Depuis l'arrêt fondateur du 13 avril 2016 ( Cass. Soc.,13 avril 2016, n°14-28.293), la Cour de cassation a établi que le salarié demandant réparation d'un préjudice devait en principe prouver l'existence de ce préjudice.
Cependant, certaines exceptions ont été progressivement reconnues, notamment dans des cas où le manquement de l'employeur causait intrinsèquement un préjudice au salarié, rendant inutile toute démonstration supplémentaire. Ces situations, telles que le non-respect du temps de repos quotidien ou le dépassement de la durée quotidienne maximale de travail, relèvent de ce qu'on appelle communément le préjudice automatique ou préjudice nécessaire.
Au contraire, en matière de forfait jours, la Cour de cassation a retenu dans un premier arrêt que la nullité d'une convention de forfait jours, due à un accord collectif insuffisamment protecteur, n'entraîne pas automatiquement un préjudice distinct (Cass. Soc., 11 mars 2025, n°24-10.452).Le salarié peut donc prétendre au paiement d'heures supplémentaires, mais pour obtenir des dommages et intérêts supplémentaires, il doit démontrer l'existence d'un préjudice spécifique.
Dans une deuxième espèce, la Cour a également décidé que le non-respect par l'employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives au suivi de la charge de travail du salarié en forfait jours n'ouvre pas droit à une réparation automatique (Cass. Soc., 11 mars 2025, n°23-19.669).Là encore, le salarié doit prouver un préjudice distinct de celui réparé par l'octroi d'heures supplémentaires.
Poursuivant dans ce sens, la Cour de cassation a refusé de reconnaître dans deux autres décisions du même jour, un préjudice automatique dans d'autres situations liées au droit du travail, notamment :
– Le manquement de l'employeur à son obligation de suivi médical du travailleur de nuit (Cass. Soc., 11 mars 2025, n° 21-23.557).
– Le non-respect des mesures permettant aux salariés d'exercer effectivement leur droit à congé (Cass. Soc., 11 mars 2025, n° 23-16.415).
Ces décisions traduisent une volonté d'équilibrer les droits des salariés et des employeurs. Elles réaffirment que la réparation automatique n'est applicable qu'en présence de manquements graves et évidents causant nécessairement un préjudice. Dans les autres cas, le respect du principe de preuve s'impose pour éviter des abus ou des indemnisations non justifiées.
Notre avis: Les arrêts du 11 mars 2025 * s'inscrivent dans la continuité d'une jurisprudence qui évolue progressivement vers une application mesurée et contextualisée du principe de réparation automatique. Ils ne marquent donc pas un revirement mais renforcent l'exigence d'une analyse au cas par cas.
* Cass soc., 11 mars 2025, n° 23-16.415, n° 21-23.557, n° 24-10.452, n° 23.19.669
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