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9 September 2025

Conséquences du projet de loi C-2 pour les institutions financières : principales modifications apportées au régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes

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Miller Thomson LLP

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Le 3 juin 2025, le projet de loi C-2, également connu sous le nom de Loi visant une sécurité rigoureuse à la frontière, a été déposé au Parlement, dans le but de proposer d'importantes modifications...
Canada Government, Public Sector

Le 3 juin 2025, le projet de loi C-2, également connu sous le nom de Loi visant une sécurité rigoureuse à la frontière, a été déposé au Parlement, dans le but de proposer d'importantes modifications au régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Ces modifications proposées à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (la « LRPCFAT  ») visent à renforcer les efforts du Canada dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes en instaurant des exigences de conformité plus strictes, des pénalités beaucoup plus sévères et une plus grande surveillance du respect de la réglementation. Pour les institutions financières, cela signifie des obligations plus strictes, notamment l'inscription obligatoire auprès du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (le « CANAFE  ») et le risque d'amendes plus élevées en cas de non-conformité. Cet article met en lumière les principales dispositions du projet de loi C-2 ainsi que les points d'attention indispensables pour permettre aux institutions financières de s'adapter à un paysage réglementaire en constante mutation.

1. Obligation plus étendue d'inscription auprès du CANAFE

En vertu du régime actuel de lutte contre le blanchiment d'argent, les entreprises de services monétaires sont les seules entités tenues de s'inscrire auprès du CANAFE.

Le projet de loi C-2 étend l'obligation d'inscription auprès du CANAFE à toutes les personnes physiques et morales assujetties à la LRPCFAT1, également appelées « entités déclarantes ». Énumérées à l'article 5 de la LRPCFAT, ces entités déclarantes comprennent les banques, les coopératives de crédit, les compagnies d'assurance-vie, les entreprises de prêts hypothécaires, les entreprises de services monétaires, les courtiers en valeurs mobilières et les casinos.2Par conséquent, toutes les entités déclarantes devront se conformer aux obligations de renouvellement de leur inscription et respecter les nouvelles exigences de déclaration, mais également subir les sanctions prévues en cas de défaut.

De plus, les modifications proposées permettraient à CANAFE de révoquer ou de refuser l'inscription de toute personne physique ou morale qui n'a pas payé une pénalité dans les trente jours qui suivent la fin de la procédure en violation. Cette autorité s'étendrait également à toute personne physique ou morale inscrite à une relation réglementaire avec ladite personne.3

2. Augmentation des sanctions pécuniaires 

Le projet de loi C-2 propose d'augmenter de 40 fois les montants actuels des sanctions administratives pécuniaires (les « SAP  ») applicables aux entités déclarantes pour certaines infractions, toutes catégories confondues. Le tableau ci-dessous résume les SAP maximales actuelles par catégorie d'infraction et les SAP maximales proposées.

Violation Montant maximal de la pénalité4 Montant maximal de la pénalité proposé5
Mineure 1 000 $ CA 40 000 $ CA
Grave 100 000 $ CA 4 000 000 $ CA
Très grave 500 000 $ CA 20 000 000 $ CA

De plus, le montant maximal de la pénalité pour certaines violations réglementaires passerait de 100 000 $ CA à 4 000 000 $ CA pour les personnes physiques et de 500 000 $ CA à 20 000 000 $ CA pour les personnes morales.6

Sur une base cumulative, les SAP pour une personne physique seront plafonnées à la plus élevée des sommes entre 4 000 000 $ CA et 3 % de son revenu global brut au cours de l'année précédant celle au cours de laquelle la pénalité est imposée. Les SAP imposées à une personne morale seront plafonnées à la plus élevée des sommes entre 20 000 000 $ CA et 3 % de ses recettes globales brutes au cours de son exercice précédant celui au cours duquel la pénalité est imposée.7 Par ailleurs, le projet de loi C-2 prend également en considération la capacité de payer comme facteur lors de la détermination du montant de la pénalité.8 

Le projet de loi C-2 propose également d'augmenter considérablement les amendes pénales, dont le montant maximal peut atteindre 20 000 000 $ CA.9

3. Renforcement des normes relatives au programme de conformité

En vertu du régime actuel, le programme de conformité doit être « destiné à assurer l'observation de la conformité ».10Le projet de loi C-2 propose de renforcer les normes afin que le programme de conformité soit « raisonnablement conçu et fondé sur les risques et efficace ».11Le non-respect de cette exigence serait classé dans la catégorie des violations « très graves »12 et justifierait l'imposition des SAP les plus élevées.

