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30 July 2025

Pas assez canadiens ? La nouvelle politique d'approvisionnement réciproque pourrait avoir des répercussions néfastes sur des fournisseurs canadiens fédéraux

Le 10 juillet 2025, le gouvernement fédéral a publié l'Avis sur la Politique des marchés 2025-5 (Réciprocité dans les marchés fédéraux et modifications apportées au Règlement sur les enquêtes...
Canada Government, Public Sector

Le 10 juillet 2025, le gouvernement fédéral a publié l'Avis sur la Politique des marchés 2025-5 (Réciprocité dans les marchés fédéraux et modifications apportées au Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics) et la Politique provisoire sur l'approvisionnement réciproque (la « Politique »). La Politique prend effet le 14 juillet 2025, tandis que les modifications au règlement ont pris effet le 13 juin 20251.

Décrite comme un changement par rapport à l'approche d'approvisionnement « ouverte par défaut » du Canada, la Politique vise à assurer aux fournisseurs fédéraux canadiens un accès équitable aux marchés publics fédéraux et à empêcher les pays qui n'offrent pas un accès réciproque au Canada de tirer parti de ces marchés.

Nous expliquons ci-dessous comment cette nouvelle Politique pourrait changer le paysage de l'approvisionnement fédéral et pourquoi certains fournisseurs canadiens pourraient ne pas être considérés comme « assez canadiens » pour profiter des occasions de marché fédéral.

Qui est exclu et qui est accepté en tant que fournisseur fédéral ?

À moins qu'une exclusion de la Politique ne s'applique, les autorités contractantes doivent limiter les achats aux « fournisseurs canadiens » et aux « fournisseurs d'un partenaire commercial concerné »ou aux coentreprises composées de fournisseurs canadiens et/ou de fournisseurs d'un partenaire commercial concerné.

  • Un « fournisseur canadien» doit avoir un établissement au Canada « à partir duquel il exerce ses activités de façon permanente » et qui est « clairement désigné par un nom » et « accessible pendant les heures normales de travail ».
  • Un «fournisseur d'un partenaire commercial concerné » doit : i) provenir d'un pays ayant conclu un accord commercial réciproque qui comporte un chapitre sur les marchés publics que le Canada et le pays du fournisseur ont signé2; et ii) avoir la même structure d'entreprise dans ce pays que celle exigée des fournisseurs canadiens au Canada.

Les fournisseurs de pays qui n'ont pas conclu d'accord commercial réciproque avec le Canada (appelés les «fournisseurs d'un pays qui n'est pas un partenaire commercial ») ne peuvent plus accéder aux marchés publics fédéraux, que ce soit seuls ou dans le cadre d'une coentreprise.

La Politique s'applique-t-elle à tous les marchés publics fédéraux ?

Non, mais les exceptions sont limitées.

Les exceptions à la Politique correspondent en grande partie à celles qui se trouvent dans les accords commerciaux ou aux exceptions aux exigences d'approvisionnement concurrentiel prévues dans le Règlement sur les marchés de l'État. En voici quelques exemples : les marchés de faible valeur (moins de 10 000 $), les missions à l'étranger, les marchés réservés aux entreprises autochtones ou la livraison de biens ou de services à l'extérieur du Canada.

Les approvisionnements en matière de défense font l'objet d'une exception plus large. La Politique ne s'applique pas si au moins 51 % de la valeur estimée d'un contrat concerne des « des biens ou des services de défense », ou une combinaison des deux, pour le MDN, la GCC ou la GRC3.

Les autorités contractantes peuvent exclure un approvisionnement de la Politique au cas par cas lorsque cela est « strictement nécessaire » si :

  • le bien ou le service ne peut pas être obtenu auprès d'un fournisseur canadien ou d'un fournisseur d'un partenaire commercial concerné pour des raisons de non-disponibilité, de quantité insuffisante ou de qualité;
  • la limitation de la concurrence aura une incidence sur l'obtention du meilleur rapport qualité-prix; ou
  • l'application de la Politique n'est pas dans l'intérêt public; et
  • les approbations internes nécessaires sont reçues pour une exception relative au meilleur rapport qualité-prix ou à l'intérêt public.

La Politique ne s'applique pas aux demandes de soumissions publiées avant sa date d'effet (le 14 juillet 2025) ni aux contrats existants, y compris les arrangements en matière d'approvisionnement déjà conclus et les offres à commandes déjà attribuées. Il faut toutefois noter que la Politique s'appliquera au prochain renouvellement des arrangements en matière d'approvisionnement4 et des offres à commandes.

