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Les recours en cas d'abus et les actions obliques offrent des recours distincts lorsque les administrateurs d'une société à peu d'actionnaires ont porté atteinte à la société ou à ses actionnaires. La récente décision de la Cour supérieure de justice de l'Ontario, Clark v. Cen-Ta Real Estate Ltd et al., 2025 ONSC 5759 (Clark), donne des indications sur le moment auquel les investisseurs peuvent exercer ces recours en parallèle.
Que s'est-il passé?
Chris Clark, le principal actionnaire de Cen-Ta Real Estate Ltd. et de Plum Financial Planning Ltd., a allégué que les administrateurs de ces sociétés s'étaient octroyés, ainsi qu'à leurs sociétés personnelles, une rémunération excessive, alors même que le chiffre d'affaires et la rentabilité de ces sociétés étaient en baisse1. M. Clark a demandé l'autorisation d'intenter une action oblique en vertu de l'article 246 de la Loi sur les sociétés par actions de l'Ontario (LSAO), dans le but de récupérer des fonds pour les sociétés et de fixer des limites futures à la rémunération des administrateurs2. M. Clark avait déjà engagé un recours en cas d'abus contre les mêmes administrateurs, réclamant des dommages-intérêts et le rachat de ses actions3.
Recours en cas d'abus c. Actions obliques
Les recours en cas d'abus visent à protéger les intérêts personnels des actionnaires et des autres parties prenantes qui ont été traités inéquitablement par la société ou ses administrateurs. L'accent est mis sur l'atteinte portée aux intérêts en droit ou en equity du plaignant en tant que partie prenante4.
En revanche, les actions obliques sont intentées au nom de la société elle-même pour réparer l'atteinte portée à la société, en général par ses propres administrateurs ou dirigeants. Dans ce cas, le plaignant agit en tant que représentant de la société pour faire valoir des droits qui appartiennent à la société, comme des réclamations pour manquement à l'obligation fiduciaire5.
Les deux recours peuvent être intentés en parallèle
Dans l'affaire Clark, la Cour a reconnu que les recours en cas d'abus et les actions obliques ont des objectifs juridiques distincts et peuvent être intentés en parallèle, même si ces recours parallèles sont fondés sur les mêmes faits. La Cour est parvenue à cette conclusion en s'appuyant sur plusieurs éléments clés :
- Des atteintes distinctes : la réparation demandée dans les deux recours peut se chevaucher, mais chaque type de recours répond à un objectif juridique différent. Le recours en cas d'abus vise l'atteinte portée aux intérêts personnels des actionnaires, tandis que l'action oblique vise l'atteinte portée à la société elle-même6.
- Chevauchement autorisé : dans les sociétés à peu d'actionnaires, les actes dommageables peuvent nuire à la fois à la société et aux actionnaires à titre individuel7. La Cour a donc estimé que l'existence d'un recours en cas d'abus parallèle n'exclut pas automatiquement une action oblique, en particulier lorsque les actes dommageables visés par l'action oblique ont été commis à l'encontre de la société plutôt que de l'individu qui cherche à intenter l'action oblique8.
- Gestion des procédures : les préoccupations relatives à l'inefficacité ou à l'incohérence des conclusions peuvent être gérées en regroupant les recours ou en les faisant se dérouler en tandem9. De cette manière, les recours parallèles n'entraîneraient pas nécessairement des inefficacités coûteuses et ne risqueraient pas d'aboutir à des conclusions incohérentes10. Dans l'affaire Clark, la Cour a conclu qu'une procédure en tandem n'entraînerait probablement pas d'inefficacités, d'incohérences ou d'autres problèmes importants sur le plan du litige11.
Évaluation de l'« intérêt de la société »
La décision Clark offre également une analyse détaillée de la façon dont les tribunaux déterminent si une action oblique proposée est dans l'intérêt de la société, comme l'exige l'alinéa 246(2)(c) de la LSAO12. Le critère n'est pas simplement de savoir si l'action profite aux actionnaires, mais si elle maximise la valeur de la société elle-même13.
La Cour examine les points suivants :
- Existence d'une affaire défendable : la partie requérante — c'est-à-dire le plaignant qui cherche à intenter une action au nom de la société — doit démontrer que l'action proposée révèle une allégation défendable selon laquelle les administrateurs ont manqué à leurs obligations envers la société14.
