Quelques propos introductifs
La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).
Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide internationale.
I. PROCÉDURE PÉNALE
TF 1B_509/2022 du 2 février 2023 | Mise sous scellés dans le cadre d'une procédure contre une banque – l'avocat en tant que conseiller en matière de compliance et l'avocat en tant que délégataire des obligations de la banque en matière de compliance
- Une procédure pénale contre la banque (« Recourante ») a été ouverte pour une éventuelle responsabilité pénale fondée sur les art. 305bis et 102 al. 2 CP en lien avec les détournements reprochés à son conseiller clientèle. Plusieurs documents ont été mis sous scellés parmi lesquels figuraient notamment des rapports produits par plusieurs études d'avocats qui avaient été chargées d'analyser la situation de la banque ensuite des faits commis par son collaborateur. Le Ministère public a demandé la levée des scellés qui a été partiellement admise par le Tribunal des mesures de contrainte (« TMC »). La Recourante a donc agi par devant le Tribunal fédéral contre l'ordonnance du TMC autorisant la levée partielle des scellés.
- Selon les art. 248 al. 1 et 264 al. 1 let. d CPP, les documents concernant des contacts entre une personne et son avocat ne peuvent être séquestrés. Le secret de l'avocat s'étend à toutes les affaires qui lui sont confiées par ses clients dans l'exercice de sa profession. Le fait d'être délié du secret professionnel n'oblige pas l'avocat à divulguer des faits qui lui ont été confiés. Le secret professionnel des avocats ne couvre toutefois que leur activité professionnelle spécifique et ne s'étend pas à une activité, notamment commerciale, sortant de ce cadre. La notion d'activité typique de l'avocat couvre la rédaction de projets d'actes juridiques, l'assistance et la représentation d'une personne devant des autorités administratives ou judiciaires, ainsi que les conseils juridiques. L'activité accessoire en revanche, en tant qu'elle ne relève pas de l'activité typique, n'est pas couverte par le secret professionnel ; tel est notamment le cas en matière de compliance bancaire. Lorsqu'au sein d'un même mandat, l'avocat mélange les activités typiques et l'activité commerciale accessoire, la question de l'étendue du secret professionnel doit être résolue par un examen concret de ces différentes activités (consid. 3.1).
- Dans un précédent arrêt, le Tribunal fédéral avait retenu que lorsqu'une banque charge une étude d'avocats d'une enquête interne suite à des actes notamment de blanchiment commis par l'un de ses employés, le secret professionnel peut être invoqué, en dehors d'un mandat de défense, lorsqu'il s'agit d'activités de conseil sur des points juridiques concernant la compliance en matière de blanchiment d'argent. En revanche, lorsque la banque délègue à l'avocat l'exécution de ses propres obligations en matière de compliance et de contrôle, qui relèvent de ses tâches essentielles, elle ne peut invoquer le secret professionnel. L'obligation de documenter d'une banque en vertu de l'art. 7 LBA est un devoir propre de celle-ci qui persiste tout au long de la relation d'affaire et qu'elle peut faire réaliser par ses propres services, ou déléguer à des entreprises spécialisées. Lorsqu'elle choisit de recourir aux services d'un cabinet d'avocats, elle ne peut donc pas invoquer intégralement le secret professionnel puisque cela reviendrait à se soustraire à sa propre obligation de documenter. La réalisation par un avocat d'une enquête interne destinée à mettre en Suvre les devoirs de diligence imposés à la banque (analyse et surveillance des transactions, y compris les entretiens avec les collaborateurs) n'est ainsi pas soumise au secret professionnel (consid. 3.1.1).
- In casu, notre Haute Cour a partiellement admis le recours pour certains documents qui relevaient typiquement de l'activité de conseil juridique de l'avocat, quand bien même lesdits documents étaient destinés au comité d'audit de la banque. Ces objets étaient donc couverts par le secret et les scellés les concernant ne pouvaient être levés (consid. 4.2.1, 4.2.2, 4.2.3, 4.2.4).
- En revanche, le Tribunal fédéral a confirmé l'ordonnance du TMC en lien avec divers rapports qui ne contenaient que des constatations factuelles sans aucun conseil juridique (consid. 4.3.1, 4.3.2, 4.3.3, 4.4).
TF 6B_240/2022 du 16 mars 2023 | Double violation du droit d'être entendu (art. 29 Cst) – jugement rendu avant l'échéance du délai de 10 jours imparti pour répliquer
- Le Recourant a été reconnu coupable par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne du chef de représentation de la violence, de contrainte sexuelle et de pornographie. À la suite d'un premier arrêt rendu par le Tribunal fédéral, la cause a été renvoyée à l'instance cantonale. Par avis du 1er décembre 2021, le Président de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a informé les parties qu'une copie d'un jugement rendu par sa Cour avait été versée au dossier. Par avis du 6 décembre 2021, il a informé le Recourant qu'aucun délai supplémentaire de détermination ne lui serait imparti, mais qu'il avait la possibilité de déposer des déterminations spontanées dans les 10 jours suivants la réception de l'avis du 1er décembre 2021. Le jugement de la cour cantonale a été rendu le 10 décembre 2021.
- Le Recourant a fait grief à la cour cantonale de ne pas avoir attendu l'issue du délai de réplique spontanée de 10 jours, pourtant fixé par celle-ci, avant de rendre son jugement (consid. 1 ss).
