CURATED
17 March 2025

Newsletter Du 17 Au 28 Février 2025 | N° 100

MB
Monfrini Bitton Klein

Contributor

Based in Geneva, but borderless in its reach, Monfrini Bitton Klein is a litigation-only Swiss law firm, internationally recognised for asset recovery, business crime and cross-border litigation. We are representatives for Switzerland of ICC-FraudNet, the leading global network of fraud and asset recovery lawyers.
Déni de justice causé par le refus d'examiner le remplacement du défenseur d'office en raison d'une rupture du lien de confiance [p. 2].
Switzerland Criminal Law

I. ProcÉdure pÉnale

TF 7B_1159/2024

Déni de justice causé par le refus d'examiner le remplacement du défenseur d'office en raison d'une rupture du lien de confiance [p. 2]

TF 7B_59/2022

Qualité pour recourir différenciée en cas d'infraction de gestion déloyale ou d'escroquerie [p. 4]

TF 6B_407/2024

Violation du droit d'être entendu en raison d'une motivation insuffisante relative à l'indemnisation accordée au prévenu acquitté [p. 5]

II. Droit pÉnal ÉCONOMIQUE

III. Droit international privÉ

IV. Droit de la poursuite et de la faillite

TF 4A_435/2024*

Une décision de sûreté fiscale doit avoir acquis force de chose jugée pour permettre une mainlevée définitive [p. 6]

V. entraide internationale

TF 2C_219/2022*

Refus de l'assistance administrative à la Russie en raison de risques de violation de l'ordre public et du principe de spécialité [p. 8]

Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).

Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide internationale.

I. PROCÉDURE PÉNALE

TF 7B_1159/2024 du 3 février 2025 | Déni de justice causé par le refus d'examiner le remplacement du défenseur d'office en raison d'une rupture du lien de confiance (art. 29 al. 1 Cst. ; art. 134 al. 2 CPP)

