CURATED
13 August 2025

NEWSLETTER Du 23 Juin Au 11 Juillet 2025 | N° 108

MB
Monfrini Bitton Klein

Contributor

Based in Geneva, but borderless in its reach, Monfrini Bitton Klein is a litigation-only Swiss law firm, internationally recognised for asset recovery, business crime and cross-border litigation. We are representatives for Switzerland of ICC-FraudNet, the leading global network of fraud and asset recovery lawyers.
Désignation insuffisamment précise du Ministère public de documents lors d'une mise sous scellés empêchant l'invocation d'un secret digne de protection [p. 2]...
Switzerland Criminal Law

NEWSLETTER du 23 juin au 11 juillet 2025 | n° 108

I. ProcÉdure pÉnale

TF 7B_1253/2024

Désignation insuffisamment précise du Ministère public de documents lors d'une mise sous scellés
empêchant l'invocation d'un secret digne de protection [p. 2]

II. Droit pÉnal ECONOMIQUE

TF 6B_669/2023

Corruption d'agents publics
étrangers par le dirigeant effectif d'un groupe de sociétés en vue de l'obtention de droits miniers et créance compensatrice non justifiée en l'absence de paper-trail [p. 3]

III. Droit international privÉ

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IV. Droit de la poursuite et de la faillite

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V. entraide internationale

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Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (assetrecovery).

Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide internationale.

I. PROCÉDURE PÉNALE

TF 7B_1253/2024 du 10 juin 2025 |  Désignation insuffisamment précise du Ministère public de documents lors d'une mise sous scellés empêchant l'invocation d'un secret digne de protection (art. 264 al. 1 let. a et d CPP)

  • Le Staatsanwaltschaft III zurichois (« Ministère public ») a mené une enquête pénale contre B. pour avoir, en tant qu'administrateur unique et gérant de D. Ltd., vendu, par l'intermédiaire de cette société, plusieurs filiales, à des sociétés qu'il contrôlait, à des prix non conformes à ceux du marché, ces faits étant constitutifs à tout le moins de gestion déloyale qualifiée multiple (art. 158 ch. 1 al. 2 CP).
  • Le 20 août 2024, des perquisitions ont été effectuées au domicile de B. ainsi que dans les locaux de différentes sociétés dont A. SA
    Recourante »). Divers documents, en support électronique et physique, ont été saisis et la mise sous scellés a été requise en invoquant le secret professionnel de l'avocat.
  • Le 10 octobre 2024, le Zwangsmassnahmengericht zurichois (« Tribunal des mesures de contrainte ») a accordé la levée des scellés dans la mesure où il a autorisé le Ministère public à examiner et à utiliser les pièces à conviction physiques.
    En revanche, les supports électroniques n'ont été remis qu'après tri afin de séparer les données protégées par le secret professionnel de l'avocat. La Recourante a formé recours au Tribunal fédéral contre cette décision.
  • Devant notre Haute Cour, la Recourante a notamment invoqué la violation de l'art. 264 al. 1 let. a et d CPP ainsi que de son droit d'être entendue (art. 3 al. 2 let. c CPP, art. 29 al. 2 Cst.) (consid. 2.3).
  • L'article 264 al. 1 let. a et d CPP fixe les limites de la levée des scellés notamment vis-à-vis de la correspondance entre un prévenu et son défenseur. Selon la jurisprudence, il incombe au détenteur des objets et enregistrements saisis à des fins de perquisition de justifier de manière suffisante dans le cadre de la procédure de levée des scellés (art. 248 CPP) les intérêts au secret invoqués dans la demande de mise sous scellés. L'obligation de coopération n'est pas une fin en soi, mais vise à permettre au tribunal des mesures de contrainte de procéder à un triage approprié et ciblé. En ce qui concerne l'invocation du secret professionnel, la jurisprudence fédérale retient qu'il suffit d'indiquer l'emplacement des fichiers protégés par le secret ainsi que les noms des avocats lorsqu'il s'agit de supports électroniques. Pour les documents physiques, il convient de se référer aux différentes rubriques de la liste des documents saisis (consid. 2.3.2).
  • Le droit à une consultation du dossier afin de justifier d'éventuels intérêts au secret ne doit être accordée qu'avec retenue. Ce n'est que si la personne concernée justifie de manière compréhensible pourquoi elle ne serait pas en mesure, sans examen a posteriori des documents et objets saisis, de prouver de manière suffisante ses intérêts au maintien du secret qu'un accès complet peut être admis (consid. 2.3.3).
  • In casu, des documents en vrac provenant d'un coffre-fort et onze classeurs fédéraux avaient été saisis au siège de la Recourante (consid. 2.4).
  • S'agissant des classeurs fédéraux, ils étaient identifiables (« Corporate file ») dans la demande de levée des scellés et indiquaient à quelle société ils faisaient référence. Ainsi, comme l'a fait valoir le Ministère public, le Tribunal fédéral a retenu que ces désignations étaient suffisantes pour que la Recourante fournisse des indications plus précises sur l'emplacement des documents prétendument couverts par le secret professionnel. Compte tenu notamment du volume limité des dossiers physiques, notre Haute Cour a retenu que la Recourante devait être en mesure de satisfaire à son obligation de coopération sans qu'il soit nécessaire de lui accorder, après la saisie, un accès complet au dossier (consid. 2.4.1).
  • En revanche, s'agissant des documents en vrac provenant du coffre-fort, notre Haute Cour n'a pas retenu le même raisonnement. Ces derniers ne comportant aucune désignation supplémentaire, il était impossible pour la Recourante de préciser l'emplacement des documents potentiellement soumis au secret professionnel. Or, puisque l'instance précédente avait bel et bien reconnu le caractère digne de protection des relations entre le prévenu et son défenseur, elle aurait dû procéder à un tri des documents provenant du coffre-fort (consid. 2.4.3).
  • Partant, le recours a été partiellement admis sur ce point (consid. 3).

