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24 June 2025

Doublement des droits de douane sur l'acier et l'aluminium

Le président Donald Trump a fait passer les droits de douane de 25 % à 50 % sur les importations d'acier et d'aluminium aux États-Unis. Entrée en vigueur le 4 juin...
Canada International Law

Dans ce bulletin Canada–Administration Trump 2.0, Alex Steinhouse de l'équipe Relations gouvernementales et droit politique de Fasken aborde la majoration des droits de douane sur l'acier et l'aluminium et ses répercussions sur les relations canado-américaines ainsi que la nouvelle législation canadienne sur la sécurité frontalière et la nomination des secrétaires parlementaires.

Droits de douane de 50 % sur l'acier et l'aluminium

Le président Donald Trump a fait passer les droits de douane de 25 % à 50 % sur les importations d'acier et d'aluminium aux États-Unis. Entrée en vigueur le 4 juin, cette mesure a été prise sous prétexte de protéger « les industries américaines de l'acier et de l'aluminium, qui ont souffert de pratiques commerciales déloyales et d'une surcapacité mondiale ». Le président Trump a invoqué les pouvoirs que lui confère l'article 232 de la Trade Expansion Act of 1962 (motifs de sécurité nationale) pour ajuster ces tarifs.

La proclamation du président indique que « l'augmentation des droits de douane permettra de contrer plus efficacement les pays étrangers qui continuent d'inonder le marché américain avec de l'acier et de l'aluminium bon marché et en surplus ». Cette mesure concrétise l'annonce faite par le président vendredi dernier lors d'un rassemblement à Pittsburgh, en Pennsylvanie.

La seule exception vise les droits de douane sur les importations d'acier et d'aluminium du Royaume-Uni, lesquels resteront à 25 % avec d'éventuels changements ou quotas à partir du 9 juillet 2025, selon le statut de l'accord de prospérité économique conclu entre les États-Unis et le Royaume-Uni.

Fait intéressant, le président-directeur général de l'Association de l'aluminium des États-Unis, Charles Johnson, a publié une importante déclaration au sujet de la majoration des droits de douane, dont voici un extrait [la traduction, les caractères gras et les soulignements sont de nous]:

« Il faut rétablir des règles du jeu plus équitables pour les producteurs d'ici, mais des droits de 50 % en vertu de l'article 232 menacent de mettre en péril l'industrie même que l'administration entend appuyer. L'Association de l'aluminium, qui représente l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement de l'industrie et 70 % de la production nationale, exhorte l'administration à reconsidérer sa décision d'aujourd'hui, compte tenu de l'incidence négative qu'elle aura sur les fabricants.

L'aluminium et l'acier sont des métaux fondamentalement différents qui ont des chaînes d'approvisionnement, une dynamique de marché et des défis stratégiques distincts. Une approche universelle de politique commerciale pour ces matières stratégiques risque d'avoir des conséquences imprévues sur l'économie américaine et notre défense nationale. Essentiellement, un taux de 50 % pourrait aussi faire augmenter les prix pour les consommateurs, diminuer la demande et miner la capacité de l'industrie de l'aluminium à servir la base industrielle de la défense américaine. Les entreprises du secteur de l'aluminium ont besoin d'un approvisionnement fiable en métal, d'une protection contre le transbordement de métal en provenance d'économies non marchandes et d'une certitude en ce qui concerne les droits de douane. »

Réaction canadienne aux droits de douane sur l'acier et l'aluminium

Dans une déclaration à CTV News mardi soir, le cabinet du premier ministre a dénoncé ces droits de douane « illégaux et injustifiés » et soutenu que le gouvernement fédéral menait « des négociations intensives et en temps réel » afin de les éliminer, et d'en éliminer d'autres, « dans le cadre d'un nouveau partenariat économique et de sécurité avec les États-Unis ». Il a ajouté : « Nous nous battons pour obtenir le meilleur accord possible pour le Canada, et nous prendrons le temps nécessaire, mais pas plus ».

