I. ProcÉdure pÉnale
Confirmation de jurisprudence sur l'impossibilité pour les tiers saisis d'invoquer les secrets commerciaux ou le secret bancaire et précisions sur l'examen des griefs dit accessoires en matière de mesures de contrainte [p. 2] |
TF 7B_554/2024 Obligation de motivation: nécessité de mentionner
le type de mandat en cas d'invocation du secret |
||
TF 7B_257/2024 Superposition entre le droit à l'information du tiers
et l'obligation de garder le silence dans une procédure
de mise sous scellés: impact sur |
TF 7B_837/2024 Orthographe ou casse différente d'un mot-clé: motif insuffisant pour exclure le maintien des scellés apposés [p. 8] |
II. Droit pÉnal Économique
III. Droit international privÉ
IV. Droit de la poursuite et de la faillite
TF 5A_376/2024* Calcul des sûretés après une TF 5A_388/2024 Adjudication par enchère |
TF 4A_387/2024 Mainlevée définitive en lien avec une créance fiscale zurichoise: documents à produire [p. 11] |
TF 5A_557/2024 Rappel de jurisprudence: |
V. Entraide internationale
TF 1C_620/2024 Entraide pénale avec les Pays-Bas: irrecevabilité du recours [p. 15] |
Quelques propos introductifs
La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).
Sans prétendre à l'exhaustivité, seront
reproduits ci-après les considérants consacrant le
raisonnement juridique
principal développé par notre Haute juridiction sur
les thématiques suivantes: droit de procédure
pénale, droit pénal économique, droit
international privé, droit de la poursuite et de la
faillite, ainsi que le droit de l'entraide
internationale.
I. PROCÉDURE PÉNALE
TF 7B_950/2024, 7B_976/20241 du 15 novembre 2024 | Confirmation de jurisprudence sur l'impossibilité pour les tiers saisis d'invoquer les secrets commerciaux ou le secret bancaire et précisions sur l'examen des griefs dit accessoires en matière de mesures de contrainte (art. 173 al. 2 CPP, art. 197 CPP, art.248al. 1 CPP cum art. 264 al. 1 CPP)
- Le Ministère public de la République et canton de Genève (« Ministère public») a mené une instruction contre A. («Recourant») pour encouragement à la prostitution (art. 195 CP) et crime à la LStup.
- Le 8 juillet 2024, le Recourant a été interpellé et placé en détention provisoire par le Tribunal des mesures de contrainte genevois («TMC»). Le domicile de l'ex-épouse et de la fille du Recourant a été perquisitionné, et deux téléphones appartenant au Recourant ont été saisis. La police a extrait les données contenues dans ces appareils et les a enregistrées sur un disque dur.
- Le 9 juillet 2024, le Ministère public a ordonné la perquisition et la mise sous séquestre des deux téléphones, y compris les données qu'ils contenaient.
- Le 6 août 2024, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise («Chambre pénale de recours») a déclaré irrecevable le recours du Recourant contre cette ordonnance du 9 juillet 2024 («Jugement»).
- Le 11 juillet 2024, le Recourant a sollicité la mise sous scellés des deux téléphones ainsi que du disque dur, avançant que ces appareils ne contenaient aucune donnée utile pour l'instruction. Il a également indiqué que les téléphones contenaient des échanges et un contrat d'affaires liés à son entreprise à V., ainsi que des données personnelles.
- Le 9 août 2024, le TMC a levé les scellés
apposés sur les deux téléphones et le disque
dur
(«Ordonnance»).
- Le 6 septembre 2024, le Recourant a formé un premier recours (cause 7B_950/024) au Tribunal fédéral contre le Jugement.
- Le 11 septembre 2024, le Recourant a interjeté un second recours (cause 7B_976/2024) au Tribunal fédéral contre l'Ordonnance.
- Dans son arrêt, le Tribunal fédéral a débuté en indiquant que la question de la recevabilité du recours visant l'Ordonnance pouvait rester indécise. La motivation du Recourant, tant au stade de la recevabilité que sur le fond, ne démontrait pas l'existence d'une atteinte à un secret protégé (consid. 2.4).
- En particulier, notre Haute Cour a confirmé que les tiers saisis ne peuvent plus invoquer les secrets commerciaux ou le secret bancaire pour justifier une mise sous scellés, car ces motifs ne permettent pas de s'opposer au séquestre (art. 264 CPP) (consid. 2.4.2).
- Plus précisément, eu égard à la sécurité du droit, le Tribunal fédéral a clarifié que le renvoi de l'art. 248 al. 1 CPPà l'art. 173 al. 2 CPPpar le biais de l'art. 264 al. 1 let. c CPP n'autorise plus l'invocation d'un autre secret protégé par la loi (art. 173 al. 2 CPP), soit notamment les secrets des affaires, pour justifier une mise sous scellés, indépendamment de la qualité procédurale du détenteur ou de l'ayant droit concerné (consid. 2.4.2).
- Partant, eu égard aux secrets invoqués, le recours contre l'Ordonnance, serait-il recevable qu'il devrait, sur ces questions, être rejeté (consid. 2.4.3).
- Ensuite, le Tribunal fédéral s'est penché sur le grief de la violation du droit d'être entendu: le Recourant reprochait au TMC et à la Chambre pénale de recours de ne pas avoir examiné les griefs soulevés en lien avec la proportionnalité de la perquisition et l'utilité des pièces saisies (consid. 3.1).
- Au sens de l'art. 29 al. 2 Cst et de la jurisprudence, viole le droit d'être entendu l'autorité qui ne respecte pas son obligation de motiver ses décisions afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escientet qui omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (consid. 3.2.1).
- En outre, toujours selon la jurisprudence, l'examen des conditions générales des mesures de contrainte (art. 197 CPP), telles que la proportionnalité de la perquisition ou l'existence de soupçons suffisants, peut être effectué à titre accessoire par le juge de la levée des scellés. Toutefois, si aucun secret protégé (art. 248 al. 1 cum l'art. 264 CPP)n'est invoqué de manière suffisante, les griefs accessoires ne constituent pas à eux seuls des motifs s'opposant à la levée des scellés (consid. 3.2.1 ss).