II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

TF 6B_669/20231 du 24 mars 2025 | Corruption d'agents publics étrangers par le dirigeant effectif d'un groupe de sociétés en vue de l'obtention de droits miniers – créance compensatrice non justifiée en l'absence de paper-trail (art. 322septies CP)

  • Le groupe B.B. (« Groupe ») était composé d'un certain nombre de sociétés actives dans différents secteurs, à savoir les ressources naturelles, l'immobilier, les marchés des capitaux et les diamants.
    Dès 2005, le Groupe s'est intéressé aux gisements de fer à V. et a commencé à échanger avec les autorités du pays – notamment avec le Président – afin de négocier un protocole d'accord pour l'obtention de droits miniers.
  • A. (« Recourant ») était le premier bénéficiaire de tous les avoirs et revenus des fondations qui détiennent le Groupe. Officiellement, il n'exerçait aucune fonction dirigeante ou administrative dans aucune des sociétés du Groupe et affirmait revêtir un rôle de conseil et d'ambassadeur à l'égard des tiers. Toutefois, plusieurs éléments tendaient à démontrer que son rôle était en réalité celui d'un dirigeant effectif.
  • Par jugement du 22 janvier 2021, le Tribunal correctionnel de Genève a déclaré le Recourant coupable de corruption d'agents publics étrangers (art. 322septies CP) et de faux dans les titres s'agissant d'un certificat d'actions (art. 251 cum art. 255 CP). Ce dernier a également été condamné à une peine privative de liberté de 5 ans ainsi qu'au paiement d'une créance compensatrice en faveur de l'Etat de Genève pour un montant de CHF 50 millions.
    Par devant la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise (« Cour de justice »), l'appel du Recourant a été très partiellement admis sur la question de la créance compensatrice et la peine privative de liberté a été réduite. Un recours a été interjeté au Tribunal fédéral contre cette décision.
  • Devant notre Haute Cour, le Recourant a soulevé plusieurs griefs, notamment (i) l'inexploitablité des déclarations d'un « témoin de la couronne », (ii) l'incompétence des autorités pénales suisses pour le juger dans la présente cause, (iii) la distinction à opérer entre le trafic d'influence et la corruption, ainsi que (iv) la contestation de la créance compensatrice de CHF 50 millions prononcée à son encontre.
  • Premièrement, le Recourant a contesté l'exploitabilité des déclarations d'un « témoin de la couronne » (consid. 2).
  • L'institution du « témoin de la couronne » constitue l'admission, comme moyen de preuve, du témoignage d'un co-auteur qui, en échange d'une promesse d'exemption de peine ou de tout autre avantage procédural, accepte de témoigner contre ses co-prévenus (consid. 2.1.1).
  • Contrairement à l'avis du législateur suisse, le Tribunal fédéral a jugé que rien ne s'opposait, dans un procès pénal se déroulant en Suisse, à ce que l'autorité de jugement prenne en considération, pour former son opinion, des dépositions émanant d'auteurs d'infractions qui, ayant reconnu leurs crimes et s'étant engagés à collaborer avec l'autorité pour établir les faits pouvant mettre en cause d'autres auteurs, avaient bénéficié, de la part de l'autorité étrangère, d'un traitement favorable en raison de cette collaboration (consid. 2.1.1).