  • Le 15 août 2023, le Ministère public de l'arrondissement de La Côte (« Ministère public») a ouvert une instruction pénale contre A. (« Recourant ») pour contrainte sexuelle et viol au préjudice de sa compagne C.
  • Le Ministère public a désigné Me D. comme avocat d'office du Recourant, puis l'a relevé de ses fonctions et a désigné Me B., en qualité de nouveau défenseur d'office.
  • Le 4 juin 2024, le Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte a désigné Me M., en lieu et place de Me B. dans la cause en divorce du Recourant.
  • Le 5 juillet 2024, le Ministère public central du canton de Vaud a refusé d'approuver une ordonnance de classement rendue le 5 juin 2024 par le Ministère public en faveur du Recourant dans la procédure pénale l'opposant à C.
  • Par ordonnance du 30 juillet 2024, le Ministère public a refusé la demande du Recourant de désigner Me M. en qualité de défenseur d'office en remplacement de Me B.
  • Le 6 août 2024, le Recourant a invoqué une rupture totale du lien de confiance avec Me B., en raison de sa condamnation pour viol de son épouse, et a réitéré sa demande tendant à la révocation du mandat d'office de cet avocat et à la désignation de Me M. en qualité de défenseur d'office dans la cause l'opposant à C.
  • Le 7 août 2024, le Ministère public a invité le Recourant à lui indiquer d'ici au 14 août 2024 si son courrier devait être interprété comme un recours contre l'ordonnance du 30 juillet 2024. Ce dernier n'y a pas donné suite.
  • Le 2 octobre 2024, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois (« Cour cantonale») a rejeté le recours formé par le Recourant contre l'ordonnance du Ministère public.
  • Le Recourant a interjeté un recours au Tribunal fédéral.
  • Devant notre Haute Cour, le Recourant a reproché à la cour cantonale de n'avoir pas traité ses arguments en lien avec la rupture totale du lien de confiance avec son défenseur d'office. Il s'est plaint à cet égard d'un déni de justice formel (art. 29 al. 1 Cst.) (consid. 2.1).
  • Selon la jurisprudence, l'autorité qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinent pour l'issue du litige, commet un déni de justice formel proscrit par l'art. 29 al. 1 Cst. (consid. 2.2.1).
  • L'art. 134 al. 2 CPP constitue un corollaire du droit à l'assistance (art. 29 al. 3 et art. 32 al. 2 Cst., art. 6 par. 3 let. c CEDH et art.14 par. 3 let. d Pacte ONU II) garantissant une défense complète, assidue et efficace. Cette disposition prévoit que si la relation de confiance entre le prévenu et le défenseur d'office est gravement perturbée ou si une défense efficace n'est plus assurée pour d'autres raisons, la direction de la procédure confie la défense d'office à une autre personne (consid. 2.2.2).
  • Le défenseur néglige gravement ses devoirs lorsqu'il ne fournit pas de prestation propre et se contente de se faire le porte-parole du prévenu, sans esprit critique ou lorsqu'il est absent lors des débats ou lors des auditions de témoins importants (consid. 2.2.2).
  • In casu, le Tribunal fédéral a considéré que le Recourant avait dûment exposé les motifs pour lesquels il n'avait pas, respectivement, plus confiance en son défenseur d'office. En effet, il avait fait valoir que son défenseur d'office ne l'avait jamais assisté personnellement, puisque sa défense avait été confiée à un stagiaire, Me D., avec lequel il avait d'ailleurs été en désaccord sur la stratégie de défense. En outre, il a soutenu que son défenseur d'office n'envisageait pas non plus de le défendre personnellement dans la présente procédure - pour contrainte sexuelle et viol - puisque sa défense allait être assurée par une avocate stagiaire, qu'il ne connaissait du reste pas (consid. 2.4).
  • Notre Haute Cour a jugé que le Recourant avait motivé de manière détaillée, pièces à l'appui, pour quelles raisons il estimait avoir été mal défendu par son avocat d'office et les raisons de la rupture totale du lien de confiance avec ce dernier (consid. 2.4).
  • De plus, les juges de Mon-Repos ont précisé qu'il importait peu que le Recourant ait eu la possibilité de déposer une nouvelle requête auprès du Ministère public et de faire valoir, à cette occasion, son argumentation relative à une rupture du lien de confiance avec son défenseur d'office. Saisie d'un grief relevant de sa compétence, suffisamment étayé et susceptible d'influencer l'issue de la cause, la cour cantonale devait examiner et se déterminer sur un éventuel changement du défenseur d'office (consid. 2.4).
  • En définitive, en rejetant le recours sans examiner le grief tiré d'une rupture totale du lien de confiance entre le Recourant et son défenseur d'office au sens de l'art. 134 al. 2 CPP, la Cour cantonale avait commis un déni de justice formel proscrit par l'art. 29 al. 1 Cst (consid. 2.5).
  • Partant, le recours a été admis.

TF 7B_59/2022 du 11 février 2025 | Qualité pour recourir différenciée entre en cas d'une infraction de gestion déloyale et ou une d'escroquerie (art. 115 CPP, art. 382 al. 1 CPP ; art. 146 CP, art. 158 CP)