- In casu, notre Haute Cour a jugé que le TMC avait, de manière conforme aux obligations lui incombant, notamment examiné le secret de l'avocat invoqué par le Recourant, ainsi qu'une éventuelle atteinte à la sphère privée de celui-ci.Vu ces griefs, le TMC était par conséquent tenu de procéder à l'examen des griefs accessoires tels que la proportionnalité. Le fait que le TMC ait écarté sur le fond, à juste titre, les secrets invoqués, notamment en raison d'un défaut de collaboration et de motivation, n'y changeait rien. Soutenir le contraire contraindrait en effet celui qui aurait invoqué de manière vraisemblable au moment de sa demande de mise sous scellés un motif au sens de l'art. 264 al. 1 CPP et qui entendrait également faire valoir des griefs dits accessoires contre la mesure de contrainte à saisir en tout état de cause l'autorité de recours, que ce soit en parallèle pour pallier une issue défavorable devant le TMC ou ultérieurement à la procédure de levée des scellés, ce qui serait manifestement contraire à l'économie de procédure et au principe de la célérité (consid. 3.4).
- Dès lors, le Tribunal fédéral a considéré que le TMC avait violé le droit d'être entendu du Recourant en refusant de traiter les griefs dits accessoires (consid. 3.4).
- De ce fait, notre Haute Cour a estimé qu'au vu de l'existence de la procédure de levée des scellés et de la possibilité de soulever dans ce cadre les griefs dits accessoires, la voie du recours au sens de l'art. 393 CPPn'était pas ouverte contre l'ordonnance de perquisition et de séquestre (consid. 3.5).
- Partant, le recours a été partiellement admis.
TF 7B_554/2024 du 21 octobre 2024 | Obligation de motivation – nécessité de mentionner le type de mandat en cas d'invocation du secret professionnel de l'avocat, y compris pour les défenseurs tiers à la procédure en cours (art. 264 al. 1 let. c CPP)
- À la suite d'une plainte pénale déposée le 13 février 2024 par l'État de Genève, le Ministère public genevois («Ministère public») a mené une instruction pénale contre A. («Recourant») pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires. En particulier, le Recourant aurait affirmé au téléphone à une collaboratrice de l'État vouloir «foutre une bombe au Palais et ses institutions et tant pis pour les innocents qui seront présents à ce moment-là », l'effrayant ainsi.
- Par mandat du 16 février 2024, le Ministère public a ordonné la perquisition du domicile du Recourant. Lors de l'exécution de cette mesure, un ordinateur Lenovo, un ordinateur Acer, deux clés USB, une tablette Samsung et un téléphone mobile Samsung ont été saisis.
- Le 20 février 2024, lors de son audition par la police, le Recourant a demandé la mise sous scellés de tout le matériel séquestré invoquant le secret professionnel de l'avocat, en relation avec sa défenseure Me M., et le secret médical.
- Le 21 février 2024, le Ministère public a saisi le Tribunal des mesures de contrainte genevois («TMC») d'une demande de levée des scellés concernant l'intégralité des éléments perquisitionnés.
- Dans ses déterminations du 26 février 2024,
le Recourant a consenti à la levée des scellés portant sur l'ordinateur Acer, les deux clés USB et la tablette Samsung. Partant, le 27 février 2024, le TMC a consenti à la levée des scellés sur ces objets.
- Par ordonnance du 10 avril 2024, le TMC a maintenu les scellés sur les documents couverts par le secret professionnel, à l'égard de Me M. et sur ceux couverts par le secret médical du Recourant. Il a ordonné la levée des scellés et la transmission de l'ordinateur Lenovo et du téléphone mobile contenant le reste des données au Ministère public.
- Le Recourant a interjeté un recours auprès du Tribunal fédéral en concluant au refus de la levée des scellés apposés sur tous les documents couverts par le «secret du défenseur» pour les avocats B., C., D., E., F., G., et H.
- Devant notre Haute Cour, le Recourant a reproché au TMC d'avoir violé l'art. 264 al. 1 let. a CPP, en refusant de maintenir les scellés sur sa correspondance et ses contacts avec les sept autres avocats mentionnés dans sa demande de maintien des scellés (consid. 2.1).
- Au sens de l'art. 248 al. 1 1ère phrase
CPP, si
le détenteur s'oppose au séquestre de certains documents, enregistrements ou autres objets en vertu de l'art. 264 CPP, l'autorité pénale les met sous scellés. - Selon l'art. 264 al. 1 let. a CPP, quels que soient l'endroit où ils se trouvent, et le moment où ils ont été conçus, ne peuvent être séquestrés les documents concernant des contacts entre le prévenu et son défenseur.
- Par ailleurs, la jurisprudence précise que lors de son examen, le TMC se fonde notamment sur la demande du Ministère public, sur l'éventuelle liste de mots-clés que celui-ci a produite, ainsi que sur les informations données par le détenteur des pièces placées sous scellés (consid. 2.2.2).
- S'agissant des exigences en matière de motivation et de collaboration en lien avec le secret professionnel de l'avocat, le requérant doit démontrer que le mandataire en cause a été consulté dans le cadre d'une activité professionnelle typique. Si tel est le cas, le secret couvre non seulement les documents ou conseils émis par l'avocat lui-même, mais également toutes les informations, faits et documents confiés par le mandant qui présentent un rapport certain avec l'exercice de la profession d'avocat (consid. 2.2.3).
- En revanche, la transmission, à titre de simple copie d'un courrier à un avocat ne suffit pas pour considérer que l'écriture en cause serait également protégée (consid. 2.2.3).
- Le TMC avait relevé que le Recourant avait invoqué le secret professionnel de l'avocat, transmis les noms de huit défenseurs et avait soutenu que toutes les correspondances, messages écrits, enregistrements audios et échanges avec ceux-ci se trouveraient sur son ordinateur Lenovo et son téléphone mobile. Toutefois, faute d'indications sur le type de mandat des avocats concernés ainsi que sur l'emplacement des documents et enregistrements soumis à la protection du secret professionnel, le TMC avait retenu que le Recourant n'avait pas satisfait à son obligation de collaboration. Ainsi, une levée des scellés était dès lors raisonnablement acceptable (consid. 2.3).
