Entré en vigueur en décembre 2019, le Règlement sur la protection des passagers aériens du Canada (le « Règlement »)1 a été créé pour fournir un régime complet de protection des passagers aériens, notamment en ce qui a trait aux annulations de vol, aux indemnités et aux communications claires. Selon Transports Canada, l'objectif du Règlement est « de créer une approche plus prévisible et plus équilibrée afin de garantir que : les passagers connaissent leurs droits; les transporteurs aériens comprennent leurs obligations; les exploitants ne sont pas confrontés à une charge excessive ni ne subissent une perte de compétitivité qui pourrait avoir une incidence négative sur le prix des billets pour les consommateurs; et que des mécanismes adéquats de résolution des plaintes et d'application de la loi sont fournis »2.
L'efficacité du Règlement a été mise à l'épreuve après la pandémie de COVID-19, alors que le nombre de demandes de passagers est monté en flèche. Malheureusement, en raison notamment du manque de clarté du Règlement et relativement à son application, l'Office des transports du Canada (l'« OTC ») – l'organisme responsable de l'administration et de l'application du Règlement – s'est retrouvé avec un énorme arriéré de plaintes de passagers.
En juin 2023, la Loi no 1 d'exécution du budget de 2023 est entrée en vigueur et a modifié la Loi sur les transports au Canada (la « Loi ») afin de clarifier, de simplifier et de renforcer les droits des passagers3. Conformément à la Loi, des modifications proposées au Règlement (le « Projet de règlement ») ont été élaborées et publiées par le gouvernement fédéral le 21 décembre 2024 pour permettre aux intervenants de soumettre leurs commentaires4. Le règlement modifié, dans sa version définitive (le « Règlement modifié »), devrait recevoir l'approbation finale et entrer en vigueur en 2025 ou en 2026.
Le présent bulletin donne un aperçu de la manière dont le Projet de règlement pourrait évoluer d'ici à sa finalisation en fonction des réactions des intervenants de l'industrie, et présente les répercussions du Projet de règlement dans trois domaines importants : la responsabilité des transporteurs aériens à l'égard des passagers en matière d'indemnité, l'obligation pour les transporteurs aériens de fournir de l'assistance aux passagers et l'obligation pour les transporteurs aériens de communiquer avec les passagers.
Projet de règlement : indemnité pour inconvénients subis
En vertu du Règlement actuel, il existe trois catégories de perturbations de vol. Celui-ci prévoit que l'indemnité pour inconvénients subis doit être versée conformément aux dispositions du Règlement uniquement dans le cas de la catégorie 3. Voici les trois catégories :
- les situations indépendantes de la volonté de la compagnie aérienne;
- les situations attribuables à la compagnie aérienne, mais nécessaires par souci de sécurité;
- les situations attribuables à la compagnie aérienne, mais non nécessaires aux fins de sécurité.
Par conséquent, en vertu du Règlement actuel, le versement d'une indemnité constitue davantage l'exception que la règle. Dans la Loi, les trois catégories susmentionnées, qui suscitaient la controverse, sont désormais éliminées. Ainsi, le Projet de règlement prévoit une indemnité minimale pour les inconvénients subis, payable par la compagnie aérienne au passager pour toutes les perturbations de vol qui répondent à certains autres critères (p. ex., le passager a été informé du report ou de l'annulation de son vol 14 jours ou moins avant l'heure de départ et arrive à l'aéroport de destination trois heures ou plus après l'heure d'arrivée prévue), à moins de « circonstances exceptionnelles »5. L'article 18 du Projet de règlement définit les circonstances exceptionnelles et inclut des circonstances comme une guerre ou une situation d'instabilité politique; une collision de l'aéronef avec un oiseau ou un autre objet durant le vol qui pourrait compromettre la sécurité du vol et qui nécessite une évaluation immédiate et de possibles réparations; une fermeture partielle ou complète imprévue de l'aéroport; et un conflit de travail concernant le transporteur ou un fournisseur de services essentiels, notamment un service de gestion d'aéroport, un fournisseur de services de navigation aérienne ou un fournisseur de services d'escale6.
Selon une méthode établie dans le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation de décembre 20247, de nombreuses perturbations de vol, comme les retards et les annulations, seront effectivement attribuables à des circonstances exceptionnelles et, par conséquent, la compagnie aérienne demeurera dispensée de toute obligation d'indemnisation pour les inconvénients subis dans de telles circonstances. Par conséquent, et en raison de la résistance des groupes de défense des passagers8, il est possible que la définition du terme « circonstances exceptionnelles » dans le Règlement modifié soit partiellement révisée, plus restreinte, et centrée sur des situations extraordinaires réellement inévitables, s'alignant ainsi de façon plus générale sur le régime européen de protection des passagers aériens. En outre, dans le respect de l'esprit et de l'intention des changements requis, à savoir l'indemnisation obligatoire pour toute perturbation, à moins que la perturbation ne soit causée par des « circonstances très limitées » (nos italiques)9, une liste plus étroitement définie pourrait effectivement être incluse dans le Règlement modifié.
Quoi qu'il en soit, les transporteurs aériens devraient se préparer à une augmentation du nombre de demandes d'indemnisation. Ils devraient également s'attendre à une hausse des attentes des passagers quant à la communication de renseignements sur la nature des circonstances exceptionnelles invoquées, puisqu'il incombe désormais au transporteur de démontrer la cause de la perturbation de vol10.
