En 2024, la Loi sur la concurrence du Canada (la « Loi ») a été modifiée pour inclure des dispositions spécifiques sur les pratiques commerciales trompeuses en matière d'« écoblanchiment », aux termes desquelles les entreprises s'exposent à d'importantes sanctions civiles en cas de déclarations environnementales non fondées.
Compte tenu du risque créé par les nouvelles dispositions, des entreprises et des avocats du secteur privé ont demandé au Bureau de la concurrence du Canada (le « Bureau ») de fournir des orientations sur leur interprétation, à la suite de quoi le Bureau a lancé un processus de consultation (bulletin en anglais). Des lignes directrices proposées (bulletin en anglais) ont été publiées à la fin de l'année 2024.
Le 5 juin 2025, le Bureau a publié ses lignes directrices finales (les « lignes directrices ») tant attendues, qui clarifient son approche à l'égard des déclarations environnementales, tant en ce qui concerne les dispositions générales de la Loi sur la commercialisation trompeuse que les nouvelles dispositions ciblant l'écoblanchiment.
Le présent bulletin résume plusieurs éléments à retenir des lignes directrices. Si vous avez des questions concernant les lignes directrices ou la manière dont votre entreprise peut élaborer de nouvelles mesures de conformité afin d'atténuer les risques liés à l'application de la Loi, veuillez communiquer avec les auteurs.
Les lignes directrices ne sont pas déterminantes
Tout d'abord, il est important que les entreprises comprennent que les lignes directrices ne sont pas juridiquement contraignantes. Les lignes directrices indiquent clairement que le commissaire de la concurrence conserve un large pouvoir d'appréciation en ce qui concerne les mesures d'application. En outre, le Tribunal de la concurrence, le tribunal administratif canadien en matière de concurrence, n'est pas lié par les lignes directrices. Néanmoins, elles fournissent un contexte important pour les décisions commerciales qui concernent des déclarations environnementales, et présentent également des exemples factuels qui illustrent l'approche du Bureau.
Le Tribunal accorde historiquement un certain poids aux lignes directrices du Bureau. À ce titre, il peut prendre en considération les lignes directrices lorsqu'il statue sur des questions relatives à des déclarations environnementales. Il est intéressant de noter que les lignes directrices prévoient que, selon le Bureau, le Tribunal « peut » les prendre en considération pour déterminer s'il y a lieu d'accorder l'autorisation de présenter une demande. En ce qui concerne les pratiques commerciales trompeuses (y compris l'écoblanchiment), l'autorisation peut être accordée si le Tribunal est convaincu que « cela est dans l'intérêt public »; la portée et la signification de l'expression « intérêt public » sont actuellement inconnues.
Il est également important de noter que les droits d'action privés conférés par la Loi entreront en vigueur le 20 juin 2025, et que de telles actions peuvent être fondées sur des allégations d'écoblanchiment. Les lignes directrices reflètent uniquement le point de vue du Bureau et ne reflètent pas les positions ou interprétations potentielles qui pourraient être adoptées par des parties privées. Par conséquent, le respect des lignes directrices ne protégera pas nécessairement les entreprises contre les allégations d'écoblanchiment formulées par des parties privées.
Entités concernées : entreprises de toutes tailles, y compris les activités commerciales à des fins de charité ou à d'autres fins non lucratives, et entreprises étrangères qui font de la publicité au Canada
Aux fins des lignes directrices, le mot « entreprise » ne se limite pas aux personnes morales ou à d'autres structures commerciales, et comprend également les personnes physiques. De plus, les lignes directrices ne prévoient aucune exemption pour les petites entreprises. Selon le Bureau, s'appuyant sur la jurisprudence existante, l'exigence d'éléments corroboratifs suffisants et appropriés pour étayer des déclarations environnementales s'appliquera sans égard de la taille de l'entreprise.
De plus, les lignes directrices précisent que l'expression « activité d'une entreprise » désigne « toute activité exercée par une entreprise », y compris « la collecte de fonds à des fins de charité ou à d'autres fins non lucratives », et que les entreprises étrangères qui font de la publicité au Canada doivent se conformer aux dispositions de la Loi relatives à la publicité trompeuse et aux pratiques commerciales trompeuses.
Les interprétations existantes restent pertinentes
Les entreprises peuvent s'attendre à ce que, dans les cas où des expressions dans les nouvelles dispositions en matière d'écoblanchiment sont utilisées ailleurs dans la Loi et ont fait l'objet d'une interprétation judiciaire, le Bureau soit susceptible de se conformer à ces interprétations dans le contexte de déclarations environnementales.