  • La Cour européenne des droits de l'homme estime que l'utilisation de déclarations faites par des témoins en échange d'une immunité ou d'autres avantages ne suffit pas en elle-même à rendre le procès inéquitable. Il faut dans ce cas rechercher notamment : si la défense a eu connaissance de l'identité du témoin; si elle a eu connaissance de l'existence d'un arrangement avec l'accusation; si le juge interne a contrôlé cet arrangement; s'il a tenu compte de tous les avantages dont le témoin a pu bénéficier; si l'arrangement a été débattu à l'audience; si la défense a eu la possibilité d'interroger le témoin; si elle a eu la possibilité d'interroger les membres impliqués de l'équipe de l'accusation; si le juge interne était conscient des écueils qu'il y avait à s'appuyer sur le témoignage d'un complice; s'il a abordé ce témoignage avec prudence; s'il a expliqué en détail pourquoi il croyait le témoin; s'il existait des éléments solides corroborant ce témoignage; si une juridiction d'appel a contrôlé les conclusions du juge de première instance sur le témoin; et si la question a été examinée par toutes les juridictions saisies des différents recours (consid. 2.1.2).
  • In casu, D., épouse du Président, avait conclu un « accord de témoin » avec les autorités américaines en vue d'obtenir une immunité de poursuite. Le Recourant, malgré plusieurs demandes, n'avait pas été informé des conditions de cet accord. Cependant, il connaissait l'identité et la situation personnelle de D., il avait eu connaissance de l'existence d'un arrangement avec les autorités pénales américaines et en connaissait les grandes lignes, les déclarations ne constituaient pas une preuve à charge unique, le Recourant avait eu la possibilité de poser des questions écrites par voie de commission rogatoire et, enfin, le juge était conscient du statut de
    « cooperating witness » dont bénéficiait D. et avait apprécié la crédibilité de son témoignage avec prudence. Au vu de l'ensemble de ces circonstances, le Tribunal fédéral a confirmé que la Cour de justice n'avait violé ni le droit fédéral ni le droit conventionnel en tenant compte, dans l'établissement des faits, des informations fournies par D. malgré son statut de « témoin de la couronne »
    (consid. 2.1.3).
  • Deuxièmement, le Recourant a contesté la compétence répressive des autorités pénales suisses
    (consid. 8).
  • L'article 3 CP consacre le principe de territorialité selon lequel la compétence pour connaître d'une infraction appartient à l'Etat sur le territoire duquel cette dernière a été commise. Quant à
    l'article 8 al. 1 CP, il définit le lieu de commission en mettant sur un pied d'égalité le lieu de l'acte et de survenance du résultat. En cas de corruption d'agents publics étrangers au sens de l'art. 322septies CP, l'acte est localisable en Suisse notamment lorsque le corrupteur offre, promet ou octroie un avantage indu en Suisse à un agent public étranger. Il en va de même lorsque le corrupteur donne à un intermédiaire sis en Suisse un ordre de virer des fonds vers un compte détenu à l'étranger par l'agent public étranger (consid. 8.2).
