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17 September 2025

Comment traiter les tarifs douaniers et autres obstacles à l'accès aux marchés au moyen du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États

MT
McCarthy Tétrault LLP

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McCarthy Tétrault LLP provides a broad range of legal services, advising on large and complex assignments for Canadian and international interests. The firm has substantial presence in Canada’s major commercial centres and in New York City, US and London, UK.
Au Canada et ailleurs dans le monde, les investisseurs continuent de se heurter à de multiples séries de tarifs douaniers, de contre-mesures tarifaires et d'obstacles...
Canada International Law

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Au Canada et ailleurs dans le monde, les investisseurs continuent de se heurter à de multiples séries de tarifs douaniers, de contre-mesures tarifaires et d'obstacles non tarifaires à l'accès aux marchés imposés par les États-Unis et leurs partenaires commerciaux. Parmi ces mesures figurent les tarifs douaniers imposés par l'administration Trump sous l'autorité revendiquée de la loi sur les pouvoirs économiques d'urgence (International Emergency Economic Powers Act), récemment déclarée illégale par la Cour d'appel des États-Unis pour le circuit fédéral (cependant, la décision est censée être portée en appel devant la Cour suprême des États-Unis) ―  ainsi que les tarifs douaniers ciblant les secteurs de l'automobile, de l'acier, de l'aluminium et du cuivre en vertu de l'article 232 de la loi des États intitulée Trade Expansion du Trade Expansion Act of 1962. Elles comprennent également des tarifs douaniers ou des « surtaxes » imposés en représailles par le Canada sur les importations d'aluminium, d'acier et d'automobiles en provenance des États-Unis, ainsi que des restrictions éventuelles sur les importations, les exportations ou les taxes à l'exportation. Notamment, en ce qui concerne une vaste gamme de produits de l'acier, le Canada a récemment imposé des contingents tarifaires aux importations en provenance de ses partenaires commerciaux non américains.

La nature sans précédent et imprévisible des mesures protectionnistes déployées dans la guerre commerciale mondiale actuelle peut amener les investisseurs à se demander de quel recours, le cas échéant, ils disposent pour faire face aux menaces et au préjudice qui pèsent sur leurs activités et investissements à l'étranger.

Quels sont les mécanismes de protection dont disposent les investisseurs?

Les États-Unis ont signé des traités bilatéraux d'investissement (les « TBI ») ainsi que des accords de libre-échange (les « ALE ») qui renferment des chapitres investissement avec des douzaines de pays. Ces accords peuvent conférer aux investisseurs un argument juridique leur permettant de contester les tarifs douaniers qui présentent un risque pour leurs investissements. Même si la dernière série de tarifs douaniers imposés, puis supprimés, par l'administration Trump et les partenaires commerciaux des États-Unis, n'a pas encore donné lieu à des recours en règlement des différends entre investisseurs et États (en anglais « ISDS » en abrégé) dans le cadre des TBI et des ALE dont les États-Unis sont partie, les investisseurs ont exercé des recours dans le cadre du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États pour contester l'imposition de tarifs d'importation dans d'autres contextes. Ces affaires pourraient servir de feuille de route aux investisseurs touchés par des tarifs douaniers récemment imposés ou sur le point de l'être.

De manière générale, les TBI et ALE comportant des chapitres investissement énumèrent un certain nombre de mécanismes de protection des investisseurs qui pourraient être pertinents pour les investisseurs qui cherchent à contester l'imposition de tarifs d'importation. Ces protections peuvent comprendre les garanties suivantes :

  • traitement national : l'investisseur doit bénéficier d'un traitement non moins favorable que celui accordé aux investisseurs nationaux dans l'État d'accueil;
  • traitement de la nation la plus favorisée : l'investisseur doit bénéficier d'un traitement non moins favorable que celui accordé aux investisseurs étrangers d'autres États;
  • traitement juste et équitable : l'investisseur bénéficie d'un traitement garanti, comme l'application régulière de la loi, un cadre juridique stable et prévisible, une conduite transparente de l'État, et aucun traitement arbitraire ou discriminatoire ou déni de justice.

Elles peuvent aussi comprendre des interdictions concernant :

  • des prescriptions de résultats : l'investisseur ne peut être tenu de se conformer à certaines conditions interdites, telles que l'obligation de s'approvisionner en biens ou services nationaux, de transférer des technologies à une personne située sur le territoire d'accueil ou d'exporter une partie de sa production dans le cadre de son investissement;
  • une expropriation illicite : les biens de l'investisseur ne peuvent être expropriés (directement ou indirectement) sans procédure judiciaire et indemnisation équitable.

De manière générale, ces TBI ainsi que les mécanismes ISDS de certains ALE permettent aux investisseurs étrangers de soumettre à des tribunaux d'arbitrage des demandes de réparation du préjudice causé à l'investisseur ou à son investissement en raison du manquement par le gouvernement du pays hôte à ses obligations en matière de protection des investissements. 