Les nouvelles dispositions de la Loi sur l'écoblanchiment sont les suivantes :
74.01(1) Est susceptible d'examen le comportement de quiconque donne au public, de quelque manière que ce soit, aux fins de promouvoir directement ou indirectement soit la fourniture ou l'usage d'un produit, soit des intérêts commerciaux quelconques : […]
b.1) ou bien, sous la forme d'une déclaration ou d'une garantie visant les avantages d'un produit pour la protection ou la restauration de l'environnement ou l'atténuation des causes ou des effets environnementaux, sociaux et écologiques des changements climatiques, des indications qui ne se fondent pas sur une épreuve suffisante et appropriée, dont la preuve incombe à la personne qui donne les indications;
b.2) ou bien des indications sur les avantages d'une entreprise ou de l'activité d'une entreprise pour la protection ou la restauration de l'environnement ou l'atténuation des causes ou des effets environnementaux et écologiques des changements climatiques si les indications ne se fondent pas sur des éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus au moyen d'une méthode reconnue à l'échelle internationale, dont la preuve incombe à la personne qui donne les indications;
Certaines expressions utilisées dans ces dispositions apparaissent également ailleurs dans la Loi et font déjà l'objet d'interprétations et d'examens judiciaires. Par exemple, l'expression « épreuve suffisante et appropriée », qui figure à l'alinéa 74.01(1)b.1) ci-dessus apparaît également à l'alinéa 74.01(1)b), relativement aux énoncés concernant le rendement, l'efficacité ou la durée utile d'un produit. Les lignes directrices indiquent que les mêmes interprétation et considérations énoncées par les tribunaux dans le contexte des dispositions générales sur la commercialisation trompeuse de la Loi s'appliqueront également aux expressions « suffisante et appropriée » et « épreuve » relativement aux nouvelles dispositions en matière d'écoblanchiment. Cette exigence signifie que l'épreuve doit en être une « qui a la capacité, qui est apte, qui convient ou qui est dicté par les circonstances », eu égard à l'impression générale que donne une déclaration aux consommateurs. De plus, l'expression « fondée sur » sera interprétée comme signifiant que des épreuves adéquates et appropriées ont eu lieu avant qu'une déclaration soit faite.
Lorsqu'un terme ou une expression n'a pas fait l'objet d'une interprétation par les tribunaux, les lignes directrices indiquent que le Bureau s'appuiera sur leur sens ordinaire. Elles fournissent une liste de plusieurs termes ou expressions et de leur sens ordinaire, comme « écologiques », « avantages » et « environnement ». Par exemple, l'expression « changements climatiques » désigne les « [c]hangements dans les modèles climatiques mondiaux ou régionaux ».
Indications limitées sur les termes clés
Comme il est indiqué ci-dessus, l'alinéa 74.01(1)b.2) contient le passage « éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus au moyen d'une méthode reconnue à l'échelle internationale ». Ce passage a fait l'objet d'un grand nombre de commentaires publics visant à obtenir des précisions. Les lignes directrices proposées publiées en 2024 ont fourni une certaine orientation générale, qui a été quelque peu élargie dans les lignes directrices.
- En ce qui concerne l'expression « suffisants et appropriés », le Bureau est d'avis que « les entreprises devraient choisir des éléments corroboratifs qui sont appropriés, pertinents et qui conviennent à la déclaration » et qui sont « suffisamment rigoureux ». Concrètement, cela exigera « souvent » des éléments corroboratifs de nature « scientifique », et une « vérification par un tiers » peut être exigée lorsque la méthode reconnue à l'échelle internationale l'exige.
- Les « éléments corroboratifs » sont décrits comme l'« [é]tablissement par une preuve ou des données probantes ». Ils ne comportent pas nécessairement un essai en laboratoire, mais la méthode choisie doit convenir à la déclaration, compte tenu de toutes les circonstances pertinentes. Les lignes directrices indiquent clairement que les éléments corroboratifs doivent être « suffisants et appropriés », de sorte que la méthode choisie devrait être « fiable et robuste ».
- Les lignes directrices indiquent ensuite que le Bureau considérera probablement qu'une méthode est reconnue à l'échelle internationale si elle est « reconnue dans au moins deux pays », même si elle n'est pas nécessairement reconnue par les gouvernements de ces pays. Elles précisent également que le mot « reconnue » signifie « [r]econnaître comme valide », mais que la « reconnaissance » peut provenir de diverses sources, notamment d'organismes de normalisation, d'autorités de réglementation ou même d'industries ou d'autres entités utilisant des méthodes généralement acceptées à l'échelle internationale.
Fait important, les lignes directrices établissent une distinction entre les « normes » et les « méthodes ». Les nouvelles dispositions n'exigent pas que les entreprises suivent des normes; les éléments corroboratifs des déclarations environnementales doivent plutôt être conformes aux méthodes reconnues à l'échelle internationale, qui peuvent ou non se trouver dans des normes.
De plus, les lignes directrices stipulent que le Bureau « supposera » que les méthodes requises ou recommandées par les programmes des gouvernements fédéral, provinciaux ou territoriaux au Canada pour étayer les déclarations environnementales sont compatibles avec les méthodes reconnues à l'échelle internationale. Une mesure d'application prévue à l'alinéa 74.01(1)b.2) est peu probable lorsqu'une telle méthode est suivie, à condition que la méthode fournisse des « éléments corroboratifs suffisants et appropriés ». Par conséquent, les entreprises doivent continuer de tenir compte des exigences de la Loi, et elles pourraient ou non être en mesure de se fier aux méthodes requises ou recommandées par d'autres programmes gouvernementaux.