Les fournisseurs canadiens sont-ils touchés ?

Oui. Et la Politique ne leur plaira pas à tous.

La définition de « fournisseur » repose sur une approche exigeant des sites physiques avec des heures d'ouverture normales. Cette définition ne tient pas compte des milliers de petites entreprises (y compris celles appartenant à des groupes marginalisés et qui font déjà face à d'importants obstacles à la participation à des occasions de marché fédéral5) qui ne seront pas « assez canadiennes » pour répondre à la définition de « fournisseur canadien ». De plus, ces entreprises perdront l'avantage de prendre part à des marchés avec des fournisseurs mieux établis dans le cadre de coentreprises (les coentreprises sont souvent le moyen par lequel les petits fournisseurs acquièrent de l'expérience afin de pouvoir plus tard livrer concurrence de façon indépendante).

Conclusion

Face au mépris du gouvernement américain pour les accords commerciaux, le Canada a adopté une approche plus mesurée. Mais les définitions de la Politique vont un peu trop loin, car elles ne tiennent pas compte des politiques sociales du Canada en matière d'approvisionnement et elles risquent d'exclure complètement des fournisseurs canadiens des marchés fédéraux6.

Avant de présenter des soumissions pour des occasions d'affaires, les fournisseurs canadiens et étrangers, y compris ceux du secteur de la défense, devront examiner s'ils sont en mesure de participer à la procédure d'attribution de marché dans le cas où la Politique serait appliquée, et si des restrictions à leur participation (individuellement ou dans le cadre d'une coentreprise) constituent un manquement aux obligations du Canada en vertu des accords commerciaux. Les fournisseurs devront effectuer ce même examen pour leurs arrangements en matière d'approvisionnement et leurs offres à commandes et devraient communiquer avec le responsable de l'arrangement ou de l'offre pour déterminer si la Politique s'appliquera ou s'applique à leur mécanisme d'approvisionnement.

Footnotes

1 Abonnez-vous ici pour recevoir notre prochain bulletin sur les modifications au Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics : Approvisionnement | Services | Fasken.

2 Le Canada et le pays d'origine du fournisseur doivent avoir signé le chapitre sur les marchés publics de l'accord commercial applicable. Par exemple, le Canada n'a pas signé le chapitre sur les marchés publics de l'ACEUM, mais le Canada et les États-Unis ont signé l'Accord sur les marchés publics de l'OMC.

3 Un grand nombre des « biens de défense » énumérés à l'annexe A de la Politique sont exclus de la couverture des accords commerciaux internationaux du Canada lorsqu'ils sont achetés pour le MDN, la Garde côtière canadienne et la GRC ou en vertu de l'exception au titre de la sécurité nationale (ESN), qui peut soustraire certains marchés publics à la couverture des accords commerciaux. Les modifications récentes apportées au Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics et au Règlement sur les marchés de l'État prévoient des exceptions supplémentaires aux exigences d'approvisionnement concurrentiel pour les approvisionnements en défense. Voir le bulletin que nous avons publié à ce sujet : https://www.fasken.com/fr/knowledge/2025/02/new-federal-regulations-may-significantly-impact-competitive-procurement-processes.

4 Les arrangements en matière d'approvisionnement doivent tous être renouvelés d'ici le 14 juillet 2026.

5 Par exemple, la Politique d'approvisionnement social vise à permettre aux fournisseurs de petite taille ou provenant de groupes défavorisés de participer aux marchés fédéraux (beaucoup d'entre eux n'ont peut-être pas un établissement physique) : https://www.canada.ca/fr/services-publics-approvisionnement/services/achats/approvisionnement-social/politique.html. Si un marché n'est pas réservé aux entreprises autochtones, la Politique pourrait aussi avoir une incidence sur l'accès des entreprises autochtones aux marchés fédéraux, car il se peut qu'une petite ou moyenne entreprise autochtone ne réponde pas à la définition de « fournisseur canadien ».

6 Consultez notre bulletin sur les préoccupations semblables créées en Ontario par la Politique de restriction en matière d'approvisionnement. Destinée à empêcher les entreprises américaines de présenter des soumissions pour des marchés publics provinciaux, elle touche aussi les entreprises canadiennes : https://www.fasken.com/en/knowledge/2025/04/ontario-public-sector-prohibited-from-purchasing-from-us-businesses (en anglais seulement).

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