Réclamations liées aux investissements et aux tarifs douaniers

Des mécanismes de protection de ce genre ont été invoqués dans des affaires distinctes portant sur des tarifs douaniers intentées contre le Mexique par Cargill et Vento Motorcycles. Ces affaires peuvent s'avérer instructives pour les investisseurs qui étudient leurs options dans le contexte commercial actuel :

  • Cargill c. Mexique1 — À la suite de l'adoption de l'Accord de libre-échange nord-américain (l'« ALENA »), Cargill prévoyait pouvoir vendre du sirop de maïs à forte teneur en fructose au Mexique, et a augmenté sa capacité d'exportation vers ce pays en conséquence. Cependant, le gouvernement mexicain a pris un certain nombre de mesures pour protéger son industrie sucrière nationale, notamment en imposant une taxe sur les boissons gazeuses contenant du sirop de maïs à haute teneur en fructose, et en refusant de délivrer des permis d'importation pour les produits de Cargill. Cargill a contesté avec succès ces mesures aux termes du chapitre investissement de l'ALENA comme étant incompatibles avec les obligations incombant au Mexique en matière de traitement national, de traitement juste et équitable et de prescriptions de résultats.
  • Vento Motorcycles v. Mexico2 — La société américaine Vento a contesté la décision du Mexique de refuser un traitement tarifaire préférentiel en vertu de l'ALENA aux motocyclettes qu'elle a assemblées aux États-Unis et vendues au Mexique dans le cadre d'une coentreprise. Les autorités mexicaines ont considéré que les motocyclettes contenaient des composants non américains, de sorte qu'elles n'étaient pas des « produits originaires » aux termes de l'ALENA. Vento a fait valoir que le Mexique faisait preuve de discrimination à l'égard de ses investissements en accordant un traitement tarifaire plus favorable aux sociétés étrangères et nationales qui vendent des produits similaires au Mexique (en fait, des allégations de refus de traitement national et de traitement de la nation la plus favorisée). Elle a également affirmé que les autorités mexicaines lui avaient refusé la norme minimale de traitement garantie par l'ALENA en refusant arbitrairement le traitement tarifaire préférentiel. Le tribunal d'arbitrage a rejeté ces arguments, concluant que Vento n'avait pas identifié de comparateurs étrangers et nationaux appropriés sur lesquels fonder ses revendications en matière de traitement national et de traitement de la nation la plus favorisée, et que les décisions tarifaires n'étaient pas incompatibles avec le droit mexicain ou le droit international. Toutefois, cette sentence a été annulée par la suite par la Cour d'appel de l'Ontario pour des sans rapport avec le fond de l'affaire. Il reste à voir si une deuxième tentative peut être faite et aboutir un résultat différent.

Bien que les investisseurs dans les affaires Cargill et Vento Motorcycles aient connu un succès différent dans leurs réclamations, ces affaires montrent que le recours au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États peut être un moyen pour les investisseurs de contester les tarifs d'importation et autres obstacles au commerce qui ont un effet délétère sur leurs investissements. Tout investisseur envisageant de contester  des tarifs d'importation devra examiner les caractéristiques de sa réclamation, y compris la nature de l'investissement et les tarifs particuliers ou les obstacles non tarifaires en cause, y compris la manière dont ils ont été annoncés et imposés et leurs effets sur l'investissement concerné.

À cet égard, la qualification juridique du tarif douanier est une question importante. De nombreux TBI et ALE interdisent explicitement aux investisseurs de présenter des réclamations au titre de ces traités qui portent sur des mesures fiscales, ou immunisent les décisions gouvernementales fondées sur certains principes (comme la sécurité nationale) contre tout examen. Un gouvernement qui est confronté à une réclamation contestant des tarifs douaniers fondée sur des traités pourrait donc chercher à les classer comme des impôts, ou à les rationaliser en conséquence (comme l'a fait l'administration Trump dans certains cas). Cela étant dit, la nomenclature nationale utilisée par les gouvernements pour caractériser les mesures d'État ne déterminera pas si elles peuvent être contestées en vertu d'un TBI ou d'un ALE; les tribunaux d'arbitrage examinent régulièrement le « fond » d'une mesure dans le cadre d'un recours au mécanisme ISDS3. En outre, les impôts et exonérations fiscales ne sont pas nécessairement à l'abri des contestations ISDS4.

Il est également essentiel de déterminer quel/s traité/s un investisseur pourrait être en mesure d'invoquer. Par exemple, compte tenu des limites imposées au règlement des différends entre investisseurs et États aux termes de l'accord qui a succédé à l'ALENA, l'Accord États-Unis-Mexique-Canada, les investisseurs canadiens qui envisagent d'exercer un recours contre les tarifs douaniers imposés par les États-Unis devront examiner la possibilité d'exercer des recours aux termes d'autres TBI et ALE.

Footnotes

1. Cargill, Incorporated c. États-Unis du Mexique (Affaire CIRDI n° ARB(AF)/05/2), sentence datée du 18 sept. 2009.

2. Vento Motorcycles, Inc. c. États-Unis du Mexique (Affaire CIRDI n° ARB(AF)/17/3), sentence datée du 6 juillet 2020.

3. Voir, p. ex., ACF Renewable Energy Limited c. République de Bulgarie (Affaire CIRDI n° ARB/18/1), sentence rendue le 5 janvier 2024, au par. 698.

4. Voir, p. ex., Occidental Exploration and Production Company c. République de l'Équateur (I), Dossier Cour d'arbitrage international de Londres (LCIA) n° UN3467 (CNUDCI).

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