- Avantage potentiel c. Atteinte : la Cour met en balance le bénéfice éventuel d'une action réussie et l'atteinte que le litige peut infliger à l'entreprise, tel que le coût financier et l'atteinte sur le plan de l'exploitation15.
- Analyse contextuelle : la Cour procède à une analyse contextuelle pour déterminer si, selon la balance des inconvénients, la poursuite du litige est véritablement dans l'intérêt de la société16.
- Interprétation visant la réparation : les conditions requises pour obtenir l'autorisation d'intenter une action oblique en vertu de l'article 246 de la LSAO visent la réparation et doivent être interprétées de manière libérale en faveur des plaignants17.
Incidences pratiques
Pour les sociétés à peu d'actionnaires, leurs administrateurs et leurs investisseurs, la décision Clark est éclairante. Elle confirme en effet les points suivants :
- une action oblique pour violation de l'obligation fiduciaire peut être intentée même si un recours en cas d'abus fondé sur les mêmes faits est déjà en cours18;
- le tribunal se concentrera sur la question de savoir si le plaignant agit de bonne foi et si l'action oblique est dans l'intérêt de la société, et pas seulement sur l'existence d'un recours parallèle19.
- des outils procéduraux tels que la réunion des instances ou la préclusion pour même question en litige peuvent répondre aux préoccupations concernant le chevauchement des questions en litige ou l'incohérence des conclusions20. Les tribunaux seront enclins à traiter les affaires parallèles ensemble pour des raisons d'efficacité, et les parties au litige devraient aborder leurs affaires en conséquence.
Pour les investisseurs, cette décision ouvre clairement la voie à des recours personnels et au nom de la société lorsque le comportement des administrateurs menace la viabilité et la valeur d'une société à peu d'actionnaires. Pour les sociétés et leurs administrateurs, elle offre une feuille de route leur permettant d'éviter toute responsabilité et gérer les différends de manière efficace et équitable lorsqu'ils surviennent.
Footnotes
1 Clark v. Cen-Ta Real Estate Ltd et al, 2025 ONSC 5759 [Clark], aux par. 1, 15 à 17 et 19 à 22.
2 Clark, aux par. 1, 36 et 37.
3 Clark, aux par. 3, 25 et 26.
4 Clark, au par. 72, citant BCE Inc. c. Détenteurs de débentures de 1976, 2008 CSC 69 [BCE], au par. 45.
5 Clark, aux par. 71 et 127, citant Macreanu v. Godino, 2020 ONSC 535 [Macreanu], au par. 58.
6 Clark, aux par. 71 et 72, citant l'arrêt BCE, aux par. 43 et 45.
7 Clark, aux par. 124 à 126, citant Rea v. Wildeboer, 2015 ONCA 373, au par. 40; Malata Group (HK) Ltd. v. Jung, 2008 ONCA 111, aux par. 14 et 29; Macreanu, au par. 57.
8 Clark, aux par. 127 et 128. Voir aussi : Ernst & Young Inc. v. Essar Global Fund Limited, 2017 ONCA 1014, au par. 131.
9 Clark, aux par. 130 et 131, citant Macreanu, au par. 61.
10 Clark, auxpar 132, citant Drake v. Goodwin, 2019 ONSC 2865 [Drake], aux par. 44 et 45.
11 Clark, au par. 131.
12 Clark, aux par. 101 à 132.
13 Clark, au par 101, citant Magasins à rayons Peoples inc. (Syndic de) c. Wise, 2004 CSC 68, au par. 46.
14 Clark, au par. 104, citant Drake, au par. 13.
15 Clark, auxpar. 105 et 106, citant Zeifmans LLP v. Mitec Technologies Inc., 2019 ONSC 3643, aux par. 80 et 81; Melnyk v. Acerus Pharmaceuticals Corporation, 2017 ONSC 1285, aux par. 38 à 43.
16 Clark, au par 107, citant Crescent (1942) Ltd. v. Jones, 2011 ONSC 756, au par. 20.
17 Clark, auxpar. 60 et 129, citant Macreanu, au par. 61.
18 Clark, au par. 128.
19 Clark, aux par. 67 à 100 et 101 à 132.
20 Clark, aux par. 130 à 132.
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