La loi de finances pour 2025, adoptée mercredi dernier sous réserve du contrôle de constitutionnalité, introduit une réforme substantielle des "management packages" destinée à en sécuriser le régime fiscal et social.
- Champ d'application : le nouvel article
163 bis H du CGI vise le "gain net
réalisé sur les titres souscrits ou acquis par des
salariés ou des dirigeants ou attribués à
ceux-ci qui est acquis en contrepartie des fonctions de
salarié ou de dirigeant dans la société
émettrice des titres".
Selon notre lecture, ce ne sont pas tous les titres souscrits, acquis ou attribués par / à un salarié ou dirigeant qui sont concernés, mais uniquement ceux donnant prise à un gain qui, par ses caractéristiques, ne constitue pas une plus-value d'investisseur ordinaire mais la contrepartie des fonctions de salarié ou de dirigeant et devraient donc, en principe, relever de la catégorie des traitements et salaires.
La grille de lecture fixée par le Conseil d'Etat dans ses trois arrêts du 13 juillet 2021 et la jurisprudence antérieure qui les annonçait (notamment l'arrêt de 2019 sur les "rétrocessions de plus-values") devrait donc, à notre sens, demeurer applicable pour déterminer si des gains sont attachés à l'exercice des fonctions de dirigeant ou de salarié et relèvent donc, ou non, de ce nouveau dispositif. Autrement dit, ce texte devrait permettre de réintroduire dans la documentation juridique certains mécanismes (good ou bad leavers, vesting, etc.) tout en bénéficiant du régime détaillé ci-après et donc de l'imposition du gain, dans certaines limites et conditions, selon le régime des plus-values. A notre avis, qui méritera d'être confirmé à la lecture des commentaires administratifs, les dispositifs "sûrs" dans lesquels on élimine ce type de mécanismes et, plus généralement, les investissements purement financiers y compris lorsqu'ils sont réalisés par des salariés, dirigeants ou fondateurs d'entreprises, devraient, quant à eux, continuer à relever intégralement et sans conditions du dispositif des plus-values.
Il est cependant regrettable que le texte ne contienne aucune clarification concernant ces mécanismes, permettant de faire la différence entre un "management package" soumis au nouveau dispositif et un gain en capital traditionnel. De ce point de vue, l'incertitude juridique reste réelle.
Le dispositif s'appliquera à tous types d'instruments, y compris les titres issus de régimes légaux (stock-options, actions gratuites et BSPCE) ; pour ces derniers, la plus-value concernée sera celle constatée après l'exercice des options/bons ou l'acquisition définitive des actions gratuites.
Plus généralement, le dispositif ne s'appliquera pas au gain constaté "à l'entrée", autrement dit à l'avantage résultant de l'acquisition ou de la souscription de titres à un prix inférieur à leur valeur réelle, qui continuerait à relever du régime des salaires, ou du régime légal s'agissant des stock-options / actions gratuites / BSPCE.
- Impôt sur le revenu : le gain net acquis
en contrepartie des fonctions de salarié ou dirigeant sera
imposé comme suit :
- Régime des plus-values dans la limite de trois
fois la performance de la société émettrice
: la plus-value maximale imposable selon le régime
des plus-values de valeurs mobilières sera calculée
en appliquant au prix payé pour la souscription ou
l'acquisition des titres un "multiple de la
performance financière" de la
société émettrice.
- Le multiple de la performance
financière correspond à 3 fois le ratio
entre :
(i) la valeur réelle de la société émettrice à la date de cession des titres ou toute autre opération d'échange portant sur ces titres ; et
(ii) la valeur réelle de la société émettrice à la date d'acquisition ou de souscription desdits titres (ou pour les actions gratuites à la date de leur acquisition définitive). - La valeur réelle de la société s'entend, pour faire simple, de la valeur réelle de ses capitaux propres augmentée des dettes de la société envers tout actionnaire ou toute entreprise liée ; ce dispositif est sans doute destiné à traiter les avantages résultant de mécanismes dits de sweet equity. Le cas des Manco est aussi spécifiquement visé : lorsque la société émettrice a pour objet principal la détention, directe ou indirecte, de participations des salariés ou des dirigeants concernés dans une autre société, la valeur réelle sera celle de cette autre société.