- In casu, les juges de Mon-Repos ont considéré que c'est à raison que le TMC avait relevé que l'absence d'indications sur le type de mandat existant entre le Recourant et les avocats cités suffisait à justifier la levée des scellés s'agissant du secret professionnel invoqué à l'égard de Mes D., E., F., G. et H. Par ailleurs, notre Haute Cour a précisé que le TMC n'était pas tenu de rechercher d'office d'éventuels motifs de secret protégé par la loi (consid. 2.4).
- Cependant, le Tribunal fédéral a également retenu que ce même raisonnement ne pouvait s'appliquer par analogie à l'égard de Mes B et C. puisque les deux avaient explicitement été identifiés comme intervenant dans le cadre de la procédure devant l'autorité de protection de l'adulte et de l'enfant (art. 264 al. 1 let. c CPP cum 171 CPP) pour le compte du Recourant (consid. 2.4).
- De ce fait, notre Haute Cour a considéré que le TMC avait violé le droit fédéral en autorisant la levée des scellés concernant tous les documents et enregistrements placés sur l'ordinateur Lenovo et le téléphone Samsung en lien avec Mes B. et C (consid. 2.4).
- Partant, le recours a été partiellement admis.
TF 7B_257/2024 du 8 novembre 2024 | Superposition entre le droit à l'information du tiers et l'obligation de garder le silence dans une procédure de mise sous scellés – impact sur l'exploitabilité des preuves (art.292CP, art. 73 al. 2 CPP, art. 141 al. 2 CPP, art. 248 al.2 CPP)
- À la suite de plaintes pénales déposées le 11 février 2015 par B. SA et E. SA, actives dans l'achat, la vente et l'importation de produits chimiques de nettoyage, le Ministère public genevois (« Ministère public») a ouvert une instruction pénale contre C. («Prévenu»). Celui-ci était accusé notamment d'escroquerie, d'abus de confiance et d'infraction à la loi fédérale contre la concurrence déloyale (« LCD »), voire de blanchiment d'argent.
- Il était reproché au Prévenu d'avoir, dans le cadre de ses activités et de ses rapports avec les deux sociétés plaignantes, surfacturé des produits en prétendant que D. LLC était l'unique fournisseur, alors que cette société était une coquille vide, et que d'autres fournisseurs proposaient des prix inférieurs. Cette manipulation permettait au Prévenu de percevoir la différence.
- Il lui était également reproché d'avoir présenté de la fausse documentation relative aux produits achetés par les deux sociétés, d'avoir caché ou détruit des documents en lien avec les affaires de B. SA, d'avoir effacé des données informatiques, de s'être emparé de données appartenant à cette société et d'avoir exploité ces données confidentielles au profit d'une tierce société dans un dessein d'enrichissement illégitime.
- D'après la plainte pénale, D. LLC aurait reçu USD740'262,50 via un compte bancaire au nom de la mère du Prévenu («»). De plus, dans ce contexte, le Prévenu aurait opéré une surfacturation de 80%, et se serait enrichi d'environ CHF 600'000.-.
- Lors de l'audience du 12 avril 2017 devant le Ministère public, le Prévenu a nié connaître A. AG (« Recourante »), une société active dans l'importation et l'exportation de produits chimiques.
- Selon la dénonciation du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (« MROS ») du 18 août 2022, deux comptes étaient ouverts dans les livres auprès de la banque J. SA («Banque») au nom de la Recourante, dont G. était la «détentrice de contrôle». Ces comptes ne comportaient que des sorties à hauteur de CHF996'617.- en faveur du Prévenu.
- Par ordonnance du 25 août 2022, le Ministère public a ordonné le séquestre des relations bancaires nos xxx (« Relation bancaire n° X ») et yyy (« Relation bancaire n° Y ») détenues par la Recourante auprès de la Banque, et de toute autre relation bancaire dont elle était aurait été titulaire auprès de cet établissement. Il a également imposé à la Banque, sous la menace de l'art. 292 CP, de garder le silence sur la procédure, la mesure et les personnes impliquées pour une durée de trois mois, laquelle était prolongeable. L'ordonnance mentionnait la réception de la dénonciation du MROS et un résumé de son contenu.
- Par courrier du 13 octobre 2022, la Banque a transmis au Ministère public les documents sollicités.
- Le 18 novembre 2022, le Ministère public a indiqué à la Banque qu'elle pouvait informer sa cliente du blocage de la Relation bancaire n° X. Cependant, l'obligation de garder le silence sur la procédure et sur les personnes impliquées a été prolongée jusqu'au 1er juin 2023.
- Le 26 juin 2023, la Recourante a demandé au Ministère public la mise sous scellés des documents transmis, invoquant la violation de secrets commerciaux ou de fabrication. La Recourante a précisé n'avoir reçu aucune information formelle sur les personnes impliquées et a demandé à pouvoir consulter les pièces essentielles.
- Le 27 juin 2023, le Ministère public a autorisé l'accès de la Recourante à l'ordonnance de séquestre et aux échanges avec la Banque.
- Le 30 juin 2023, après consultation, la Recourante a requis une copie de la communication du MROS du 18 août 2022, respectivement de la mise sous scellés de cette pièce, des avis de la Banque et de «toute autre documentation éventuelle en relation avec un compte bancaire dont elle [était] titulaire».
- Par requête du 28 juin 2023 et du 18 juillet 2023, le Ministère public a sollicité du Tribunal des mesures de contrainte genevois (« TMC ») la levée des scellés sur lesdits documents.
- Par ordonnance du 31 janvier 2024, le TMC a notamment levé les scellés sur la documentation bancaire transmise par la Banque ainsi que sur la dénonciation MROS du 18 août 2022 et ses annexes.
- La Recourante a interjeté un recours le 4 mars 2024 auprès du Tribunal fédéral.
- Devant notre Haute Cour, la Recourante a reproché au Ministère public d'avoir violé le principe de la bonne foi en exploitant les documents litigieux sans l'avertir préalablement de son droit de demander l'apposition des scellés (art. 248 al. 2 CPP). En outre, selon la Recourante, cette violation devait conduire à écarter ces documents du dossier, en raison de leur obtention illicite (art. 142 al. 2 CPP) (consid. 3.1).
- Selon les art. 5 al. 3 Cst. et art. 3 al. 2 CPP, les autorités pénales doivent se conformer notamment au principe de la bonne foi (consid. 3.2.1).
