (consid. 2.1.2).
  • In casu, le Tribunal fédéral n'a pas suivi le raisonnement de la Cour cantonale. Il a relevé que les divers actes ressortant du dossier avaient uniquement trait à la détention du Recourant et ne constituaient donc pas des activités en lien avec le traitement du dossier. Ainsi, il s'était bien écoulé à tout le moins dix mois, au stade de la procédure d'appel, durant lesquels l'autorité cantonale n'avait procédé à aucune activité autre que la convocation des parties à l'audience d'appel. Or, les mesures nécessaires à la convocation et à la préparation des débats n'étaient pas d'une importance telle qu'elles pouvaient expliquer une si longue durée dans la mesure où ni les parties plaignantes, ni les nombreuses personnes entendues en première instance dans le cadre du trafic de stupéfiants n'avaient été entendues lors de cette audience. Ce délai ne saurait non plus s'expliquer par la complexité de l'affaire ou le comportement du Recourant. De plus, la Cour cantonale n'avait pas eu à se pencher sur la peine (consid. 2.3).
  • Dès lors, notre Haute Cour a retenu que la période de onze mois qu'a duré la procédure d'appel était excessive, d'autant plus si l'on considérait que seuls neuf mois s'étaient écoulés entre l'ouverture formelle de l'instruction pénale et le jugement de première instance, alors que l'ampleur de la procédure était à ce stade plus importante, l'instruction visant plusieurs infractions dont l'important trafic de stupéfiants avait nécessité de nombreux actes d'enquêtes (consid. 2.3).
  • Au vu de ce qui précède, le Tribunal fédéral a considéré que le principe de la célérité avait été violé. Dans l'ensemble, la violation demeurait toutefois légère de sorte qu'une réduction de la peine ne se justifiait pas (consid. 2.3).
  • Partant, le recours a été rejeté en tant que le Recourant concluait à une réduction de sa peine. Une violation du principe de la célérité a néanmoins été constatée dans le dispositif du Tribunal fédéral. Par ce constat et par un règlement avantageux des frais et indemnités pour le Recourant, le Tribunal fédéral a estimé que celui-ci obtenait, selon la jurisprudence, une réparation suffisante (consid. 3).

II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

TF 6B_219/2021 et 6B_228/20212 du 19 avril 2023 |Escroquerie en cas de crédit à la consommation – dommage patrimonial

  • Dans les faits, les Recourants ont servi, à titre professionnel, d'intermédiaires pour l'octroi de crédits à la consommation à des tiers par le biais de deux sociétés. Dans 23 cas au total, des crédits ont été octroyés à des personnes non solvables ou incapables de contracter un crédit. Ils ont fait croire aux banques prêteuses, au moyen de fausses déclarations et de documents ou actes fictifs, que les demandeurs de crédit étaient solvables. Les Recourants ont été reconnus coupables de plusieurs infractions, en particulier d'escroquerie par métier.
  • Parmi les nombreux griefs invoqués par les Recourants, ces derniers ont notamment contesté l'existence d'un dommage patrimonial des banques prêteuses au motif que les emprunteurs avaient presque tous été reconnus solvables a posteriori et que plusieurs prêts avaient été remboursés par la suite (consid. 4.1.1).
  • Le Tribunal fédéral n'a pas partagé l'avis des Recourants. Il a rappelé qu'il existe un dommage patrimonial au sens de l'art. 146 CP lorsque le patrimoine est mis en danger au point de voir sa valeur économique diminuée. Cela a notamment été admis dans le cas d'une escroquerie au crédit, lorsque - comme l'a constaté sans arbitraire l'instance inférieure dans le cas présent - la solvabilité est mieux présentée au moyen d'une tromperie et que le prêteur trompé accorde un crédit sur la base des fausses déclarations. En effet, dans une telle constellation, le crédit est objectivement exposé à un risque de défaillance (nettement) plus élevé que si la solvabilité avait été évaluée sur la base des circonstances réelles, ce qui diminue (considérablement) sa valeur économique dans la comptabilité du prêteur. Les Recourants ont en outre méconnu le fait que la jurisprudence admet qu'un préjudice temporaire suffit et qu'un remboursement ultérieur n'exonère pas l'auteur (consid. 4.3).
  • Le grief de l'absence de dommage patrimonial a donc été rejeté.

III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

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IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

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V. ENTRAIDE INTERNATIONALE

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Footnotes

1. Destiné à publication.

2. Destiné à publication.

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.