- Cette imposition (plafonnée) selon le régime des plus-values est subordonnée à ce que les titres (i) présentent un risque de perte du capital souscrit ou acquis et (ii) aient été détenus pendant deux ans au moins. En seront donc, par exemple, toujours exclus les BSA exercés immédiatement avant la sortie, ou les actions gratuites qui n'auront été conservées qu'un an au lieu de deux (si la plus-value relève, par ses caractéristiques, d'une rémunération et non d'une plus-value ordinaire d'investisseur, cf. ci-dessus).
- Le multiple de la performance
financière correspond à 3 fois le ratio
entre :
- Salaires : la fraction du gain excédant
le plafond défini ci-dessus, ou attachée à des
titres ne répondant pas aux conditions de risque en capital
et de détention de deux ans, sera imposée dans la
catégorie des traitements et salaires.
- Régime des plus-values dans la limite de trois
fois la performance de la société émettrice
: la plus-value maximale imposable selon le régime
des plus-values de valeurs mobilières sera calculée
en appliquant au prix payé pour la souscription ou
l'acquisition des titres un "multiple de la
performance financière" de la
société émettrice.
- Prélèvements sociaux :
- Le gain net réalisé en contrepartie des fonctions de salarié ou dirigeant sera exonéré de toutes charges sociales, salariales et patronales ainsi que de la CSG/CRDS sur les revenus de nature salariale. Cette exonération n'est ni soumise au plafond de trois fois la performance de la société ni subordonnée aux conditions de risque de perte du capital et de détention pendant deux ans. C'est un apport inattendu et particulièrement favorable de ce dispositif, traduisant la volonté du législateur de ne pas sanctionner les employeurs qui ne sont pas à la manœuvre des accords conclus par leurs associés. En revanche, il ne remet pas en cause, en première lecture, l'assujettissement aux charges et cotisations sociales du gain réalisé "à l'entrée" (cf. ci-dessus).
- Chez le bénéficiaire, la fraction du gain net
imposée selon le régime des salaires ne serait
soumise, semble-t-il et sous réserve de confirmation,
qu'à une contribution salariale libératoire
nouvelle de 10% versée à la Caisse Nationale des
Allocations Familiales. La fraction du gain net imposable selon le
régime des plus-values devrait rester dans le champ des
prélèvements sociaux de 17,2%.
- Fait générateur : le gain net
– en tout cas pour la partie imposable selon le régime
des salaires – sera taxable chez le salarié ou
dirigeant concerné au titre de l'année au cours
de laquelle il a disposé de ses titres ou les a
cédés, convertis ou mis en location et, en cas de
donation, au titre de l'année au cours de laquelle le
donataire a disposé de ses titres ou les a
cédés, convertis ou mis en location.
L'articulation de cette règle avec le renvoi, pour la
partie imposable selon le régime des plus-values, aux
règles générales de l'article 150-0A du
CGI qui comporte certains dispositifs dérogatoires (apport
à une société soumise à l'IS, par
exemple) méritera d'être affinée.
- PEA : Les titres concernés par ce
nouveau dispositif ne pourront pas figurer sur un PEA. Cette mesure
s'applique aux titres souscrits ou acquis à compter du
lendemain de la promulgation de la loi de finances 2025.
- Entrée en vigueur : ces règles seront applicables aux dispositions, cessions, conversions ou mises en location réalisées à compter du lendemain de la promulgation de la loi de finances. Elles concernent donc de fait tous les plans existants. Pour le volet prélèvements sociaux, cependant, une date butoir (qu'on peut sans doute entendre comme une clause de rendez-vous) est fixée au 31 décembre 2027.
Outre la question de son champ d'application exact, ce dispositif comporte manifestement encore de nombreuses zones d'ombre, notamment en cas de réorganisations (donations, apports à une société à l'IS, etc.).
On en retiendra toutefois qu'il pourrait permettre la résurgence de certains outils de management package, qui seront exonérés de charges sociales et considérés comme des plus-values dès lors que le gain est inférieur au plafond décrit ci-dessus, sous réserve de la nécessité d'un risque pris sur le capital souscrit ou acquis et d'une détention des actions pendant au moins deux ans.
Nous restons bien évidemment à votre disposition pour toute question sur ce qui précède.
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