  • Les dirigeants de A. SA (« Recourante») ont soupçonné B., responsable de projet au sein de
    la société, d'avoir tenté de détourner sur son propre compte des rémunérations dues à la Recourante.
  • a été licencié avec effet immédiat et une plainte pénale a été déposée à son encontre le 21 janvier 2019 pour gestion déloyale, voire tentative d'escroquerie, notamment en adressant à C. SA une facture au nom de la Recourante, mais avec les coordonnées bancaires personnelles de B.
  • Le 28 avril 2022, le Ministère public genevois (« Ministère public») a prononcé une ordonnance de classement, contre laquelle la Recourante a recouru.
  • Sur recours, la Recourante a été déboutée par la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise (« Chambre pénale de recours»), au motif qu'elle ne disposait pas de la qualité pour recourir faute de pouvoir invoquer un intérêt juridiquement protégé.
  • La Recourante a interjeté recours au Tribunal fédéral, en reprochant à la Chambre pénal de recours d'avoir violé les art. 115 et 382 al. 1 CPP (consid. 2).
  • Le Tribunal fédéral a rappelé que le détenteur d'un bien juridique protégé directement par la disposition pénale en question est considéré comme personne lésée au sens de l'art. 104 al. 1 CPP . À noter que lorsqu'une infraction est perpétrée au détriment du patrimoine d'une personne morale, seule celle-ci subit un dommage et peut donc prétendre à la qualité de lésé, à l'exclusion des actionnaires d'une société anonyme, des ayants droits économiques et des créanciers (consid. 2.1.2).
  • In casu, le Tribunal fédéral avait relevé que l'ordonnance de classement du 28 avril 2022 portait sur les infractions d'escroquerie (art. 146 CP) et de gestion déloyale (art. 158 CP), soit sur deux infractions distinctes contre le patrimoine. Or, ni la cour cantonale, ni la Recourante n'avaient distingué la qualité de lésé en lien avec l'une ou l'autre de ces infractions (consid. 2.3.1).
  • En effet, notre Haute Cour a considéré que seule C. SA pouvait prétendre à la qualité de lésé en raison de l'infraction d'escroquerie, en tant qu'elle était la seule cible d'une tentative de tromperie astucieuse, visant à la convaincre de commettre des actes préjudiciables à ses propres intérêts pécuniaires (consid. 2.3.2).
  • Toutefois, les juges de Mon-Repos ont également conclu que la Recourante était la détentrice du bien juridique protégé par l'infraction de gestion déloyale. En effet, cette dernière avait indiqué qu'au vu de la position de confiance que B. exerçait au sein de l'entreprise, ainsi que de l'indépendance et de la latitude dont il disposait, ce dernier avait la charge de veiller aux intérêts patrimoniaux de son employeur. La Recourante lui reprochait donc d'avoir, malgré son devoir de fidélité, porté atteinte à ses intérêts (consid. 2.3.3).
  • Ainsi, le Tribunal fédéral a conclu que la cour cantonale ne pouvait pas nier à la Recourante sa qualité de lésée en considérant que son patrimoine n'avait jamais été mis en péril par le comportement de B. (consid. 2.3.3).
  • En outre, notre Haute Cour a retenu que l'existence d'un dommage n'était pas nécessaire à la reconnaissance du statut de lésé (art. 115 CPP) et à fonder la qualité pour recourir (art. 382 CPP) (consid. 2.3.3).
  • Partant, le recours a été partiellement admis.

TF 6B_407/2024 du 29 janvier 2025 | Violation du droit d'être entendu en raison d'une motivation insuffisante relative à l'indemnisation accordée au prévenu acquitté (art. 429 CPP

  • À la suite des plaintes de A., B., et C. (« Recourants »), D. (« Prévenu ») a été reconnu coupable de diffamation et d'injure par la Juge de police de l'arrondissement de la Gruyère.
  • Sur appel auprès de la Cour d'appel pénal fribourgeoise (« Cour d'appel pénal »), D. a été acquitté des chefs de prévention de diffamation et d'injure. Une indemnité de CHF 5'995,95 lui a été accordée pour l'ensemble de la procédure, mise à la charge des Recourants à raison d'un tiers chacun. Ces derniers n'avaient pas formé d'appel joint.
  • Les Recourants ont formé un recours au Tribunal fédéral contre cette décision.
  • Devant notre Haute Cour, les Recourants ont invoqué la violation de leur droit d'être entendus au motif que l'indemnité due au Prévenu acquitté a entièrement été mise à leur charge (consid. 2).
  • Le Tribunal fédéral a rappelé sa jurisprudence qui précise que l'art. 423 CPP doit se lire à l'aune de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, dont il découle que les frais de défense relatifs à l'aspect pénal sont généralement supportés par l'État, qui assume la responsabilité de l'action pénale (consid 2.1).
  • De plus, au sens de l'art. 112 al. 1 let. b LTF, les décisions susceptibles de recours au Tribunal fédéral doivent indiquer « les motifs déterminants de faits et de droit » sur lesquels l'autorité précédente s'est fondée, ainsi que le raisonnement juridique suivi afin de permettre un contrôle de celui-ci. Cette disposition concrétise le droit d'être entendu, dont la jurisprudence déduit le devoir pour l'autorité de motiver sa décision (consid. 2.2).
  • In casu, l'instance précédente avait calculé l'indemnité due au Prévenu en additionnant les heures de travail de son défenseur et l'avait mise à la charge des Recourants. Toutefois, notre Haute Cour a retenu que la motivation de la cour cantonale ne permettait pas de comprendre pour quelles raisons elle avait procédé ainsi, dans la mesure où l'arrêt attaqué n'établissait aucun lien entre ces frais et les conclusions civiles (consid. 2.3 cum4).
  • Partant, le recours a été admis.

