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6 March 2025

Principales décisions en responsabilité du fait des produits : mise à jour du T4 de 2024

MT
McCarthy Tétrault LLP

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McCarthy Tétrault LLP provides a broad range of legal services, advising on large and complex assignments for Canadian and international interests. The firm has substantial presence in Canada’s major commercial centres and in New York City, US and London, UK.
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Canada Consumer Protection

Le groupe Responsabilité du fait des produits et réclamations en responsabilité délictuelle de masse de McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l., est heureux de vous présenter son analyse des décisions récentes visant les entreprises qui fabriquent ou vendent des produits au Canada:

  1. Régler une affaire de manière intelligente : ce qu'il faut retenir de la décision Dine v. Biomet Inc. 2024 ONSC 5949
  2. Essais, rappels et responsabilité : les leçons à tirer de la décision Muss v. 735084 Alberta Inc. 2024 BCSC 2078
  3. Pas de préjudice, pas d'action : le rejet de questions communes dans la décision Bosco v. Mentor Worldwide LLC, 2024 BCSC 1931

Régler une affaire de manière intelligente : ce qu'il faut retenir de la décision Dine v. Biomet Inc. 2024 ONSC 5949

La récente décision de la Cour supérieure de justice de l'Ontario, Dine v. Biomet Inc., rappelle utilement que les défendeurs ont tout intérêt à constituer un dossier solide sur le fond, même s'ils finissent par conclure un règlement. Cette décision souligne également l'importance d'adapter de manière appropriée la structure d'un règlement.

La question soumise à la Cour était l'approbation d'un règlement à l'encontre de Biomet, un fabricant de dispositifs médicaux. En examinant l'équité du règlement, la Cour a mentionné à plusieurs reprises les « [traduction] risques importants liés au litige » (significant litigation risks) auxquels les demandeurs étaient confrontés. Ces risques résultaient des efforts « [traduction] vigoureux » déployés par la société défenderesse pour assurer sa défense dans le cadre de l'affaire.

Contexte

Les demandeurs étaient des personnes qui avaient subi des opérations de remplacement de la hanche avec des prothèses de hanche de Biomet. Ils alléguaient de graves complications à la suite de l'opération, notamment des douleurs, une gêne et des pathologies liées au métal. Ils ont également accusé Biomet de négligence dans la conception de ces prothèses. 

Biomet était prête à « [traduction] défendre vigoureusement la sécurité et l'efficacité de ses produits » dans le cadre « [traduction] des nombreuses étapes complexes » du litige1 , et, par conséquent, l'affaire soulevée par les demandeurs « [traduction] comportait plus de risques » pour eux que dans des précédents comparables2.

Face à la perspective d'un procès long et à l'issue incertaine, les deux parties ont entamé des négociations en vue d'un règlement.

Décision

La Cour a approuvé le règlement comme étant juste et raisonnable dans les circonstances3. Elle a souligné que le règlement conférait des avantages significatifs aux membres du groupe, en particulier s'agissant des risques associés à la poursuite du litige4. Dans sa décision, le juge Glustein a accordé une importance considérable aux risques liés au litige auxquels les demandeurs étaient exposés si l'affaire allait jusqu'au procès5. Parmi ces risques, il y avait la possibilité d'une décision défavorable, comme la conclusion que la conception des implants de Biomet n'était pas défectueuse, avec pour résultat qu'aucune indemnisation ne soit accordée au groupe. Il était reconnu que les risques particuliers liés aux prothèses de Biomet étaient uniques et que ces dispositifs fonctionnaient mieux que d'autres systèmes de prothèse de hanche utilisant des composants comparables dans d'autres actions collectives. 

La Cour a également fait observer que la structure de règlement proposée — une structure de règlement sur la base de réclamations (claims-made settlement structure) — était plus intéressante qu'une structure de réserve collective (aggregate fund structure) dans les circonstances, un argument militant en faveur de l'équité du règlement6.

Dans le cadre d'une structure de réserve collective, une somme d'argent fixe est réservée pour payer les réclamations des membres du groupe. Dans le cadre d'un règlement sur la base de réclamations, le montant utilisé pour payer les réclamations dépend du nombre de demandeurs qui se présentent. Le règlement est « conclu » par le nombre ultime de demandeurs qui se manifestent.