Le cabinet du premier ministre a rappelé que chaque dollar récolté à la suite de nos représailles sur plus de 90 milliards de dollars, avant les rémissions, d'importations américaines servira à « soutenir les travailleurs et les entreprises du Canada touchés par les tarifs préjudiciables des États-Unis ».

S'adressant aux journalistes mercredi, le premier ministre Carney a confirmé qu'il n'y aurait pas de nouvelles mesures de représailles immédiates de la part du Canada en réponse à ces droits de douane. En avril, le gouvernement a levé plusieurs des tarifs de rétorsion imposés en mars afin d'éviter de faire grimper les prix pour les consommateurs canadiens. Ainsi, selon Oxford Economics, plus de la moitié de l'acier américain importé au Canada est actuellement exempt de droits de douane[1]

Mélanie Joly, ministre de l'Industrie, a déclaré que le gouvernement envisageait différents scénarios de réponse et s'est engagée à prendre une décision dans les plus brefs délais.

Des sources du gouvernement canadien laissent entendre que des négociations sont en cours avec les Américains au sujet d'une nouvelle relation commerciale et de sécurité, mais on ne s'attend pas à ce qu'une entente soit signée avant le Sommet du G7 à Kananaskis, en Alberta, du 15 au 17 juillet[2].

D'ailleurs, l'ambassadeur des États-Unis au Canada, Pete Hoekstra, a déclaré jeudi au Globe and Mail que les « négociations Carney-Trump » se déroulaient « sous silence afin de garantir un résultat positif » et qu'une entente pourrait être conclue d'ici septembre[3]. Ces pourparlers comprennent les récentes réunions entre le ministre du Commerce Dominic LeBlanc, le secrétaire américain au Commerce Howard Lutnick et le représentant au Commerce Jamieson Greer.

M. Hoekstra a avancé que les Canadiens et les Américains « définissent les contours d'une entente qui pourrait comprendre l'augmentation du contenu américain dans les automobiles, l'amélioration de l'accès des États-Unis aux minéraux critiques du Canada et la garantie que Canada joue un rôle beaucoup plus important dans l'Arctique ». Les discussions portent aussi sur « l'augmentation des dépenses en défense, l'énergie, la sécurité frontalière, le fentanyl ainsi que l'acier et l'aluminium ». Il convient de noter qu'on n'y parle pas du Mexique.

Comme nous l'avons déjà mentionné dans d'autres bulletins de cette série, le Canada est le plus grand fournisseur d'acier et d'aluminium des États-Unis, et les répercussions sur les travailleurs et l'industrie seront considérables.

Par exemple, selon Marty Warren, directeur national canadien du Syndicat des Métallos, « nous sommes au bord de l'effondrement dans certains endroits. Nous ne pouvons pas accéder au marché américain avec des droits de douane de 50 % », a-t-il affirmé avant de souligner que « près de 65 % de l'acier canadien est exporté vers le marché américain ».

Des représentants de l'industrie sidérurgique, dont Catherine Cobden, présidente de l'Association canadienne des producteurs d'acier, ont déclaré que la décision du premier ministre d'annuler les droits de douane était « malavisée » et empêchait les fabricants d'utiliser l'acier canadien. Elle a demandé le rétablissement immédiat des droits de douane en représailles sur les importations d'acier américain et leur majoration à 50 %[4].

Des entreprises et des travailleurs de l'industrie sidérurgique canadienne se sont rendus sur la Colline du Parlement jeudi pour rencontrer les députés et les ministres afin de poursuivre leurs efforts de sensibilisation à la hausse des droits de douane[5].

Le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, a lui aussi demandé au gouvernement fédéral de riposter immédiatement. Il a dit que « tout est sur la table » quant aux mesures de représailles provinciales. M. Ford s'est engagé à rencontrer les entreprises sidérurgiques canadiennes pour tenter de rapatrier 30 milliards de dollars d'acier actuellement importés des États-Unis.