- Aux termes de l'art. 73 al. 2 CPP, la direction de la procédure peut obliger la partie plaignante, d'autres participants à la procédure ainsi que leurs conseils juridiques, sous commination de la peine prévue par l'art. 292 CP, à garder le silence sur la procédure et sur les personnes impliquées, lorsque le but de la procédure ou un intérêt privé l'exige. Cette obligation doit être limitée dans le temps (consid. 3.2.2).
- Aux termes de l'art. 248 al. 2 CPP, dès que l'autorité pénale constate que le détenteur n'est pas l'ayant droit, elle donne à ce dernier la possibilité de demander, dans un délai de 3 jours, la mise sous scellés des documents, enregistrements ou autres objets (consid. 3.2.3).
- Comme le relève la doctrine, ce devoir d'information peut, le cas échéant, entrer en contradiction lorsqu'un ordre de dépôt est assorti d'une obligation de garder le silence au sens de l'art. 73 al. 2 CPP. Il n'en résulte cependant pas, pour une partie de la doctrine, que toute application de l'art. 73 al. 2 CPPserait d'emblée exclue, sauf à mettre en péril la recherche de la vérité matérielle (consid. 3.2.3).
- En tout état de cause, c'est au Ministère public de supporter le risque d'un recours, notamment contre le séquestre de pièces, afin de remettre en cause l'exploitabilité des moyens de preuve obtenus, peut-être en violation de l'obligation d'information (consid. 3.2.3).
- In casu, notre Haute Cour a commencé par rappeler que contrairement à ce que retient la Recourante, le Ministère public avait autorisé la Banque à ne communiquer que le blocage de la relation, lui avait interdit en revanche de transmettre l'ordonnance de séquestre, laquelle mentionnait la dénonciation MROS (consid. 3.4.1).
- De plus, en lien avec l'ancien droit, applicable au moment où les ordonnances de dépôt ont été rendues, notre Haute Cour a repris le raisonnement doctrinal consistant à dire qu'il n'y avait pas de violation du principe de la bonne foi dans les cas où l'ayant droit n'était informé de la perquisition par l'autorité pénale qu'ultérieurement, mais qu'elle lui accordait la possibilité de demander la mise sous scellés. C'était le cas lorsque les documents et enregistrements étaient obtenus d'un tiers, tel qu'une banque, par le biais d'un ordre de dépôt, a fortiori, si celui-ci était assorti d'une interdiction de communiquer l'exécution de la mesure à l'ayant droit (consid. 3.4.2).
- In casu, le Tribunal fédéral a constaté qu'il était incontesté que la Recourante avait pu demander et obtenir en juin 2023, toujours sous l'ancien droit, la mise sous scellés des pièces litigieuses, respectivement faire valoir ses griefs (consid. 3.4.2).
- Sur la base de ces considérations, les juges de Mon-Repos ont jugé qu'au stade de la levée des scellés, les pièces litigieuses n'ont pas été obtenues en violation des droits de la Recourante. De ce fait, les pièces n'étaient pas inexploitables au sens de l'art. 141 al. 2 CPP (consid. 3.5).
- Partant, le recours a été rejeté.
TF 7B_837/2024 du 6 novembre 2024 | Orthographe ou casse différente d'un mot-clé - motif insuffisant pour exclure le maintien des scellés apposés (art. 264 al. 1 let. a et b CPP)
- Le Ministère public de la Confédération («MPC») a conduit une instruction pénale contre A. («Recourant») pour soupçons de blanchiment d'argent aggravé (art. 305bis 2 CP).
- Dans le cadre de cette procédure pénale, une perquisition a été effectuée le 29 juin 2020 et a permis la saisie de plusieurs documents physiques et supports informatiques. Le Recourant, par l'entremise de son défenseur, a requis la mise sous scellés des objets saisis, notamment d'un disque dur «Apple Time Capsule» («Disque dur»).
- Le 20 juillet 2020, le MPC a requis la levée des scellés apposés sur les objets saisis.
- Le 6 avril 2023, le Tribunal des mesures de contrainte vaudois («TMC») a désigné un expert pour établir une copie du Disque dur, effectuer un tri judiciaire à l'aide d'une liste de mots-clés exclusifs annexée au mandat («Annexe 1»), et produire deux clés USB. Ces supports devaient contenir les fichiers identifiés grâce aux mots-clés exclusifs et les données expurgées des fichiers.
- Le 20 juin 2024, le TMC a ordonné la levée des scellés sur les données expurgées, tout en maintenant les scellés pour le reste.
- Le 29 juillet 2024, le Recourant a interjeté un recours contre cette décision.
- Devant le Tribunal fédéral, le Recourant a invoqué une constatation arbitraire des faits en lien avec la méthode de tri utilisée par le TMC («fishing expedition»). Il a allégué une violation du principe de la proportionnalité, contesté l'utilité des données saisies et reproché à l'autorité précédente de lui avoir imputé un manque de collaboration. Il a également fait valoir que les données en question relevaient de sa sphère privée ou étaient couvertes par le secret professionnel (consid. 4.1).
- Aux termes de l'art. 248 al. 1, 1ère phrase CPP, si le détenteur s'oppose au séquestre de certains documents, enregistrements ou autres objets en vertu de l'art. 264 CPP, l'autorité pénale les met sous scellés.Selon l'art. 264 al. 1 CPP, ne peuvent pas être séquestrés les documents concernant des contacts entre le prévenu et son défenseur (let. a), les documents personnels et la correspondance du prévenu, si l'intérêt à la protection de la personnalité prime l'intérêt à la poursuite pénale (let. b).
- La jurisprudence rappelle que, pour invoquer la protection conférée par le secret professionnel, le requérant doit démontrer que le mandataire en cause a été consulté dans le cadre d'une activité professionnelle typique. Si tel est le cas, le secret couvre non seulement les documents ou conseils émis par l'avocat, mais également toutes les informations, faits et documents confiés par le mandant présentant un rapport certain avec l'exercice de la profession d'avocat (cf.art. 321 CP), rapport qui peut être fort ténu (consid. 4.2).
- En présence d'un secret professionnel avéré (art. 171 al. 1 CPP) l'autorité de levée des scellés doit éliminer les pièces protégées et garantir la confidentialité des tiers non concernés par l'enquête. Cette obligation s'applique également aux pièces protégées par l'art. 264 al. 1 let. b CPP (consid. 4.3).