Dans l'affaire Biomet, les parties ne savaient pas exactement combien de membres du groupe avaient subi des interventions chirurgicales au moyen des dispositifs médicaux de Biomet, en partie à cause de l'absence d'un registre national au Canada permettant de suivre cette information. Le risque de créer une réserve collective trop importante ou trop faible était majeur, puisque le nombre total de demandeurs éventuels n'était pas connu. Une structure de règlement sur la base de réclamations a donc été considérée comme une structure de règlement beaucoup plus équitable pour le règlement des demandes d'indemnisation.

Compte tenu des risques de litige et de la structure de règlement privilégiée, le tribunal a conclu que le règlement était dans l'intérêt des membres du groupe7 . L'approbation reflète l'équilibre entre les avantages du règlement et les incertitudes éventuelles d'une bataille juridique prolongée.

Points à retenir

  1. Pour un défendeur, il est essentiel de constituer un dossier solide sur le fond, même lorsque l'affaire est susceptible d'être réglée, car cela renforcera le pouvoir de négociation.
  2. La structure du règlement proposée pour une action collective doit être soigneusement étudiée afin de tenir compte des circonstances particulières du groupe et de l'affaire et ainsi maximiser la probabilité qu'elle soit approuvée par le tribunal.

Essais, rappels et responsabilité : les leçons à tirer de la décision Muss v. 735084 Alberta Inc. 2024 BCSC 2078

Dans la décision Muss v. 735084 Alberta Inc., la Cour suprême de la Colombie-Britannique a fourni des commentaires utiles sur l'importance de la tenue d'essais préalables à la mise en marché et de la gestion des rappels, en particulier en ce qui concerne les produits dangereux.

Earth Management a pris connaissance des problèmes occasionnés par les répulsifs à ours entre les mois d'avril 2016 et octobre 2017. Les répulsifs à ours avaient tendance à exploser au lieu de s'élever dans les airs comme prévu. Earth Management a cessé de vendre les répulsifs à ours en octobre 2017 parce que « [traduction] trop de gens se blessaient, ce qui n'est pas bien »8.

Un rappel de portée limitée avait été tenté. Un cadre d'Earth Management avait dressé une liste des détaillants qui avaient acheté les répulsifs à ours (ils étaient moins de 80) et leur avait envoyé une lettre leur demandant de cesser de les vendre9. Toutefois, il n'était pas établi que les clients d'Earth Management avaient reçu les lettres. En outre, Earth Management n'avait jamais reçu de réponse de ses clients. Elle avait effectué un suivi auprès de son plus gros client, mais pas auprès des autres10.

Le demandeur alléguait la négligence d'Earth Management tant du fait qu'elle avait distribué un produit défectueux que dans le rappel qu'elle avait effectué de ce produit.

Décision

La Cour a estimé qu'Earth Management avait été négligente dans la distribution des « [traduction] répulsifs à ours » (bear bangers), causant ainsi le préjudice du demandeur. Les essais effectués par Earth Management avant la mise en marché n'étaient pas conformes aux normes du secteur — ils avaient été limités à des détonations sporadiques et aléatoires effectuées par un cadre de l'entreprise. Ces essais n'avaient pas été documentés et aucun système de contrôle de la qualité n'avait été mis en place11. Le juge Wilkinson a souligné que des essais plus rigoureux auraient pu révéler le vice et prévenir le préjudice12

La Cour a également estimé qu'Earth Management était responsable de négligence dans le rappel qu'elle avait effectué du produit. La portée du rappel — une seule lettre et aucun suivi — était inadéquate compte tenu du risque sérieux de préjudice que présentaient ces répulsifs à ours pour les utilisateurs13.

Un rappel répondant à la norme de diligence requise aurait, au minimum, consisté à téléphoner ou à envoyer un courrier électronique à chaque client pour confirmer qu'il avait bien reçu la lettre et qu'il savait que le produit était dangereux pour les utilisateurs et ne devait pas être vendu. Cela n'a pas été le cas et, apparemment, le demandeur a pu acheter un répulsif à ours défectueux des années après le rappel prévu14.

La Cour a accordé des dommages-intérêts au demandeur, afin de tenir compte des incidences sur les plans financier et de la sécurité causés par le vice du produit et les lacunes du rappel.

Points à retenir

  1. Les entreprises doivent procéder à des essais rigoureux avant la mise en marché qui sont conformes aux normes du secteur, voire les dépassent, afin de repérer les vices éventuels des produits avant qu'ils ne se retrouvent entre les mains des consommateurs. Si elles ne le font pas, non seulement elles augmentent le risque de préjudice, mais elles engagent aussi leur responsabilité sur les plans juridique et financier.
  2. Lorsque des vices sont identifiés, les entreprises doivent agir de manière rapide et rigoureuse pour mettre en œuvre un programme de rappel fiable. Une communication claire, de solides efforts de sensibilisation et des conseils aux utilisateurs concernés sont essentiels pour réduire le préjudice au minimum et faire preuve de diligence dans le traitement des problèmes connus liés aux produits.