II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

III. Droit international privÉ

IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

TF 4A_435/2024[1] du 4 février 2025 | Une décision de sûreté fiscale doit avoir acquis force de chose jugée pour permettre une mainlevée définitive (art. 80 et 81 LP ; art. 165 et 169 LIFD)

  • La Confédération suisse (« Créancière») a engagé une poursuite contre A. (« Recourant ») en raison d'une créance découlant d'une demande de sûretés s'élevant à CHF 1'065'000.-, avec des intérêts à 4 % dès le 10 novembre 2023. Le Recourant a formé opposition et la mainlevée a d'abord été rejetée par le Richteramt de Soleure-Lebern, avant d'être accordée, sur recours de la Créancière, par l'Obergericht.
  • Le Recourant a formé un recours au Tribunal fédéral.
  • Devant notre Haute Cour, le Recourant a reproché à l'instance précédente d'avoir accordé la mainlevée définitive en l'absence de titre de mainlevée (consid. 2).
  • Au sens de l'art. 81 al. 1 LP, lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire rendu par un tribunal ou une autorité administrative suisse, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription. Sont assimilées à des jugements, les décisions des autorités administratives suisses (art. 80 al. 2 ch. 2 LP).
  • Le Tribunal fédéral a rappelé qu'une décision est exécutoire lorsqu'elle ne peut plus être attaquée par un recours ordinaire, lorsqu'il ne reste qu'un seul recours qui n'a pas d'effet suspensif ou lorsque l'effet suspensif a été retiré (consid. 2.1.1).
  • En droit fiscal, la mainlevée requiert que les décisions et les jugements en matière de taxation soient à la fois exécutoires et définitifs (consid. 2.1.2).
  • Au sens de l'art. 169 al. 1 LIFD, si le contribuable n'a pas de domicile en Suisse ou si le paiement de l'impôt paraît compromis, l'administration cantonale de l'impôt fédéral direct peut exiger des sûretés à tout moment, même avant la fixation définitive du montant de l'impôt. La demande de sûretés indique le montant à garantir et est immédiatement exécutoire. Le recours contre ce type de décision est dépourvu d'effet suspensif (art. 169 al. 4 LIFD).
  • En outre, l'État bénéficie d'un privilège par rapport aux autres créanciers, la demande de sûretés étant assimilée à une ordonnance de séquestre au sens de l'art. 274 al. 1 LP, exécutée par l'office des poursuites (art. 170 al. 1 LIFD). Si les conditions des sûretés sont contestées, la seule possibilité est de faire opposition auprès de l'administration fiscale ou de faire appel auprès de l'instance de recours compétente (consid. 2.2. ss).
  • La question qui s'est dès lors posée était de savoir si la demande de sûretés donnait droit à une mainlevée définitive avant d'avoir acquis force de chose jugée (consid. 5).
  • In casu, dans un premier temps, notre Haute Cour a examiné l'interprétation littérale de la loi par l'instance précédente. En particulier, le Tribunal fédéral a souligné la distinction faite entre la terminologie de l'art. 169 al. 1 in fine LIFD, qui dispose qu'une demande de sûretés est immédiatement exécutoire et produit les mêmes effets qu'un jugement exécutoire ; et celle de l'art. 165 al. 3 LIFD, qui précise que les décisions de taxation doivent être « en force» pour être assimilées à un jugement exécutoire (consid. 6.3.1).
  • Notre Haute Cour a retenu que cette différence de terminologie suggérait l'application de règlementations distinctes entre les deux dispositions (consid. 6.3.1).
  • Dans un deuxième temps, les juges de Mon-Repos ont confirmé l'interprétation systématique de l'instance précédente. En effet, celle-ci avait estimé que la structure de la loi offrait des indices qui permettaient de considérer l'art. 169 LIFD comme une lex specialis par rapport à l'art. 165 LIFD (consid. 6.3.2).
  • Dans un troisième temps, le Tribunal fédéral a effectué une interprétation téléologique des dispositions en cause. Contrairement à ce que l'instance précédente avait retenu, il a souligné que le rejet de la mainlevée définitive n'affectait pas le séquestre et que la loi prévoyait un cadre spécifique pour éviter un blocage prolongé des avoirs (art. 279 al. 1 LP).
  • En particulier, notre Haute Cour a souligné que cette disposition imposait une poursuite de la créance ou une action dans un délai de dix jours. De ce fait, si une administration fiscale venait à engager une procédure de séquestre, elle se fondait en pratique sur une demande de sûretés émise dans une procédure considérée comme une action en justice (art. 279 al. 1 LP). Par conséquent, le Tribunal fédéral a retenu que les administrations fiscales ne pouvaient engager de poursuites qu'après l'entrée en force de la demande de sûretés (consid. 6.3.3)
  • En outre, notre Haute Cour a conclu que dans la mesure où le cumul du séquestre et de la poursuite en sûretés étaient admissibles, une demande de sûretés ayant force de chose jugée était exigée pour la mise en Suvre de la procédure en sûretés. En tout état de cause, la doctrine fiscale exigeait systématiquement que la demande de sûretés ait force de chose jugée avant que la mainlevée de l'exécution puisse être accordée pour la poursuite en matière de sûretés (consid. 6.3.4).
  • In fine, le Tribunal fédéral a estimé que si le législateur avait bel et bien voulu accorder un privilège aux créances fiscales en permettant à l'administration fiscale d'éviter un passage devant le juge du séquestre, ce privilège ne s'étendait pas jusqu'à la possibilité d'autoriser la mainlevée sur une créance non définitive (consid. 6.3.5).
  • En conclusion, les juges de Mon-Repos ont jugé que les demandes de sûretés ne donnaient droit à une mainlevée définitive que lorsqu'elles avaient acquis force de chose jugée (consid. 6.4.1).
  • Partant, le recours a été admis.