Projet de règlement : assistance
En vertu du Règlement actuel, les transporteurs aériens sont tenus de fournir de l'assistance (p. ex., la nourriture, les breuvages et l'hébergement pour la nuit, si applicable, et l'accès à un moyen de communication) conformément aux dispositions du Règlement uniquement dans le cas des catégories (2) et (3) ci-dessus. En vertu du Projet de règlement11, les transporteurs aériens seraient tenus d'offrir de l'assistance aux passagers à partir de deux heures suivant l'heure de départ initialement prévue, sauf si les passagers ont été informés du retard au moins 12 heures avant l'heure de départ prévue, sans égard à la raison pour laquelle le vol a été perturbé. Autrement dit, même s'il y avait des circonstances exceptionnelles, les transporteurs aériens seraient toujours tenus de fournir de l'assistance conformément au régime général. Toutefois, dans des circonstances exceptionnelles, l'obligation de fournir de l'assistance cesse de s'appliquer 72 heures après la perturbation du vol. Dans l'ensemble, le Projet de règlement impose des obligations plus strictes aux transporteurs aériens.
Le Projet de règlement a également fait l'objet de critiques de la part de l'industrie en ce qui concerne l'assistance que les transporteurs sont tenus de fournir. En effet, les intervenants de l'industrie ont fait valoir que les exigences en matière d'assistance ne devaient pas être trop prescriptives. En effet, l'offre aux passagers représente souvent un avantage commercial ou concurrentiel pour certains grands transporteurs par rapport à l'offre d'autres dont les tarifs sont plus bas12. En outre, les transporteurs aériens du Nord ont souligné que l'obligation de fournir de l'assistance pourrait être difficile, voire impossible, à respecter dans les régions du Nord en raison de l'éloignement et ont suggéré que le Projet de règlement précise que l'assistance ne doit être offerte que lorsqu'il est possible de le faire13. De plus, un certain nombre de transporteurs aériens ont fait remarquer que la période de 72 heures relativement à l'exigence en matière d'assistance lors de circonstances exceptionnelles était trop longue et devrait être limitée à 24 heures. Enfin, les groupes de défense des passagers ont fait remarquer que la condition selon laquelle l'assistance ne doit être offerte que si le passager est avisé dans les 12 heures avant la perturbation limite la portée du droit à l'assistance et ouvre la porte à des abus de la part des transporteurs aériens14.
On ignore encore si le Règlement modifié comprendra des ajustements particuliers en matière d'assistance. L'OTC semble vouloir trouver un équilibre entre les intérêts des transporteurs aériens, qui souhaitent limiter les coûts liés à l'assistance, et ceux des passagers, qui souhaitent bénéficier d'une protection raisonnable en cas de perturbation de vol due à des circonstances exceptionnelles15. En tout état de cause, les transporteurs aériens devraient être bien préparés à offrir de l'assistance aux passagers sans exception, comme c'est généralement le cas dans le régime européen de protection des passagers aériens.
Projet de règlement : communications
En vertu du Règlement actuel, les transporteurs aériens sont tenus d'informer les passagers, dans un langage simple, clair et concis, de la raison de la perturbation du vol et de leurs droits à une indemnisation, à une assistance, à d'autres recours et à la possibilité de déposer une plainte auprès de l'OTC. Toutefois, dans le cadre du régime actuel, les passagers se sont plaints de ne pas recevoir d'information claire en temps utile. En vertu du Projet de règlement16, les transporteurs aériens sont tenus d'obtenir du passager, au moment de l'enregistrement, le moyen de communication électronique de son choix (p. ex., numéro de téléphone cellulaire ou courriel), afin que le passager puisse recevoir en temps utile de l'information détaillée (p. ex., la raison de la perturbation, l'indemnisation, les droits particuliers en matière de nourriture, de breuvages et d'hébergement et les droits à réparation, ainsi que les renseignements sur les événements qui déclencheront certains droits, notamment le droit à l'indemnisation) en cas de perturbation d'un vol. L'information de base continuerait également d'être transmise au moyen d'annonces audibles à la porte d'embarquement.
La plupart des intervenants de l'industrie ont reconnu l'importance de renforcer les règles de communication et bon nombre d'entre eux ont demandé un délai de 12 mois pour adapter leur technologie et leurs infrastructures et les rendre conformes aux modifications17. En réponse, l'OTC a conclu qu'aucune mise à jour importante de l'infrastructure ne serait nécessaire de la part des transporteurs aériens et que les changements concernent l'étendue des renseignements fournis au passager plutôt que les systèmes utilisés pour fournir ces renseignements et que la conformité aux modifications réglementaires ne nécessite que des ajustements mineurs des politiques et procédures de communication des transporteurs aériens déjà en place. Ainsi, les transporteurs aériens devraient être prêts à modifier leurs politiques et procédures de communication dès que le Projet de règlement entrera en vigueur.
Conclusion
Le Projet de règlement annonce un vent de changement dans l'approche du Canada à l'égard des droits des passagers, en faveur de ces derniers, par l'introduction de droits plus clairs et plus simples. Les transporteurs aériens doivent demeurer proactifs en surveillant l'évolution de la situation, en évaluant les répercussions sur l'exploitation et en se préparant à d'éventuelles obligations de conformité.
Footnotes
1 Règlement sur la protection des passagers aériens (DORS/2019-15)
2 Règlement sur la protection des passagers aériens (RPPA), Transports Canada
5 Voir les articles 15 à 18 du Projet de règlement.
9 Règlement sur la protection des passagers aériens (RPPA), Transports Canada
10 À la suite des modifications apportées à la Loi no 1 d'exécution du budget, le fardeau de démontrer que la perturbation de vol a été causée par une circonstance exceptionnelle repose maintenant sur les transporteurs aériens.
11 Voir l'article 12 du Projet de règlement.
13 Ibid.
16 Voir l'article 11 du Projet de règlement.
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