Pas de préjudice, pas d'action: le rejet de questions communes dans la décision Bosco v. Mentor Worldwide LLC, 2024 BCSC 1931

Dans la décision Bosco v. Mentor Worldwide LLC, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a refusé de certifier certaines questions communes contestées dans le cadre d'une action collective proposée contre Mentor Worldwide LLC (« Mentor »), un fabricant d'implants mammaires.

La Cour a certifié d'autres questions communes non contestées.

Contexte

Les demandeurs avaient cherché à faire certifier des questions communes pour le compte de personnes qui avaient reçu des implants mammaires de Mentor en se fondant sur le principe que les produits contenaient des « toxines » et que Mentor n'avait pas communiqué de mise en garde adéquate au sujet de ces toxines. Les toxines ont été définies dans les documents des demandeurs de manière large et non limitative comme « [traduction] des métaux lourds et/ou des produits chimiques volatils et extractibles, ou d'autres toxines qui pourraient être prouvées au cours du procès »15.

Les demandeurs n'ont pas cherché à faire certifier une question commune selon laquelle les toxines alléguées étaient nocives. Ils n'ont apporté aucune preuve démontrant que ces toxines pouvaient causer un état, une maladie ou un préjudice particulier.

Les demandeurs ont fait valoir qu'ils n'étaient pas tenus de prouver que les toxines étaient en fait nocives. Ils ont plutôt fait valoir qu'ils n'étaient tenus qu'à présenter tout ce qui suit16:

  1. une preuve tendant à prouver que les implants étaient nocifs (en soulignant le préjudice qu'ils avaient subis après leurs opérations de pose d'implants mammaires — et non la preuve que les toxines avaient causé ce préjudice);
  2. une preuve d'une méthodologie réalisable pour répondre à la question de la nocivité des toxines au procès;
  3. une preuve que la question de la nocivité des toxines pouvait faire l'objet d'une réponse commune.

Mentor s'est opposée à la certification, en grande partie parce qu'il n'y avait pas de base factuelle à l'allégation selon laquelle les toxines étaient nocives17.

Décision

La Cour a donné raison à Mentor et a refusé la certification des questions communes contestées. Elle n'a trouvé aucune base factuelle indiquant que les toxines alléguées étaient présentes ou s'étaient répandues à partir des implants mammaires en quantité suffisante pour causer un préjudice18. Il était inutile de certifier les questions communes relatives à la présence de toxines ou à la mise en garde insuffisante s'il n'était pas démontré que les toxines étaient nocives, puisque ces questions, même si elles étaient résolues, ne feraient pas avancer les réclamations des membres du groupe19

La Cour a également souligné que la définition du terme « toxines » proposée par les demandeurs était problématique en raison de sa portée potentiellement illimitée. Les demandeurs avaient proposé une liste non limitative de toxines. Mentor avait le droit de savoir quelles substances alléguées seraient en cause dans le cadre d'un procès portant sur des questions communes20.

Ces problèmes ont également été fatals aux questions proposées visant la Loi sur la concurrence, S.R.C. 1985, c. C-34 et la Business Practices and Consumer Protection Act, S.B.C. 2004, c. 2, de la Colombie-Britannique, puisque les questions qu'ils demandaient à faire établir et qui mettaient en cause ces lois dépendaient de la question de savoir si les toxines étaient nocives, or il n'y avait aucune preuve qu'elles l'étaient.

Points à retenir

  1. Les tribunaux exigent généralement des allégations particulières de préjudice, ainsi que certains éléments de preuve démontrant que le préjudice dont il est question pourrait survenir, pour établir des questions communes. Des allégations d'ordre général ou des risques hypothétiques ne suffisent pas à justifier la certification d'une action collective.

Footnotes

1. Par. 149 et 152.

2. Par. 150.

3. Par. 129.

4. Par. 129.

5. Par. 92 à 94.

6. Par. 96.

7. Par. 129.

8. Par. 125.

9. Par. 129.

10. Par. 128 et 129.

11. Par. 112 à 114 et par. 169.

12. Par. 146.

13. Par. 163.

14. Par. 165

15. Par. 39 et 172.

16. Par. 155.

17. Class Proceedings Act, RSBC 1996, c 50.

18. Par. 176.

19. Par exemple, au par. 180.

20. Par. 177.

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