V. ENTRAIDE INTERNATIONALE

TF 2C_219/2022[2] du 30 janvier 2025 | Refus de l'assistance administrative à la Russie en raison de risques de violation de l'ordre public et du principe de spécialité (art. 25a CDI CH-RU)

  • Le 30 octobre 2018, l'autorité compétente russe (« Autorité requérante») a adressé une demande d'assistance administrative internationale en matière fiscale à l'Administration fédérale des contributions (« Administration fédérale »), fondée sur l'art. 25a de la Convention du 15 novembre 1995 entre la Confédération suisse et la Fédération de Russie en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (RS 0.672.966.51 ; « CDI CH-RU »).
  • La demande concernait la société russe A. (« Société »), qui avait versé des dividendes à des sociétés chypriotes sur trois comptes bancaires ouverts en Suisse auprès de la banque G. SA. L'Autorité requérante soupçonnait que ces sociétés n'étaient pas les véritables bénéficiaires économiques des dividendes et cherchait à réévaluer l'impôt à la source dû.
  • Par décision du 10 décembre 2019, l'Administration fédérale a accordé l'assistance administrative à la Russie, notifiant sa décision à la Société ainsi qu'à plusieurs autres entités concernées (H., B., C., D., E. et F. (« Recourantes»)).
  • Le 21 février 2022, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours des Recourantes et a confirmé la décision de l'Administration fédérale.
  • Les Recourantes ont interjeté recours au Tribunal fédéral.
  • Le litige portait sur le point de savoir si l'assistance administrative requise le 30 octobre 2018 devait être accordée à la Fédération de Russie, ce que l'arrêt attaqué avait admis (consid. 6).
  • Aux termes de l'art. 25a par. 3 let. c CDI CH-RU (correspondant à l'art. 26 par. 3 let. c MC OCDE), les dispositions des par. 1 et 2 ne peuvent pas être interprétées comme imposant à un État contractant l'obligation de fournir des renseignements qui révéleraient un secret commercial, industriel, professionnel ou un procédé commercial ou des renseignements dont la communication serait contraire à l'ordre public (consid. 7.3).
  • Selon la jurisprudence fédérale, la réserve de l'ordre public figurant à l'art. 26 par. 3 let. c MC OCDE renvoie à l'ordre public national. Cette notion doit être interprétée de manière restrictive et conforme à la bonne foi. De plus, un refus de reconnaître et d'exécuter des décisions étrangères au motif qu'elles seraient contraires à l'ordre public ne peut être admis qu'en cas de violation manifeste des principes fondamentaux de l'ordre juridique suisse (consid. 7.3.1).
  • Notre Haute Cour a précisé que les garanties minimales de la CEDH et du Pacte ONU II et, au premier plan, les garanties relevant du droit impératif (jus cogens), font partie de l'ordre public. Le Tribunal fédéral a rappelé que le jus cogens désigne les normes fondamentales du droit international, telles que l'interdiction de la torture, l'interdiction de génocide ou les principes fondamentaux du droit humanitaire des conflits armés, qui s'appliquent à tous les sujets du droit international et auxquelles il ne peut être dérogé, même par consentement mutuel. Ainsi, il est justifié d'interpréter ces dispositions en ce sens qu'il est possible de refuser l'assistance administrative en cas de menace sérieuse de violations élémentaires des droits de l'homme ou des garanties fondamentales de l'État de droit (consid. 7.3.2).