- In casu, le Tribunal fédéral a confirmé que l'appréciation du TMC respectait le principe de proportionnalité. Une instruction portant sur des infractions patrimoniales justifie un traitement large des données, même si elles ne semblent pas directement liées à l'activité professionnelle du Recourant. La présence d'un tri préalable par un expert, basée sur des mots-clés fournis par le Recourant, renforce cette conclusion (consid. 4.4).
- Toutefois, les juges de Mon-Repos ont estimé que certaines données contenant des mots-clés retenus à l'Annexe 1 «en raison d'une orthographe légèrement différente» ou des données ne comportant «pas exactement le mot-clé retenu mais [qui] concernaient néanmoins le même objet» n'auraient pas dû faire l'objet d'une levée des scellés (consid. 4.5.3).
- Notre Haute Cour a retenu qu'il découlait du devoir de collaboration du Recourant de produire des mots-clés aussi précis et exhaustifs que possible de manière à identifier les données rattachées à sa sphère strictement privée. Toutefois, il appartenait au TMC de justifier les raisons qui l'avaient amené à se distancer des mots-clés précédemment acceptés et qui étaient listés à l'Annexe 1, respectivement à lever les scellés sur des données pourtant en lien étroit avec les mots-clés retenus, sachant qu'une orthographe ou une casse différente ne constituaient pas, à elles seules, des motifs suffisants pour exclure le maintien des scellés sur les données en question (consid. 4.5.3).
- Enfin, le Tribunal fédéral a relevé que les échanges entre le Recourant et des avocats ou notaires, dont certains semblaient effectivement avoir été consultés pour une problématique entrant dans le champ des activités typiques de la profession, étaient a priori protégés par le secret professionnel. Dès lors, la protection était justifiée bien que le Recourant n'avait pas précisément indiqué le nom des professionnels dans le cadre de ses déterminations antérieures au tri (consid. 4.6).
- Partant, le recours a été partiellement admis.
II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE
III. Droit international privÉ
IV. ROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE
TF 5A_376/20242 du 6 novembre 2024 | Calcul des sûretés après une suspension de faillite pour faute d'actifs et en présence d'immeubles grevés d'un gage (art. 230 al. 2 LP)
- Le 26 septembre 2023, le Kantonsgericht de Zoug n'a pas accordé le sursis concordataire définitif à la société C. SA et a ouvert une procédure de faillite à son encontre. Ceci a été confirmé par l'Obergericht du canton de Zoug («Cour suprême»).
- Le 15 février 2024, le Konkursamt («Office des faillites») a publié dans la Feuille officielle suisse du commerce («FOSC») la suspension de la procédure de faillite de C. SA, faute d'actifs, à compter du 8 février 2024, à moins qu'un créancier n'en demande l'exécution dans les dix jours et ne verse des sûretés à hauteur de CHF 200'000.- pour couvrir les frais.
- Le 23 février 2024, deux créancières, A. SA et B. SA («Recourantes»), ont fait recours contre cette décision auprès de la Cour suprême en demandant l'annulation de la décision publiée dans la FOSC, la réduction de des sûretés à CHF 0.- ou au maximum à CHF 12'000.- et l'effet suspensif.
- Le 27 février 2024, la Cour suprême a accordé l'effet suspensif au recours.
- Le 4 juin 2024, la Cour suprême a partiellement admis le recours et a fixé les sûretés dans la procédure de faillite de C. SA à CHF 100'000.-.
- Le 14 juin 2024, les Recourantes ont interjeté un recours au Tribunal fédéral.
- Les Recourantes ont notamment reproché à la Cour suprême d'avoir fait preuve d'un pouvoir d'appréciation erroné concernant la fixation des sûretés pour couvrir les frais (consid. 5.1).
- Au sens de l'art. 230 al. 2 LP, la sûreté doit être fixée à un niveau qui permette en principe de couvrir tous les frais futurs, y compris ceux qui ne peuvent pas être évalués plus précisément.
- La jurisprudence ajoute que seul l'exercice contraire à la loi du pouvoir d'appréciation, c'est-à-dire l'excès, l'insuffisance ou l'abus du pouvoir d'appréciation peut être invoqué devant le Tribunal fédéral. Si l'on tient compte de frais qui, selon le sens et l'esprit de la loi, ne doivent pas être pris en compte dans le calcul, il y a violation de la loi (consid. 5.2).
- La jurisprudence précise par ailleurs qu'à teneur de l'art. 230 al. 2 LP, les frais à prendre en compte comprennent, en principe, aussi les frais (émoluments et dépenses) de réalisation des actifs de la faillite. Toutefois, il y a des particularités, notamment les biens grevés d'un droit de gage. Ils ne sont versés dans la masse en faillite que sous réserve du droit de préférence garanti aux créanciers gagistes (art. 198 LP). En conséquence, une réglementation spéciale s'applique: les frais d'inventaire, d'administration et de réalisation des objets mis en gage sont couverts en premier lieu par leur produit (art. 262 al. 2 LP et art. 85 OAOF) et ne peuvent être mis à la charge de la masse en faillite (consid. 5.2).
- Enfin, aux termes de l'art. 39 al. 1 OAOF, l'office, au moment où il examine si le produit des biens inventoriés suffit à couvrir les frais d'une liquidation ordinaire (art.231, 1er, ch. 1, LP), doit prendre en considération que seul le surplus éventuel de la réalisation des biens remis en gage servira à couvrir les frais généraux de la faillite (art.262 LP).
- Les règles de prise en charge des frais de l'art. 262 LP doivent donc être respectées lors de la fixation du montant des sûretés selon l'art. 230 al. 2 LP, car les frais non couverts par la masse en faillite qui peuvent entraîner la suspension de la faillite sont du même montant qui doit être garanti pour obtenir malgré tout la mise en Suvre de la procédure de faillite (sommaire) (consid. 5.2).
- Les frais de réalisation des objets mis en gage ne doivent pas être pris en compte lors de la fixation du montant des sûretés (art. 230 al. 2 LP). Le fait que la décision s'adresse à tous les créanciers, donc également aux créanciers gagistes, ne change rien à ce qui précède (consid. 5.2).
- In casu, notre Haute Cour a constaté qu'il existe effectivement des droits de gage sur des biens immobiliers en Allemagne ou du moins qu'ils existaient. Toutefois, faute d'informations plus précises, il n'était pas clair dans quelle mesure cela était encore le cas actuellement (consid. 5.3).