Le projet de loi C-2 propose également d'élargir la liste des violations « très graves » afin d'y ajouter le non-respect de plusieurs exigences, notamment la nomination d'un responsable de la conformité, la mise en œuvre de politiques et de procédures écrites en matière de conformité, le maintien d'un programme par écrit de formation continue à l'intention des employés, des mandataires et autres, ainsi que la conception et la tenue d'un plan d'évaluation de l'efficacité de leur programme de conformité.13

Le projet de loi C-2 exige également que les personnes physiques ou morales qui ont commis des violations réglementaires et qui font l'objet de SAP concluent une entente de conformité avec le CANAFE. Dans le régime actuel, cette exigence est discrétionnaire. En cas de refus de conclure un régime de transactions ou de non-respect de celui-ci, le directeur du CANAFE s'engage à donner un ordre de conformité et toute violation de celui-ci serait présentée comme une violation distincte.14Si une personne physique ne respecte pas l'ordre de conformité, la pénalité imposée serait la plus élevée des sommes entre 5 000 000 $ CA et 3 % de son revenu global brut au cours de l'année précédant celle au cours de laquelle la pénalité est imposée. S'il s'agit d'une personne morale, la plus élevée des sommes entre 30 000 000 $ CA et 3 % de ses recettes globales brutes au cours de son exercice précédant celui au cours duquel la pénalité serait imposée.15

En vue de renforcer les mesures de conformité, les modifications proposées donnent à FINTRAC des pouvoirs étendus pour examiner les documents et enquêter sur les activités et affaires de toute personne physique ou morale qu'elle croit, pour des motifs raisonnables, être une entité déclarante, et ce, au-delà des entités déclarantes actuellement assujetties.16

4. Restrictions en espèces sur les opérations

Le projet de loi C-2 érige en infraction le fait pour toute personne physique ou morale, de se livrer à l'exploitation d'une entreprise ou à l'exercice d'une profession ou de solliciter des dons de bienfaisance en argent du public et, dans le cadre d'une même opération ou d'une série d'opérations liées réglementaires totalisant 10 000 $ CA ou plus, d'accepter un paiement, don ou dépôt en espèces de 10 000 $ CA ou plus. Cette interdiction s'étendrait au-delà des entités déclarantes, mais certaines institutions financières seraient exemptées, entre autres les banques, les coopératives de crédit, les sociétés de fiducie, les sociétés de prêt et d'autres entités exemptées par règlement.17 La violation de cette infraction peut entraîner des SAP pour les entités déclarantes et une amende pouvant aller jusqu'à trois fois le montant du paiement, du don ou du dépôt accepté, en cas de déclaration de culpabilité par mise en accusation.

Le projet de loi C-2 impose également à certaines entités déclarantes, notamment aux institutions financières, l'interdiction d'accepter un dépôt en espèces dans un compte dont le déposant n'est pas le titulaire ou une personne habilitée à donner des instructions à l'égard de ce compte.18 

5. Interdiction d'ouvrir des comptes anonymes

L'interdiction faite aux entités déclarantes d'ouvrir un compte pour un client dont l'identité ne peut être vérifiée serait également étendue à l'ouverture de comptes anonymes pour des clients fictifs.19 

6. Renforcement du cadre de communication de renseignements

Dans le but de prévenir le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, de renforcer l'application de la loi en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et de permettre une détection plus rapide de ces infractions, le projet de loi C-2 propose de nombreuses modifications à la LRPCFAT et à d'autres lois afin de permettre la communication de renseignements entre les secteurs public et privé.