  • Les juges de Mon-Repos ont rappelé que l'art. 25a par. 2 CDI CH-RU consacre le principe de spécialité pour l'assistance administrative internationale en matière fiscale : l'État requérant doit utiliser les renseignements uniquement à des fins fiscales et exclusivement pour les personnes visées par la demande. Or, l'absence de garanties procédurales dans l'État requérant peut rendre l'application de ce principe contraire à l'ordre public (consid. 7.4).
  • Le Tribunal fédéral a ensuite rappelé que les procédures administratives internationales sont soumises au principe de la diligence, exprimé à l'art. 4 al. 2 LAAF. Celui-ci reflète l'obligation internationale de la Suisse d'assurer un échange de renseignements efficace, conformément au standard de l'art. 26 MC OCDE (consid. 7.5).
  • Pour finir, les juges de Mon-Repos ont souligné que la suspension d'une procédure d'assistance administrative doit être exceptionnelle et limitée dans le temps, afin de ne pas contrevenir aux principes de diligence et de célérité (art. 29 al. 1 Cst.). En cas de persistance des conditions ayant justifié la suspension, l'autorité concernée doit rendre une décision sur le fond (consid. 7.6).
  • In casu, le Tribunal fédéral a retenu que depuis l'agression russe en Ukraine en février 2022 il était possible que la législation russe sur la lutte contre le terrorisme ou l'extrémisme soit utilisée pour restreindre les droits de l'homme. Dans ce contexte, donner suite à la demande d'assistance administrative de la Russie ne garantissait pas le respect de l'ordre public ni du principe de spécialité, notamment en raison de la transmission de renseignements concernant partiellement des citoyens ukrainiens (consid. 8.2).
  • Notre Haute Cour a estimé que, face à cette situation, deux options étaient envisageables : une nouvelle suspension de la procédure ou le rejet de la demande d'assistance de la Russie (consid. 8.3).
  • Le Tribunal fédéral a précisé que les autorités suisses avaient déjà été confrontées à une question similaire en matière d'entraide pénale (ATF 149 IV 144 et ATF 150 IV 201), où des mesures de blocages de comptes avaient été prises. Face à de telles mesures, et afin de respecter les obligations de la Suisse au cas où les relations avec la Fédération de Russie devaient se rétablir, le Tribunal fédéral avait tranché pour la suspension de la mesure, aussi longtemps que celle-ci serait conforme au principe de la proportionnalité (consid. 8.1.).
  • In casu, les juges de Mon-Repos ont considéré que la situation actuelle ne permettait pas d'espérer une évolution favorable dans un avenir prévisible. Dès lors, une nouvelle suspension de la procédure n'était pas envisageable (consid. 8.3).
  • Le Tribunal fédéral a précisé que contrairement à des fonds bloqués dont une décision de libération conduirait à une situation irréversible, la présente demande d'entraide concernait une mesure ponctuelle de transmission de renseignements bancaires, dont le refus n'empêchait pas l'Etat requérant de former une nouvelle demande. Comme en matière d'entraide pénale, les décisions d'assistance administrative ne jouissaient pas de l'autorité matérielle de chose jugée (consid. 8.3).
  • Partant, le recours a été admis.

Footnotes

1 Arrêt destiné à publication.

2 Arrêt destiné à publication.

3 Arrêt destiné à publication.

4 Arrêt destiné à publication.

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