- Au sujet des frais d'avocats, les juges de Mon-Repos ont jugé qu'il ne ressortait pas des considérations de l'instance précédente quelle part des frais était liée à l'administration et à la réalisation des objets mis en gage et quelle part devait être attribuée aux frais généraux de la faillite. Cela dépendait à la fois du but poursuivi par les prestations juridiques et de l'état des immeubles encore grevés d'un gage (consid. 5.3).
- Ainsi, le Tribunal fédéral a retenu que faute de constatations plus précises des faits, il ne pouvait pas juger quelle partie des frais d'avocat, estimés à CHF 135'000.-, ne devait pas être prise en compte dans le calcul des sûretés conformément à l'art. 230 al. 2 LP (consid. 5.3).
- Dès lors, l'arrêt attaqué devait être annulé sur ce point et l'affaire renvoyée à la Cour suprême pour nouvelle décision (consid. 5.3).
- Partant, le recours a été partiellement admis.
TF 4A_387/2024 du 24 octobre 2024 | Mainlevée définitive en lien avec une créance fiscale zurichoise – documents à produire (art. 165 al. 3 LIFD; art. 80 al. 1 et 2 ch. 2 LP)
- Le 27 octobre 2023, le canton de Zurich («Intimé») a demandé au Kantonsgericht de Zoug la mainlevée définitive dans la poursuite n°xxx de l'Office des poursuites X. contre A. SA («Recourante») pour CHF 33'233,90 plus intérêts et frais de poursuite.
- Le 11 janvier 2024, le Kantonsgericht de Zoug a accordé la mainlevée définitive pour CHF 33'233,90 avec intérêts à 4% sur CHF 30'982,50 depuis le 25 janvier 2023.
- Le 4 juin 2024, l'Obergericht du canton de Zoug a rejeté le recours de la Recourante contre la décision du 11 janvier 2024.
- La Recourante a interjeté un recours au Tribunal fédéral et a demandé que la mainlevée définitive soit refusée à l'Intimé.
- Le recours portait sur les critères pour qualifier un titre de mainlevée définitive, concernant la créance fiscale et les intérêts mis en poursuite par l'Intimé (consid. 3).
- Aux termes de l'art. 80 al. 1 et al. 2 ch. 2 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition. Sont assimilées à des jugements entre autres les décisions des autorités administratives suisses.
- La jurisprudence rappelle que pour satisfaire aux exigences d'une décision de droit administratif, l'acte doit contenir l'engagement individuel et concret du destinataire à fournir une prestation obligatoire (consid. 3.1).
- La décision doit être exécutoire. Sont considérées comme exécutoires les décisions qui ne peuvent plus être attaquées ultérieurement par une voie de droit ordinaire. Ainsi, les décisions de taxation deviennent exécutoires après l'expiration du délai de contestation (consid. 3.1.2).
- Finalement, la jurisprudence indique que pour être reconnue comme titre de mainlevée définitive, la décision doit notamment indiquer l'obligation de paiement du débiteur, son montant ainsi que l'identité du poursuivant avec le créancier et du poursuivi avec le débiteur (consid. 3.1.3).
- In casu, l'instance précédente avait premièrement relevé que l'Intimé fondait sa demande de mainlevée sur plusieurs documents: le premier était un jugement du Verwaltungsgericht du canton de Zurich («Tribunal administratif») concernant l'impôt fédéral direct 2016. Le second était le décompte final du 30 août 2022 pour l'impôt fédéral direct 2016. Le troisième était une confirmation du Tribunal fédéral selon laquelle aucune procédure de recours n'avait été ouverte contre l'arrêt précité du Tribunal administratif (consid. 3.2 ss).
- Deuxièmement, la cour cantonale avait constaté que le décompte final du 30 août 2022 constituait, avec le jugement exécutoire du Tribunal administratif, un titre de mainlevée définitive pour la créance fiscale retenue, conformément à l'art. 80 al. 3 ch. 2 LP (consid. 3.2.4).
- Troisièmement, l'instance précédente avait relevé que dans le canton de Zurich, la procédure de taxation se faisait en deux étapes, la procédure d'estimation et la procédure de perception de l'impôt. Ce mécanisme avait pour conséquence que la décision d'estimation, décision qui clôturait la première étape, ne constituait un titre de mainlevée définitive qu'avec le décompte final, qui clôturait la seconde étape (consid. 3.4.1).
- Quatrièmement, la cour cantonale avait conclu que tant la décision de taxation que le décompte final avaient été valablement notifiés à la Recourante (consid. 3.4.2).
- Cinquièmement, la cour cantonale avait constaté que la décision de taxation était entrée en force, car elle n'avait pas été contestée dans le délai imparti. Ainsi, la décision de taxation, associée au décompte final non contesté, constituait un titre de mainlevée définitive au sens de l'art. 80 al. 2 ch. 2 LP (consid. 3.4.3).
- Finalement, l'instance précédente avait considéré que l'identité du poursuivant avec le créancier et du poursuivi avec le débiteur résultait sans autre du jugement du Tribunal administratif et du décompte final du 30 août 2022 (consid. 3.4.5).
- In casu, le Tribunal fédéral a considéré qu'au vu de ce qui précède, aucune objection pouvait être soulevée au regard de la décision d'accorder la mainlevée définitive à l'Intimé (consid. 3.6).
- Partant, le recours a été rejeté.
TF 5A_557/2024 du 23 octobre 2024 | Rappel de jurisprudence - séquestre et application du principe de la transparence (Durchgriff) (art. 2 al. 2 CC; art. 272 al. 1 ch. 3 LP)
- Le 31 juillet 2023, la Fondation D. («Fondation») et E. ont déposé une requête devant la Juge de paix du district de Lavaux-Oron («Juge de paix»). La Juge de paix a rendu trois ordonnances de séquestre distinctes. Ces ordonnances visaient A., la société B. SA («SA») et la société C.SA («C.SA») (ensemble, «Recourants»). Chacune portait sur une créance de CHF 12'887'741,95, avec intérêts à 5% par an dès le 1er janvier 2009. Elles concernaient 15 objets à séquestrer sur la base de l'art. 271 ch. 4 LP.