La souplesse est une épée à double tranchant
De nombreuses entreprises se sont dites préoccupées par la rigidité des dispositions de la Loi en matière d'écoblanchiment et par l'incidence de ces dispositions sur les pratiques commerciales. Toutefois, les lignes directrices laissent entendre qu'il existe une certaine souplesse à cet égard. Aucune méthode spécifique n'est imposée. Par exemple, pour ce qui a trait aux déclarations concernant des plans pour atteindre la carboneutralité, les lignes directrices reconnaissent qu'« un certain nombre de normes différentes » peuvent « fournir des éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus au moyen d'une méthode reconnue à l'échelle internationale ». De plus, les lignes directrices précisent que la Loi n'exige pas qu'une méthode reconnue à l'échelle internationale soit la « meilleure » méthode disponible, mais simplement qu'elle soit « fiable et robuste ».
Ces commentaires laissent entendre que les entreprises disposent d'une certaine souplesse pour étayer leurs déclarations environnementales, mais ils créent également de l'incertitude lorsqu'il s'agit de déterminer si les exigences de la Loi sont respectées dans un cas particulier. Ces préoccupations sont accentuées dans le contexte des nouvelles technologies climatiques. Les lignes directrices précisent que, lorsqu'il n'y a pas de méthode pour procéder à l'épreuve d'une déclaration en question, les entreprises pourraient être en mesure de s'appuyer sur deux ou plusieurs méthodes reconnues à l'échelle internationale, ou sur des méthodes utilisées pour étayer des déclarations similaires. Toutefois, les lignes directrices indiquent clairement que s'il n'y a « aucun moyen » d'étayer une déclaration à l'égard d'une nouvelle technologie, il faut s'abstenir de la faire.
Le Bureau se concentre sur les représentations commerciales et/ou promotionnelles
Au cours du processus de consultation publique, des préoccupations ont été soulevées quant à l'application des dispositions de la Loi sur l'écoblanchiment dans d'autres contextes réglementaires, comme le dépôt de documents auprès des autorités en valeurs mobilières. Les lignes directrices prévoient que le Bureau « ne se préoccupe pas » des déclarations faites aux termes des cadres réglementaires en matière de valeurs mobilières. Toutefois, si une déclaration environnementale est « réutilisée » à des fins promotionnelles en dehors de la vente de valeurs mobilières, le Bureau appliquera la Loi.
Les déclarations environnementales sur l'avenir doivent être étayées par des éléments corroboratifs et un plan clair
Les lignes directrices félicitent les entreprises d'avoir fixé des objectifs de performance environnementale pour l'avenir, mais indiquent clairement que de telles déclarations peuvent être considérées comme de l'écoblanchiment lorsqu'elles sont des « vœux pieux ». Par conséquent, lorsqu'une entreprise fait une déclaration à l'égard d'une déclaration prospective ou d'une cible, elle devrait : (1) avoir une compréhension claire de ce qui doit être fait pour réaliser ce qui est allégué; (2) avoir un plan concret, réaliste et vérifiable pour atteindre l'objectif, avec des cibles provisoires; et (3) avoir des mesures significatives en place pour réaliser le plan.
Conclusion
Comme il est indiqué ci-dessus, les lignes directrices ne sont pas juridiquement contraignantes et ne fournissent pas d'indications définitives. Les entreprises auront la responsabilité de déterminer ce qu'elles doivent faire pour se conformer aux nouvelles dispositions de la Loi en matière d'écoblanchiment. Lorsqu'elles font des déclarations environnementales publiques, elles devraient envisager les mesures suivantes :
- Documenter soigneusement les démarches de diligence raisonnable visant à étayer des déclarations environnementales, y compris les conclusions sur les méthodes employées. La diligence raisonnable est un moyen de défense contre les allégations de pratiques commerciales trompeuses en vertu de la Loi.
- Faire preuve de prudence en ce qui concerne les déclarations environnementales relatives aux technologies nouvelles ou émergentes, en particulier lorsqu'aucune méthode ne vient étayer la déclaration en question.
- Inclure des éléments corroboratifs sous la forme d'un plan concret, réaliste et vérifiable, avec des cibles provisoires lorsqu'il est question de déclarations environnementales concernant des objectifs ou des cibles concernant l'avenir. Il n'est pas nécessaire que le plan soit rendu public, mais il faut qu'il soit accessible si la déclaration est contestée.
- Rendre publique l'information servant à étayer une déclaration environnementale. Même si la Loi n'oblige pas les entreprises à le faire, cela pourrait atténuer le risque que des mesures d'application soient prises (par le Bureau ou des parties privées).
- Faire preuve de prudence à l'égard des déclarations faites dans le cadre de dépôts réglementaires; si ces déclarations sont réutilisées à des fins promotionnelles, elles sont assujetties aux dispositions de la Loi portant sur les pratiques commerciales trompeuses.
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