La partie 12 du projet de loi C-2 modifie la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières afin d'ajouter le directeur du CANAFE à la composition du Comité de surveillance des institutions financières (le « CSFI  »).20Au moyen d'une modification à la LRPCFAT, le projet de loi C-2 permet au directeur de communiquer des renseignements aux autres membres du CSFI, notamment au gouverneur de la Banque du Canada, au commissaire de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, au surintendant des institutions financières, au chef de la direction de la Société d'assurance-dépôts du Canada et au sous-ministre des Finances.

Le projet de loi C-2 autorise également le CANAFE à communiquer certains renseignements au commissaire aux élections fédérales, sous réserve de certaines conditions, s'il a des motifs raisonnables de soupçonner que ces renseignements seraient utiles aux fins d'enquête ou de poursuite relativement à une infraction ou à une violation, consommée ou non, prévue par la Loi électorale du Canada.21

En dernier lieu, le projet de loi C-2 modifie également les dispositions de la LRPCFAT relatives à la communication de renseignements. Les modifications proposées permettraient à une entité déclarante de recueillir les renseignements personnels d'une personne physique afin de les transmettre à un organisme chargé de l'application de la loi en vue de détecter ou de décourager le recyclage des produits de la criminalité, le financement des activités terroristes ou le contournement de sanctions ou à d'autres fins « compatibles ». Cette collecte pourrait avoir lieu à l'insu de la personne ou sans son consentement si la communication, effectuée au su ou avec le consentement de la personne, risquait de compromettre la capacité de détecter ou de décourager le recyclage des produits de la criminalité, le financement des activités terroristes ou le contournement de sanctions.22

Points à retenir

Dans l'ensemble, le projet de loi C-2 renforce l'autorité du CANAFE en élargissant la portée de l'inscription obligatoire et en augmentant considérablement les amendes afin de renforcer la dissuasion et les mesures de conformité. La loi prévoit également des normes de conformité plus strictes, limite l'utilisation des espèces, interdit les comptes anonymes et encourage la communication proactive de renseignements afin de mieux repérer les activités de recyclage des produits de la criminalité et de les prévenir.

Les modifications proposées ci-dessus illustrent comment le projet de loi C-2 pourrait transformer considérablement le régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes si les dispositions proposées étaient adoptées. Les institutions financières devront se conformer à des exigences plus strictes, ce qui pourrait entraîner une augmentation des coûts de conformité et, sans aucun doute, accroître leur exposition aux risques liés à la réglementation. L'équipe des services financiers de Miller Thomson continuera de surveiller les répercussions du projet de loi C-2 sur le régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et vous informera dès que de nouvelles données seront connues. Si vous avez des questions à ce sujet, n'hésitez pas à communiquer avec un membre de l'équipe Services financiers de Miller Thomson.

Footnotes

1.  Article 87 du projet de loi C-2.

2.  Article 5 de la LRPCFAT.

3. Article 87 du projet de loi C-2.

4. Article 5 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires pour le produit de la criminalité (blanchiment d'argent) et le financement des activités terroristes.

5. Article 124 du projet de loi C-2.

6. Article 100 du projet de loi C-2.

7. Article 100 du projet de loi C-2.

8. Article 101 du projet de loi C-2.

9. Article 111 du projet de loi C-2.

10. Article 9.6 de la LRPCFAT.

11. Article 84 du projet de loi C-2.

12. Article 125 du projet de loi C-2.

13. Article 126 du projet de loi C-2.

14. Article 105 du projet de loi C-2.

15. Article 105 du projet de loi C-2.

16. Article 96 du projet de loi C-2.

17. Article 136 du projet de loi C-2.

18. Article 135 du projet de loi C-2.

19. Article 83 du projet de loi C-2.

20. Article 143 du projet de loi C-2.

21. Article 94 du projet de loi C-2.

22. Article 196 du projet de loi C-2.

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.

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