- Devant notre Haute Cour, les Recourants ont notamment reproché à la Juge de paix d'avoir fait preuve d'arbitraire (art. 9 Cst.) par la mauvaise application du principe de la transparence («Durchgriff») (consid. 3).
- Conformément à l'art. 271 al. 1 LP, seuls les biens du débiteur, soit les choses et les droits qui lui appartiennent juridiquement peuvent être frappés par un séquestre. En principe, seule l'identité juridique est déterminante en matière d'exécution forcée (consid. 3.1.2).
- Toutefois, dans des circonstances particulières, un tiers peut être tenu des engagements d'un débiteur avec lequel il forme une identité économique, il en va ainsi dans l'application du principe de la transparence (art. 2 al. 2 CC; art. 272 al. 1 ch. 3 LP). Ce principe présuppose (i) qu'il y ait identité des personnes conformément à la réalité économique ou, en tout cas, la domination économique d'un sujet de droit sur l'autre; (ii) il faut ensuite que la dualité soit invoquée de façon abusive pour en tirer un avantage injustifié (consid. 3.1.2).
- La jurisprudence précise à cet égard, qu'il n'y a pas de définition spécifique du «Durchgriff». Pour que la condition d'abus de droit soit remplie, il suffit que la personne morale soit utilisée de manière abusive ou de se prévaloir de manière abusive de la dualité juridique pour ne pas remplir des obligations légales ou contractuelles (consid. 3.1.2).
- In casu, la cour cantonale avait retenu qu'il résultait du dossier que A. était prévenu de gestion déloyale et faux dans les titres. Il lui était notamment reproché d'avoir géré les avoirs de la Fondation sans respecter le cadre du mandat de gestion et de la sorte d'avoir fait subir de lourdes pertes à cette dernière. Par ailleurs, A. avait créé, ou du moins dominait économiquement, plusieurs sociétés y compris B. SA, dont l'actionnariat était composé des membres de sa famille, et C.SA, dont il était l'administrateur. Selon l'instance précédente, ces différents éléments suffisaient à retenir, au stade de la vraisemblance, l'application du principe de la transparence (consid. 3.2).
- Suivant l'avis de l'instance précédente, notre Haute Cour a retenu que le Recourant (A.) formait une unité économique avec les sociétés (B. SA et C. SA) et qu'il s'était prévalu abusivement de la dualité formelle existante avec celles-ci, notamment en vue de se soustraire aux prétentions des intimés (consid. 3.4).
- Dès lors, le Tribunal fédéral n'a retenu aucun arbitraire de la part de la cour cantonale qui avait entièrement fait sien le raisonnement de la Juge de paix (consid. 3.4).
- Partant, le recours a été rejeté.
TF 5A_388/2024 du 1er octobre 2024 | Adjudication par enchères publiques (art. 60 al. 2 ORFI et art. 126 LP)
- L'Office des faillites neuchâtelois était chargé de la liquidation de la succession répudiée de B.
- Par la suite, l'Office des faillites neuchâtelois a délégué à l'Office cantonal des faillites genevois («Office des faillites») la réalisation, par voie d'enchères publiques, d'un bien immobilier appartenant au défunt situé à Genève.
- Le 31 octobre 2023, l'Office des faillites a procédé à la vente aux enchères dudit bien immobilier, estimé à CHF 6'500'000.-. Les conditions de vente stipulaient (art. 14) qu'immédiatement après la troisième criée et avant l'adjudication, l'adjudicataire devait verser un acompte de CHF 1'625'000.- montant pouvant être viré à l'avance sur le compte bancaire de l'Office des faillites. En cas de non-paiement, l'offre devait être considérée comme non avenue et les enchères devaient continuer; puis, l'offre immédiatement inférieure aurait dû être à nouveau criée par trois fois, conformément à l' 60 al. 2 ORFI. Si aucun autre enchérisseur ne surenchérissait, l'immeuble était adjugé à l'avant-dernier enchérisseur, lequel restait lié par son offre tant que l'immeuble n'était pas adjugé à un montant supérieur.
- Après une offre de A. («Recourant»), seule C. SA a continué d'enchérir contre lui et a obtenu le droit à l'adjudication de l'immeuble, après avoir surenchéri à une ultime offre de CHF 6'100'000.- faite par le Recourant. Toutefois, C. SA n'a pas été en mesure de verser l'acompte, contrairement au Recourant. Par conséquent, l'Office des faillites a adjugé l'immeuble au Recourant pour le montant de CHF 6'100'000.-.
- Par courrier du 31 octobre 2023, l'Office des faillites a fixé au Recourant un délai au 5 janvier 2024 pour régler le solde du prix.
- Par décision du 31 mai 2024, la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté la plainte formée le 10 novembre 2023 par le Recourant contre le procès-verbal d'adjudication.
- Le 17 juin 2024, le Recourant a interjeté un recours au Tribunal fédéral.
- Devant notre Haute Cour, le Recourant a notamment invoqué la violation desart. 60 al. 2 ORFIet 126 LP (consid. 6).
- Le Tribunal fédéral a rappelé que, lorsque les biens immobiliers de la masse en faillite sont réalisés aux enchères publiques (art. 256 al. 1 LP), l'administration de la faillite fixe les conditions des enchères selon l'usage des lieux et de manière à obtenir le produit de réalisation le plus élevé possible, dans l'intérêt des créanciers et du débiteur (art. 134 al. 1 LP).
- Ces conditions restent déposées au moins dix jours avant les enchères au bureau de l'office, où toute personne intéressée peut en prendre connaissance (art. 134 al. 2cum259 LP). Cependant, aucune disposition de droit fédéral n'impose à l'administration de la faillite de lire ces conditions lors des enchères (consid. 6.2.1).
- En outre, l'administration de la faillite est tenue de proclamer immédiatement l'adjudication en faveur de l'enchérisseur ayant fait l'offre la plus élevée (art. 60 al. 1 ORFI). Si le paiement n'est pas effectué dans le délai imparti, l'adjudication est révoquée et l'administration de la faillite ordonne immédiatement de nouvelles enchères (art. 143 al. 1LP cum 259 LP).
