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30 July 2025

Projet de loi n° 92 : une nouvelle loi omnibus modifiant l'encadrement réglementaire du secteur financier au Québec

Le 8 avril 2025, le ministre des Finances du Québec a déposé à l'Assemblée nationale du Québec le projet de loi n° 92, Loi modifiant diverses dispositions principalement dans le secteur...
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Le 8 avril 2025, le ministre des Finances du Québec a déposé à l'Assemblée nationale du Québec le projet de loi n° 92, Loi modifiant diverses dispositions principalement dans le secteur financier visant à moderniser le cadre réglementaire du secteur financier au Québec. Après avoir fait l'objet de consultations et amendements depuis sa présentation, le projet de loi a été sanctionné le 4 juin 2025 (ci-après, la « Loi 92 »).

La Loi 92 modifie une vingtaine de lois et règlements, touchant notamment les domaines de l'assurance, des valeurs mobilières, des institutions financières et du courtage immobilier. Ce projet de loi fait suite au dernier omnibus financier sanctionné le 9 mai 20231 et découle d'échanges avec les intervenants des secteurs visés et s'inscrit dans une volonté d'apporter certains allègements, renforcer les outils d'intervention des organismes de réglementation et répondre à des demandes formulées par l'industrie. Le ministre des Finances s'est engagé à actualiser régulièrement les lois du secteur financier afin de prendre en compte les préoccupations de l'industrie et prendre les mesures requises pour répondre à certaines situations. La majorité des dispositions de la Loi 92 sont déjà entrées en vigueur, sauf celles visant le Fonds d'indemnisation des services financiers (le « Fonds ») qui entreront en vigueur au plus tard le 4 juin 2026.

Ce bulletin présente en rafale un sommaire de certains des principaux amendements introduits par la Loi 92.

De deux chambres à une seule: la Chambre de l'assurance

Dans un objectif de simplification de l'encadrement des représentants de produits et services financiers, la Loi 92 prévoit la fusion de la Chambre de la sécurité financière (CSF) et de la Chambre de l'assurance de dommages (ChAD), pour former la Chambre de l'assurance, un nouvel organisme d'autoréglementation (OAR) reconnu sous la Loi sur l'encadrement du secteur financier  (chapitre E-6.1) (la « LESF »). Cette fusion entraîne le transfert des droits, obligations et procédures en cours des deux chambres existantes à la nouvelle Chambre de l'assurance. Plusieurs dispositions transitoires de la Loi 92 visent la création de la nouvelle Chambre de l'assurance et le remplacement de la CSF et de la ChAD.

Les membres actuels de la CSF et ChAD n'ont aucune démarche particulière à faire découlant de cette fusion. L'Autorité a également annoncé une consultation publique dans le cadre de laquelle les parties prenantes intéressées pourront intervenir au sujet de cette fusion. L'Autorité a annoncé le 26 juin 2025 qu'elle déléguait à l'Organisme canadien de réglementation des investissements (OCRI) des fonctions supplémentaires en matière d'inscription, soit celles visant les courtiers en placement, des courtiers en épargne collective et des courtiers en dérivés ainsi que des personnes agissant en leur nom; ces fonctions ne seront donc pas assumées par la Chambre de l'assurance.

Élargissement de la couverture du Fonds d'indemnisation des services financiers

La Loi 92 vient faire en sorte que les dispositions concernant le Fonds soient incluses dans la LESF plutôt que dans la Loi sur la distribution de produits et services financiers  (chapitre D-9.2) (la « LDPSF ») . Ces amendements permettront d'étendre la portée du Fonds aux victimes de fraude, de manœuvres dolosives ou de détournement de fonds commis par un représentant, un courtier ou un conseiller inscrit en vertu de la Loi sur les instruments dérivés  (chapitre I-14.01) (la « LID ») ou de la Loi sur les valeurs mobilières  (chapitre V-1.1) (la « LVM »). Ainsi, dorénavant l'ensemble des acteurs impliqués dans la distribution de produits et services financiers au Québec seront assujettis au Fonds. Le 26 juin 2025, un avis de consultation a été publié visant à recueillir d'ici le 19 septembre 2025 les commentaires de toute personne intéressée sur les modifications réglementaires proposées par l'Autorité au Règlement sur l'admissibilité d'une réclamation au Fonds d'indemnisation des services financiers visant à modifier certaines des règles sur l'admissibilité d'une réclamation au Fonds,  à clarifier et simplifier ce qui est requis du réclamant et à proposer les montants de la cotisation de chaque représentant ainsi que des cabinets exploitant une plateforme en ligne.

