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12 August 2025

G1/24, Épisode N°2 : La Décision Qui Laisse Les Chambres De Recours Décider…

Dans sa décision G1/24 rendue en juin 2025, la Grande Chambre de recours de l'OEB a décidé qu'il fallait toujours « consulter » la description d'un brevet pour interpréter des revendications aux fins de l'appréciation de la brevetabilité.
France Intellectual Property

Dans sa décision G1/24 rendue en juin 2025, la Grande Chambre de recours de l'OEB a décidé qu'il fallait toujours « consulter » la description d'un brevet pour interpréter des revendications aux fins de l'appréciation de la brevetabilité. En revanche, la Grande Chambre de recours a refusé de prendre position sur les règles à appliquer pour ignorer une définition d'un terme revendiqué qui est fournie dans la description d'un brevet.

Dans notre article précédent commentant cette décision, nous nous montrions critiques sur cette absence de réponse et nous interrogions sur ses conséquences.

Depuis juin, différentes chambres de recours ont été amenées à appliquer la décision G1/24. Ces applications sont riches d'enseignements.

Suite de l'affaire T0439/22, à l'origine de la décision G1/24

Dans l'affaire T 0439/22 la chambre de recours 3.5.06 s'était demandé comment interpréter l'expression « feuille rassemblée » (gathered sheet) revendiquée dans le brevet EP3076804. Le titulaire prétendait qu'il fallait lui attribuer le sens communément utilisé dans le domaine considéré, auquel cas l'invention serait nouvelle ; l'opposant estimait qu'il fallait plutôt utiliser la définition de ce terme fournie dans la description du brevet, de portée plus large, auquel cas l'invention ne serait pas nouvelle.

C'était pour obtenir une réponse à cette question que la chambre avait interrogé la Grande Chambre de recours, saisine qui s'est conclue par la décision G1/24.

Une fois que la Grande Chambre de recours a rendu sa décision, la chambre de recours 3.5.06 a repris ses travaux. Dans un avis rendu le 4 juillet 2025, elle conclut provisoirement «qu'il n'y pas de raison de rejeter la définition fournie dans la description, étant donné qu'elle est plus large mais reste techniquement pertinente».

Ainsi, non seulement la chambre a consulté la description du brevet (comme le lui impose la décision G1/24), mais elle choisit d'utiliser son contenu pour interpréter l'expression litigieuse.

Toutefois, le caractère large de la définition fournie dans la description du brevet a manifestement conditionné ce choix. Autrement dit, la chambre ne semble pas avoir considéré que «consulter la description» lui impose automatiquement de retenir une définition qu'elle contient.

On peut en particulier se demander si la chambre aurait appliqué le même principe si d'aventure la définition fournie dans la description avait été plus étroite que la définition communément admise dans le domaine considéré.

Décision T1561/23 rendue le23 juin 2025

Dans cette décision, la chambre de recours 3.5.06 a été amenée à interpréter des termes revendiqués jugés ambigus. Conformément aux préceptes de la décision G1/24, la chambre a «consulté» la description du brevet, et a constaté qu'aucune définition n'y était fournie pour les termes en discussion.

Ainsi, il n'y avait pas, dans cette affaire, de conflit apparent entre plusieurs définitions.

Néanmoins, cette décision apporte un éclairage intéressant sur le sens et la portée la décision G1/24, en indiquant ce qui suitaux points 2.9 et 2.10:

La décision G 1/24 ne définit pas ce que signifie, dans un cas particulier, se référer à la description et aux dessins, mais renvoie à cet égard à la jurisprudence des chambres de recours (cf. par exemple G 1/24, point 10). La décision G 1/24 n'exige même pas expressément que la définition d'un terme figurant dans la description soit obligatoirement utilisée pour l'interprétation d'une revendication.

Ici, la chambre indique clairement qu'elle aurait pu se réserver la possibilité d'ignorer une définition fournie dans la description.

Décision T1999/23 rendue le 18 juillet 2025

Dans cette affaire, la chambre 3.4.02 devait interpréter le terme Anregungsfläche (surface d'excitation) revendiqué dans le brevet EP3086087. Pour l'opposant, il fallait interpréter ce terme de manière large, en se fondant sur une définition usuelle pour l'homme du métier. Pour le titulaire, il fallait plutôt utiliser une définition plus étroite, fournie dans la description du brevet.

La chambre a décidé de retenir la définition usuelle (la plus large): elle a donc écarté la définition fournie dans la description du brevet.

Pour motiver cette décision, la chambre s'appuie sur un principe dégagé par la jurisprudence antérieure à la décision G1/24, selon lequel «une définition restrictive dans la description ne peut pas être utilisée pour restreindre une revendication dont le libellé est clair et plus large». Elle rappelle que ce principe a été établi pour assurer aux tiers une sécurité juridique.

Pour la chambre, la décision G1/24 n'interdit pas de s'appuyer sur cette jurisprudence antérieure.

En définitive, la chambre de recours 3.4.02 a consulté la description du brevet en discussion, mais considéré qu'elle n'était pas tenue par la décision G1/24 d'en appliquer le contenu.

Conclusion

Les décisions discutées ci-dessus tendent toutes à adopter le principe selon lequel «consulter la description» n'impose pas d'utiliser la définition d'un terme figurant dans la description, pour l'interprétation d'une revendication.

De notre point de vue, ces prises de position sonnent comme des critiques larvées de la décision G1/24, et en soulignent le caractère superficiel.

De plus, en cherchant à apporter des réponses concrètes au problème du conflit entre une définition fournie dans la description du brevet pour un terme revendiqué et une autre définition utilisée, ces décisions semblent converger vers une solution commune consistant à sélectionner la définition la plus large, donc la plus défavorable au titulaire du brevet.

Selon nous, cette solution a le mérite d'être simple et claire, et d'assurer une certaine sécurité juridique dans le cadre de la procédure d'opposition.

Nous verrons à l'avenir si cette tendance se confirme dans d'autres décision prises par des chambres de recours de l'OEB.

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