- Selon l'art. 45 al. 1 let. e ORFI, lorsque le paiement en espèces ou la fourniture des sûretés doit avoir lieu pendant la vente, les conditions doivent prévoir que l'adjudication soit subordonnée à cette obligation. Dans ce cadre, l'enchérisseur reste lié par son offre tant que l'immeuble n'a pas été adjugé à un enchérisseur suivant, qui a satisfait aux conditions. Ainsi, l'immeuble ne sera adjugé qu'après le paiement ou que les sûretés aient été fournies. A défaut, les enchères sont continuées, l'offre immédiatement inférieure sera à nouveau criée trois fois et l'immeuble sera adjugé (consid. 6.2.2).
- In casu, notre Haute Cour a constaté que les enchères s'étaient déroulées conformément aux conditions générales de vente, lesquelles respectaient les exigences desart. 45 al. 1 let. e et 60 al. 2 ORFI. Les conséquences de ce système, qui peuvent conduire à l'adjudication de l'immeuble à un montant supérieur à celui qu'il aurait dû offrir si un concurrent, qui se révèle en fin de compte incapable de prester une avance, n'était pas intervenu, étaient transparentes et connues du Recourant (consid. 6.3).
- Les juges de Mon-Repos ont retenu que l'interprétation donnée par le Recourant selon laquelle l'«offre immédiatement inférieure», était la dernière offre avant toutes celles de l'enchérisseur défaillant, ne trouvait aucun appui dans le système des enchères forcées prévu par la LP et l'ORFI. Les conditions générales de vente visaient à obtenir le meilleur prix pour le débiteur et les créanciers, et non pour les enchérisseurs (consid. 6.3).
- In fine, le Tribunal fédéral a considéré que l'argument relatif au prix d'adjudication artificiellement élevé relevait de l'art. 230 CO, qui constitue le moyen de protection des enchérisseurs. Dès lors, le grief de violation desart. 60 ORFIet 126 LP devait être rejeté (consid. 6.3).
Partant le recours a été rejeté.
V. ENTRAIDE INTERNATIONALE
TF 1C_620/2024 du 7 novembre 2024 |
Entraide pénale avec les Pays-Bas –
irrecevabilité du recours
(art. 84 LTF)
- Le Ministère public de la Confédération («MPC») a mené une enquête pour corruption d'agents publics étrangers au sens de l'art. 322septies CP contre des auteurs inconnus dans l'entourage de C. et/ou contre des responsables de D. SA qui n'ont pas encore été définitivement identifiés. Parallèlement, le Parquet de Rotterdam a mené une enquête contre B. Ltd («Recourante») et D. SA pour corruption de fonctionnaires et participation à une organisation criminelle.
- Le 3 novembre 2023, le Parquet de Rotterdam a demandé à la Suisse la transmission de documents relatifs à deux comptes ouverts au nom de la Recourante auprès de E. SA.
- Le 15 janvier 2024, le MPC est entré en matière sur la demande et a obtenu les documents bancaires demandés. Puis, le 8 juillet 2024, il a ordonné la remise des documents bancaires aux autorités néerlandaises dans le cadre de l'entraide judiciaire.
- Le 15 octobre 2024, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a rejeté le recours interjeté par la Recourante contre cette décision.
- Le 25 octobre 2024, la Recourante a interjeté un recours auprès du Tribunal fédéral.
- Aux termes de l'art. 84 al. 1 LTF, le recours contre une décision rendue en matière d'entraide pénale internationale n'est recevable que s'il a pour objet, notamment, la transmission de renseignements concernant le domaine secret et s'il concerne un cas particulièrement important (consid. 2.1).
- Un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves (art. 84 al. 2 LTF) (consid. 2.1).
- In casu, notre Haute Cour a reconnu qu'il s'agissait bel et bien de la transmission d'informations relevant du domaine secret et pour lequel le recours est possible au sens de l'art. 84 al. 1 LTF (consid. 2.2).
- Toutefois, le Tribunal fédéral a estimé qu'il ne s'agissait pas d'un cas particulièrement grave (consid. 2.3).
- La Recourante a premièrement fait valoir que son siège n'avait jamais été à Amsterdam, ce qui rendrait les Pays-Bas incompétents pour la poursuite pénale. La Recourante y voyait un grave vice au sens de l'art. 84 al. 2 LTF (consid. 2.3.1).
- Le Tribunal fédéral a toutefois rappelé que l'entraide ne peut être refusée que si l'État requérant a affirmé sa compétence de manière arbitraire (consid. 2.3.1).
- In casu, notre Haute Cour a jugé que, bien que la Recourant n'ait jamais eu son siège aux Pays-Bas, plusieurs points de rattachement usuels existaient. Selon la décision attaquée, l'autorité requérante était partie du principe que les actes de corruption avaient eu lieu en République démocratique du Congo, en Suisse, au Royaume-Uni, aux États-Unis et/ou aux Pays-Bas (consid. 2.3.1).
- Dès lors, le Tribunal fédéral a conclu qu'il n'existait aucun indice laissant penser que l'État requérant avait affirmé sa compétence de manière arbitraire (consid. 2.3.1).
- La Recourante a ensuite invoqué la sensibilité de la procédure d'un point de vue politique. En effet, elle a affirmé que la République démocratique du Congo avait, le 24 février 2022, décidé de renoncer à toute poursuite à son encontre, en échange de la restitution de l'ensemble des droits et licences d'une valeur de deux milliards de dollars (consid. 2.3.2).
- In casu, le Tribunal fédéral a précisé que la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 («CEEJ»), applicable entre la Suisse et les Pays-Bas, ne prévoyait pas de refus d'entraide judiciaire fondée sur le principe du «ne bis in idem». Bien que la Suisse ait émis une réserve à l'art. 2 CEEJ, cette «disposition [étant] potestative», selon la jurisprudence, cette réserve n'empêche pas une entraide judiciaire (consid. 2.3.2).
- La Recourante s'est enfin référée
à un accord entre C. et le gouvernement congolais ainsi
qu'à des articles de presse. Néanmoins, le
Tribunal fédéral a considéré que le
contenu de cet accord ne ressortait pas clairement des
allégations. Dans ce contexte, il appartenait à
l'État requérant d'appliquer le principe
«ne bis in idem» et de renoncer à la
demande de renvoi de l'affaire pour obtenir
une confirmation (consid. 2.3.2).
- Partant, le recours a été déclaré irrecevable.
Footnotes
1. Arrêt destiné à publication
2. Arrêt destiné à publication.
The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.