  • In casu, notre Haute Cour a retenu que l'administratrice du Groupe (cf. 6B_656/2023), qui agissait principalement depuis ses bureaux à Genève sans jamais s'être rendue sur place, avait joué un rôle déterminant dans l'entreprise de corruption du Président visant à obtenir son assistance dans l'obtention de droits miniers. La participation de l'administratrice ne relevait donc pas d'une simple complicité mais bien d'un acte de coactivité. Dès lors, les actes qu'elle avait commis depuis la Suisse suffisaient à fonder la compétence des autorités suisses à l'égard de l'ensemble des coauteurs, y compris du Recourant, en sa qualité de dirigeant effectif du Groupe. En outre, un critère de rattachement supplémentaire à la compétence répressive suisse reposait sur le virement effectué sur instruction du Recourant depuis un compte bancaire suisse en faveur de l'épouse du Président. Ainsi, la compétence territoriale suisse était donnée (consid. 8.2 à 8.5.3).
  • Troisièmement, le Recourant a reproché à la Cour de justice d'avoir écarté la thèse du trafic d'influence au profit de la corruption (consid. 10).
  • Le trafic d'influence est une relation triangulaire dans laquelle une personne dotée d'une influence réelle ou supposée sur une personne exerçant une charge publique, « échange » cette influence contre un avantage fourni par un particulier. Le législateur suisse a renoncé à incriminer le trafic d'influence (consid. 10.1).
  • In casu, D., l'épouse du Président, n'avait concrètement fourni aucune contre-prestation en échange des avantages indus et ne revêtait pas la qualité d'agent public. Ce grief a donc également été écarté par le Tribunal fédéral (consid. 10.1 cum 10.2).
  • Quatrièmement, le Recourant a contesté la créance compensatrice de CHF 50 millions en violation des articles 70 et 71 CP (consid. 14).
  • Selon l'article 70 al. 1 CP, le juge prononce la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits. Or, lorsque les valeurs patrimoniales à confisquer ne sont plus disponibles, le juge ordonne leur remplacement par une créance compensatrice de l'État d'un montant équivalent (art. 71 al. 1 CP). La jurisprudence précise que les valeurs patrimoniales résultant d'un acte juridique conclu au moyen d'un pacte de corruption peuvent faire l'objet d'une confiscation (consid. 14.1).
  • In casu, la Cour de justice avait confirmé le montant de la créance compensatrice en faveur de l'Etat de Genève – fixée en première instance à CHF 50 millions – sur la base du joint-venture vraisemblablement rendu possible par l'entreprise de corruption, grâce auquel le Recourant se serait enrichi à hauteur de USD 135 millions (consid. 14.2).
  • Notre Haute Cour a rappelé que la confiscation supposait l'existence d'un lien de causalité, lequel faisait défaut lorsqu'il fallait admettre que le contrat aurait été conclu même en l'absence de pot-de-vin. Bien que la Cour de justice ait tenté de retracer le paper trail des fonds issus de l'infraction de corruption, elle n'a pas été en mesure de démontrer le cheminement des fonds, ni d'établir que les
    USD 135 millions correspondaient au produit net de la corruption. Le Tribunal fédéral a également relevé que la Cour de justice n'avait pas motivé les éléments justifiant la fixation de la créance compensatrice à CHF 50 millions. Ainsi, le Tribunal fédéral a admis le recours sur ce point et renvoyé la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision
    (consid. 14.3).
  • Partant, le recours a été partiellement admis.

III. Droit international privÉ

IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

ENTRAIDE INTERNATIONALE

Footnote

1. Voir également, sur le même complexe de faits, les arrêts 6B_655/2023, 6B_656/2023, 6B_657/2023, 6B_463/2024 et 6B_983/2024 du 24 mars 2025.

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