Avec 350'000 travailleurs frontaliers, le télétravail constitue une problématique majeure entre la Suisse et la France.

Une enquête statistique réalisée en 2022 par l'AFC auprès d'employeurs suisses de salaries «français» (i.e. domiciliés en France) imposés à la source en Suisse a révélé que 34,7% des employeurs autorisaient le télétravail de leur personnel frontalier et que, pour 7 4,8% d'entre eux, un taux de télétravail pouvant aller jusqu'à 40% répondait à leurs besoins opérationnels.

La question du télétravail entre la Suisse et la France - fort de 350'000 frontaliers - s'est donc vite posée comme une problématique majeure entre les deux pays. Avant la pandémie, les travailleurs frontaliers pouvaient télétravailler à hauteur de 25% de leur taux d'activité sans impact sur leur couverture sociale ou leur fiscalité. Pendant la pandémie de COVID-19, les Etats membres de l'Union européenne ainsi que la Suisse (Accord du 13 mai 2020 avec la France) ont convenu, face à l'urgence de la situation, de la neutralisation des règles fiscales et sociales encadrant la pratique du télétravail pour les travailleurs frontaliers. Ce régime fiscal et social dérogatoire a pris fin au 31 décembre 2022 en matière fiscale et au 30 juin 2023 pour le volet social.

Le 22 décembre 2022, la Suisse et la France se sont accordées sur la mise en place d'un régime fiscal pérenne en matière de télétravail, fixant à 40 % le temps de travail à distance par année sans que soient remises en cause les modalités d'imposition des revenus d'activité salariée, que ce soit pour les travailleurs relevant de la convention fiscale conclue initialement entre la Suisse et la France en 1966 («CDI») ou ceux relevant de l'accord conclu en 1983 entre Le Conseil fédéral et la France («Accord de 1983>).

En deçà de 40% de télétravail annuel, aucun retraitement fiscal ne doit être opéré par l'employeur genevois.

Il convient en effet de distinguer les salariés «français» d'entreprises établies dans les cantons de Berne, Soleure, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Vaud, Valais, Neuchâtel et Jura (dont les modalités d'imposition de leur rémunération sont contenues dans l'Accord de 1983 qui déroge aux règles «ordinaires» prévues par la CDI) des salariés «français» travaillant pour des entreprises établies dans d'autres cantons, en particulier celui de Genève (pour qui ce sont les principes fixés dans la CDI qui s'appliquent s'agissant de l'imposition de leur salaire, à savoir l'imposition à la source dans l'État d'exercice de l'activité).

S'agissant des premiers, la France et la Suisse sont restées convenues que l'exercice du télétravail, dans la limite de 40% du temps de travail, ne remet en cause ni le statut de «frontalier» du salarié concerné, ni le principe selon lequel sa rémunération est imposable dans son pays de résidence. Ainsi, dans la limite des 40%, les salariés français d'une entreprise vaudoise resteront taxables exclusivement en France. Au-delà de cette limite, ils perdent leur statut de «frontalier» et deviennent classiquement imposables à la source en Suisse. Dans ce cas, l'employeur suisse devra prélever le montant de l'impôt sur le salaire de son employé et le verser à l'administration fiscale cantonale.

Concernant les salariés «français» dont l'employeur - de même que le lieu d'exercice principal de l'activité - est localisé dans le canton de Genève, un avenant à la CDI traitant spécifiquement du télétravail a récemment été signé, le 27 juin 2023, par les autorités des deux pays. Il devra être encore approuvé par les parlements respectifs suisse et français, observation faite que, dans l'intervalle et jusqu'au 31 décembre 2024 au plus tard, l'accord amiable «temporaire» signé le 22 décembre 2022 demeure en vigueur. Le nouveau cadre conventionnel permet ainsi l'exercice du télétravail depuis le domicile du salarié dans la limite de 40% du temps de travail annuel, sans priver l'Etat de l'employeur du droit d'imposer les rémunérations y afférentes. Il est accompagné d'un dispositif d'échange automatique de renseignements concernant les données salariales entre la France et la Suisse.

Concrètement, en deçà de 40% de télétravail annuel, aucun retraitement fiscal ne doit être opéré par l'employeur genevois, lequel continuera de procéder à la retenue de l'impôt à la source sur 100% du salaire.

En revanche, si le seuil de 40% de travail à distance depuis la France est dépassé - soit, sur une base annuelle, généralement 96 jours par année civile - l'employeur suisse devra prélever l'impôt à la source uniquement sur une partie de la rémunération versée au collaborateur (pour tenir compte du nombre de jours télétravaillés, dont la rémunération ne saurait être imposée en Suisse mais le sera en France). Le salarié perdra également, le cas échéant, son statut de «quasi-résident» suisse. En effet, ce statut de quasi-résident suppose qu'au moins 90% des revenus du contribuable sont imposables en Suisse. Or, en télétravaillant au-delà de 40%, le seuil de 90% ne peut pas être atteint.

Sous réserve de la ratification du nouvel avenant à la convention fiscale franco-suisse en matière de répartition de l'imposition des revenus du télétravail, qui devrait normalement intervenir dans les prochains mois, les problématiques fiscales liées au télétravail sont désormais réglées.

Tel est également le cas en matière de cotisations sociales, pour lesquelles les dérogations inhérentes au COVID-19 ont pris fin le 30 juin dernier. En effet, ce même 30 juin 2023, la France et la Suisse ont signé l'Accord-cadre européen permettant à un travailleur frontalier ou transfrontalier de demander le maintien de la législation sociale de l'Etat d'emploi lorsqu'il télétravaille moins de 50% de son temps de travail dans son Etat de résidence.

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