- Le Tribunal fédéral a rappelé que le droit de répliquer n'impose pas à l'autorité judiciaire de fixer un délai à la partie pour déposer d'éventuelles observations, mais uniquement de lui laisser un laps de temps suffisant entre la remise des documents et le prononcé de sa décision pour qu'elle ait la possibilité de déposer des observations si elle l'estime nécessaire. À cet égard, le Tribunal fédéral considère qu'un délai inférieur à 10 jours ne suffit pas à garantir l'exercice du droit de répliquer, tandis qu'un délai supérieur à 20 jours permet, en l'absence de réaction, d'inférer qu'il a été renoncé à celui-ci. Le délai en question ne correspond pas à celui dans lequel l'intéressé doit répliquer, mais bien celui à l'issue duquel l'autorité peut rendre sa décision en l'absence de réaction (consid. 1.1.2).
- In casu, le Tribunal fédéral a constaté d'emblée que, même dans l'hypothèse où la cour cantonale pouvait se contenter de faire référence au droit de réplique spontanée, elle aurait dû attendre au minimum un délai de 10 jours dès la prise de connaissance par le Recourant de son avis du 1er décembre 2021 pour rendre son jugement, d'autant plus qu'elle a elle-même fait référence à ce délai dans son avis du 6 décembre 2021. Compte tenu du fait que le Recourant en avait pris connaissance le 2 décembre 2021 au plus tôt, la cour cantonale ne pouvait rendre son jugement avant le 12 décembre 2021(consid. 1.1.3).
- Dès lors, en rendant son jugement le 10 décembre 2021 sans attendre l'échéance du délai pour répliquer, le Tribunal fédéral a considéré que la cour cantonale avait violé le droit d'être entendu du Recourant (consid. 1.1.3).
- En outre, le Tribunal fédéral a également donné suite à la requête du Recourant et a complété d'office l'état de fait cantonal (art. 105 al. 2 LTF) en précisant qu'il avait sollicité, par courrier du 2 décembre 2021, puis à nouveau par courrier du 7 décembre 2021, qu'un délai de l'ordre d'une vingtaine de jours lui soit fixé pour déposer une détermination complémentaire quant à la pièce nouvellement versée au dossier (consid. 3.1).
- Dans ces circonstances, le Tribunal fédéral a considéré qu'il incombait à la cour cantonale non pas d'attendre l'issue du délai minimal de 10 jours, mais bien de laisser au Recourant le temps nécessaire pour procéder comme annoncé, voire de lui fixer un délai. En s'abstenant de le faire, la cour cantonale a violé, à nouveau, le droit d'être entendu du Recourant (consid. 3.1).
- Les violations du droit d'être entendu du Recourant ont entraîné l'annulation de la décision entreprise.
- Partant, le recours a été partiellement admis, le jugement attaqué annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision (consid. 4).
TF 6B_1321/2022 du 14 mars 2023 | Répartition des frais de procédure (art. 426 CPP) – acquittement en raison de l'incompétence du juge suisse
- Le Recourant a été condamné en première instance pour lésions corporelles simples par négligence (art. 125 al. 1 CP), son chien ayant attaqué un passant. Les frais de procédure, arrêtés à CHF 3'175.-, ont été mis à sa charge. En deuxième instance, le Recourant a été acquitté en raison de l'incompétence du juge suisse à connaître les faits, ceux-ci s'étant déroulé à Divonne-les-Bains, en France. Le jugement de première instance a été confirmé pour le surplus, les frais de la procédure ayant été maintenus à charge du Recourant.
- Le Recourant a fait grief à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 426 CPP, ainsi que la présomption d'innocence au sens des art. 10 al. 1 CPP et 6 par. 2 CEDH, en mettant les frais de la procédure de première instance à sa charge nonobstant son acquittement (consid. 2).
- Selon la jurisprudence fédérale, une condamnation du prévenu acquitté aux frais n'est admissible que s'il a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours ; l'autorité est dans cette hypothèse légitimement en droit d'ouvrir une enquête. Une condamnation aux frais est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation (consid. 2.1).
- A teneur de l'art. 426 al. 3 let. a CPP, le prévenu ne supporte pas les frais que la Confédération ou le canton ont occasionnés par des actes de procédure inutiles ou erronés. Ces actes doivent être considérés a priori (ex tunc) objectivement comme inutiles ou erronés (consid. 2.1).
- In casu, le Tribunal fédéral a constaté que les autorités pénales suisses n'étaient matériellement pas compétentes pour la poursuite et le jugement de l'infraction en cause (art. 1 et 22 ss a contrario CPP cum art. 3 à 8 CP), ce qui constituait un empêchement de procéder au sens de l'art. 310 al. 1 let. b CPP conduisant à une non-entrée en matière (consid. 2.3.2).
- Par voie de conséquence, l'autorité précédente aurait dû considérer que le Ministère public avait ouvert une instruction contre le Recourant alors qu'il n'était ab initio pas légitimé à le faire, ce qu'il lui appartenait pourtant d'examiner d'office et soigneusement, dès la réception de la plainte pénale (art. 310 al. 1 let. b CPP), en présence d'un élément d'extranéité d'emblée reconnaissable (art. 7 al. 1 CP) (consid. 2.3.2).
- Dès lors, les frais de la procédure de première instance ne pouvaient pas être mis à la charge du Recourant en application de l'art. 426 al. 2 CPP (consid. 2.3.2).
- Partant, le recours a été partiellement admis et le jugement attaqué réformé en ce sens que les frais de la procédure de première instance, arrêtés à CHF 3'175.-, étaient laissés à la charge du canton de Vaud (consid. 3).
II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE
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III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
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IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE
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V. ENTRAIDE INTERNATIONALE
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