On se souvient que M. Ford avait temporairement imposé une surtaxe de 25 % sur les exportations ontariennes d'hydroélectricité aux États-Unis en réponse aux droits de douane de 25 % sur l'acier et l'aluminium, avant de les annuler le jour même en réaction aux menaces américaines de les porter à 50 %. Or, cette fois-ci, il a dit comprendre, d'après ses conversations avec le premier ministre Carney, que « nous sommes sur le point de conclure une entente avec les États-Unis », c'est pourquoi il ne rétablit pas, pour l'instant, de surtaxe pour l'électricité.

Ces menaces pour l'économie canadienne se profilent alors que Statistique Canada a dévoilé jeudi de nouvelles données économiques inquiétantes. Le Canada a enregistré son plus important déficit commercial de marchandises en avril, soit 7,1 milliards de dollars. Au cours du premier mois complet de l'imposition des droits de douane américains, les exportations canadiennes ont chuté abruptement, et les droits de douane américains ont fait plus qu'annuler les gains attribuables aux exportations vers d'autres pays. Entre autres, les exportations de véhicules automobiles et de pièces ont baissé de 17,4 %, tandis que les exportations de biens de consommation ont fléchi de 15,4 % et celles de produits énergétiques de 7,9 %[6].

Projet de loi frontalier

Dans le cadre des relations canado-américaines, le ministre de la Sécurité publique, Gary Anandasagaree, a présenté le mardi 3 juin le projet de loi C-2, la Loi visant une sécurité rigoureuse à la frontière. Parmi les nombreuses mesures proposées dans ses 140 pages, le projet de loi propose des mises à jour législatives déjà promises par l'ancien premier ministre Trudeau dans le cadre du plan frontalier de 1,3 milliard de dollars destiné à répondre aux préoccupations des Américains concernant le fentanyl et l'état de la frontière entre le Canada et les États-Unis.

À cet égard, le projet de loi vise à fournir aux organismes d'application de la loi plus d'outils pour assurer la sécurité des frontières, lutter contre le crime organisé transnational, arrêter le flux de fentanyl illicite et réprimer le blanchiment d'argent. Il vise aussi à renforcer la réponse du Canada aux réseaux criminels de plus en plus sophistiqués et à apporter une série de changements majeurs au système canadien d'immigration et d'octroi de l'asile. Il permettra à la Garde côtière canadienne d'effectuer des patrouilles de sécurité et de recueillir, d'analyser et de diffuser de l'information et des renseignements à des fins de sécurité. Le projet de loi est déjà examiné de près par des experts en sécurité nationale, notamment en ce qui concerne les réformes proposées pour les processus d'immigration et d'octroi de l'asile.

Nouveaux secrétaires parlementaires

Jeudi, le premier ministre Carney a annoncé son équipe de secrétaires parlementaires. Les secrétaires parlementaires jouent un rôle essentiel de liaison entre leurs ministres et secrétaires d'État respectifs et le Parlement. Ils agissent en tant qu'intermédiaire de leur ministre respectif au sein des comités parlementaires, répondent aux questions au nom du ministre ou du secrétaire d'État lors des périodes de questions et des débats parlementaires, et font des annonces de politique et de financement en leur nom. Par conséquent, bon nombre d'entre eux sont prêts à assumer des rôles dans le vaste dossier Canada–États-Unis.

Nous attendons maintenant de connaître la composition des différents comités parlementaires et l'effet qu'elle pourrait avoir sur les relations entre le Canada et les États-Unis. Pour en savoir plus à ce sujet, consultez le bulletin en relations gouvernementales et droit politique que nous avons publié cette semaine, « Les comités d'un gouvernement minoritaire : instabilité, occasions à saisir et risques d'atteinte à la réputation » (en anglais). 

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