L'employeur peut-il trouver dans un fait relevant de la vie privée du salarié un motif de licenciement ? La réponse sur le principe est assurément affirmative mais la voie est étroite.
Ainsi, un licenciement pour faute est possible si le comportement du salarié caractérise un manquement à une obligation découlant du contrat de travail ou s'il se rattache à la vie professionnelle du salarié. A défaut un licenciement pour motif non disciplinaire est possible à condition que le comportement du salarié ait occasionné un trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise.
En pratique, le fondement même du licenciement n'est pas toujours facilement identifiable et les conditions de mise en Suvre sont appréciées très strictement.
Récemment, la Cour de cassation* a jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute d'une salariée, à qui il était reproché d'avoir, dans le cadre d'une croisière organisée par son employeur, au mépris des règles de sécurité applicables à bord du bateau, fumé le narguilé dans sa cabine, en présence d'une autre salariée de l'entreprise enceinte, et obstrué le détecteur de fumée.
L'employeur soutenait que les faits se rattachaient à la vie professionnelle de la salariée en raison d'un manquement aux règles de sécurité mettant en danger les 130 autres salariés présents, caractérisaient également une violation de son obligation de sécurité et un trouble objectif compte tenu des frais de rapatriement et de l'atteinte portée à l'image de la société.
La Cour approuve les juges du fond qui ont retenu que lors des faits, la salariée ne se trouvait ni au temps ni au lieu de travail, n'était dès lors soumise à aucun lien de subordination ni aux règles en vigueur au sein de l'entreprise. Par ailleurs, aucune explication n'avait été donnée sur les éventuels effets de l'usage du narguilé sur la santé de la personne qui partageait la cabine de la salariée, ni même sur une éventuelle opposition de celle-ci à un tel usage.
Il en ressort que les faits reprochés à la salariée relevaient de sa vie personnelle et ne pouvaient constituer un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail,
Enfin, l'argument relatif au trouble objectif est jugé inopérant dès lors que l'employeur s'est placé sur le terrain disciplinaire.
Notre avis : la Cour de cassation veille (trop ?) scrupuleusement au respect de la vie privée des salariés. Cet arrêt illustre la difficulté de l'exercice qui suppose une juste appréciation de l'ensemble des circonstances de fait propre à l'espèce. Notons que la Cour n'a pas retenu le critère plus souple du rattachement à la vie professionnelle.
*Cass. Soc., 22 janvier 2025, n°23-10.888
Originally published 20 February, 2025
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