Vers une stratégie nationale pour réduire les risques d'inondation

Tempêtes, pannes de courant, glissements de terrain, fermetures de routes : c'est en raison de ce bilan que les inondations du printemps dernier au Québec ont été désignées comme « événement climatique de 2019 ». En effet, des dizaines de milliers de résidences et de commerces inondés et un nombre encore plus important de citoyens en ont été affectés.

Des inondations d'intensités variables se produisent chaque année au pays. Lorsqu'elles sont majeures et causent l'évacuation forcée de résidents, le fardeau économique qu'elles représentent peut mettre en péril la situation financière des entreprises et des citoyens touchés.

Comment peut-on se prémunir contre de tels risques ? D'abord, il faut savoir que la plupart des polices d'assurance résidentielle de base ne couvrent pas les dommages résultant des inondations provoquées par le débordement d'un cours d'eau. Cette absence de couverture s'explique du fait que les zones inondables sont clairement identifiées et que la crue des eaux y constitue un phénomène naturel prévisible alors que le principe de base en assurance est de couvrir les situations « imprévisibles ».

Pourtant, depuis plusieurs années, certains aménagements du territoire créent des zones vulnérables et engendrent l'insuffisance des infrastructures d'évacuation. Avec l'impact des changements climatiques, les dommages causés par l'eau continueront vraisemblablement d'augmenter en fréquence et en importance.

Considérant la multiplication des réclamations à ce titre, certains assureurs ont développé des produits pour répondre aux demandes des consommateurs cherchant une couverture d'assurance particulière aux inondations. Ces couvertures se font néanmoins plutôt rares et, si elles sont offertes, s'accompagnent généralement de franchises élevées jumelées à des limites de couverture peu élevées. Même si une offre de couverture existe pour certaines propriétés, celles qui sont situées dans les zones à haut risque d'inondations ne sont presque jamais couvertes.

Un citoyen qui subit des dommages à la suite d'une inondation peut tout de même avoir accès au Programme général d'indemnisation et d'aide financière du ministère québécois de la Sécurité publique. Adopté par décret le 10 avril 2019, ce programme vise notamment à compenser les frais supplémentaires pour se loger et se nourrir pendant l'évacuation, à réparer ou remplacer les biens meubles essentiels qui ont été endommagés et à réparer les dommages à la résidence principale.

Plus restrictif qu'auparavant, le programme comporte plusieurs limites aux montants qui peuvent être octroyés.

Malgré tout, lorsque se produisent des inondations de l'ampleur de celles qui ont frappé le Québec au printemps 2019, ce sont par milliers que les citoyens se tournent vers leur gouvernement pour obtenir du soutien, lequel fait alors face à un fardeau économique très important. Il existe donc également des Accords d'aide financière en cas de catastrophes (AAFCC) du fédéral, gérés par Sécurité publique Canada, pour indemniser les sinistrés et financer le rétablissement.

Les enjeux liés aux inondations sont une préoccupation à travers l'ensemble du pays. Le gouvernement fédéral s'est récemment penché sur la création d'un programme national d'assurance inondation à faible coût afin de protéger les propriétaires de maisons à haut risque d'inondation et sans protection d'assurance adéquate.

Dans le même ordre d'idées, le Bureau d'assurance du Canada a publié en juin 2019 le rapport Options de gestion des coûts de propriétés résidentielles les plus à risque d'inondation au Canada. Au terme d'un examen d'initiatives prises à l'étranger, on y étudie trois options de systèmes qui pourraient être mis en place :

  • Option I : une solution de marché à l'état pur où les propriétés privées ne seraient plus admissibles à l'aide financière gouvernementale et où le risque serait assumé par les propriétaires-occupants. Ceux-ci devraient par conséquent déménager, s'autoassurer ou transférer leur responsabilité civile éventuelle en cas d'inondation au marché privé de l'assurance. Les primes étant fondées sur le risque, une partie des propriétaires à risques élevés se retireraient du marché et le gouvernement pourrait investir davantage dans des infrastructures de protection.
  • Option II : un statu quo adapté où le risque serait assumé par une combinaison des propriétaires-occupants et des gouvernements. Cette option étant plus près de l'état actuel des choses, le marché privé continuerait d'offrir une couverture d'assurance en fonction de sa tolérance au risque et une aide gouvernementale serait offerte dans les cas où les primes seraient trop élevées. L'exposition du gouvernement pourrait aussi être diminuée en transférant une partie du risque au marché mondial de la réassurance.
  • Option III : créer un pool d'assurance en fonction des risques élevés d'inondations. Un groupe de propriétés à risque élevé d'inondation serait distingué de ce qui est considéré comme un risque normalement assurable. Le groupe serait géré par un partenariat public-privé, administré par l'industrie de l'assurance, mais régi et garanti par le marché de la réassurance gouvernemental/mondial. La formation de ce pool nécessiterait une précapitalisation pour sa mise en place ainsi qu'une capitalisation permanente qui serait d'une part assurée par des primes versées et des redevances prélevées auprès de tous les propriétaires-occupants ou de contribuables municipaux et d'autre part financée à l'aide de redevances ou de cotisations du gouvernement.

Les gouvernements d'autres pays ont déjà mis en place des mesures similaires pour faire face au problème d'assurabilité des risques liés aux inondations. En Grande-Bretagne, on a lancé Flood Re, un réassureur subventionné par une taxe imposée à tous les transporteurs qui souscrivent des assurances habitation. Aux États-Unis, le National Flood Insurance Program (NFIP) a été créé en 1968. Pour bénéficier d'une assurance inondation dans le cadre du NFIP, une propriété doit se trouver dans une communauté qui a adhéré au programme et qui accepte d'appliquer des normes de gestion saine des plaines inondables. En outre, les primes du NFIP peuvent être subventionnées dans certains cas.

Un retrait complet de l'aide gouvernementale permettrait d'un côté au gouvernement de mettre l'accent sur l'atténuation plutôt que la gestion de catastrophes, domaine dans lequel les assureurs sont généralement plus efficaces, mais pourrait d'un autre côté mener à de l'évitement de la part des propriétaires, ne souscrivant tout simplement plus à une assurance et risquant la ruine financière en cas de sinistre. À l'inverse, en insistant trop sur l'accessibilité de l'assurance (en subventionnant les primes, par exemple), il y a une possibilité que le taux de prime payé ne reflète pas le risque réel de perte et que les fonds disponibles en cas de sinistres s'avèrent insuffisants.

En bref, quel que soit l'angle par lequel on aborde le problème, l'attribution des coûts entre le citoyen, son assureur et les deux paliers de gouvernements après une inondation représente un véritable casse-tête. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles chacun de ces acteurs doit investir plus d'efforts dans la mise en place de mesures préventives, plutôt que correctives. Qu'il s'agisse d'élever des équipements critiques (chauffage, ventilation, transformateurs électriques, systèmes de communication, etc.) au-dessus des niveaux d'inondation prévus dans les immeubles commerciaux ou même d'une technologie permettant à un bâtiment de flotter au-dessus de l'eau pendant une inondation, il ne fait pas de doute qu'en améliorant les infrastructures et en instaurant des mesures préventives on contribue à réduire le risque et à le rendre du même fait un peu plus assurable !

Originally published 3 April, 2020

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