Nouveaux assouplissements pour les experts en sinistre

La Loi 92 est venue prévoir des amendements à la LDPSF visant les représentants et inscrits à titre d'experts en règlement de sinistres permettant d'offrir à l'industrie en assurance de dommages une plus grande flexibilité et résilience, notamment lors de la survenance d'événements climatiques majeurs. Tout d'abord, le montant maximal des sinistres qu'une personne non titulaire d'un certificat en expertise en règlement peut régler sous la supervision d'un expert en sinistre, qui est de 5 000$ depuis le 9 mai 20252, a été augmenté à 7500$3.

De plus, la Loi 92 confère le pouvoir à l'Autorité d'autoriser certaines personnes, en raison de circonstances particulières et pour la période qu'elle fixe, à accomplir les tâches habituellement réservées aux experts en sinistres bien qu'elles ne soient pas titulaires d'un certificat les autorisant à agir à ce titre. Parmi les personnes qu'elle peut autoriser figurent : un agent ou un courtier en assurance de dommages titulaire d'un certificat en vigueur, une personne ayant déjà été titulaire d'un certificat d'expert en sinistre, ainsi qu'une personne autorisée à exercer cette fonction à l'extérieur du Québec. Cette disposition modifie et précise la directive d'application de l'Autorité en regard de la définition d'expert en sinistre et des activités qui lui sont exclusives que l'Autorité avait publié le 29 mai 2009 pour encadrer les surnuméraires impliqués dans le règlement des sinistres.

Réduction de la portée des obligations de divulgations pour les cabinets de courtage en assurance de dommages

Avant la Loi 92, la LDPSF prévoyait qu'un cabinet de courtage en assurance de dommages devait divulguer sur son site Internet et dans ses communications écrites par l'entremise desquelles il invitait le public à acquérir de tels produits, le nom de toute personne morale qui détenait une participation représentant plus de 20 % de la valeur des capitaux propres de ce cabinet ou, si cette personne faisait partie d'un groupe financier, le nom sous lequel ce dernier était connu. Dorénavant, suite à la Loi 92, la portée de cette obligation de divulgation sera limitée aux seuls cas où ces liens financiers sont avec (i) une institution financière, auquel cas le nom de l'institution financière et du groupe financier, le cas échéant, devra être divulgué ou (ii) avec une personne morale liée au groupe financier, auquel cas seul le nom de ce groupe financier devra être divulgué.

Dispositions applicables à la participation dans les cabinets de courtage en assurance de dommages

Avant la Loi 92, l'expression « institution financière » pour l'application du chapitre traitant de la participation dans les cabinets de courtage en assurance de dommages de la LDPSF était définie comme étant « une institution financière autre qu'un assureur qui pratique exclusivement la réassurance ». La Loi 92 vient clarifier la portée très large de la définition en référant à l'article 4 de la Loi sur les assureurs (chapitre A-32.1) (la « LA ») qui liste les institutions financières autorisées. Les entités suivantes figurent parmi celles incluses dans la définition, soit (i) les assureurs autorisés à exercer l'activité d'assureur en vertu de la LA (ii)  les institutions de dépôts autorisés en vertu de la Loi sur les institutions de dépôts et la protection des dépôts  (chapitre I-13.2.2) (la « LIDPD»), (iii) les coopératives de services financiers au sens de la Loi sur les coopératives de services financiers  (chapitre C-67.3) (la « LCSF »), (iv) les sociétés de fiducie autorisées en vertu de la Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d'épargne  (chapitre S-29.02) (la « LSFSE») et (v) une personne morale inscrite à titre de courtier ou de conseiller, en vertu de la LID ou de la  LVM, ou inscrite, en vertu de la LVM, à titre de gestionnaire de fonds d'investissement.

Allègement du critère de résidence des administrateurs de certaines sociétés d'assurances

La Loi 92 amende la LA par l'introduction d'une exception à l'obligation actuelle que la majorité des administrateurs d'une société ou d'une association d'assurance doivent résider au Québec. Cette exception prévoit que lorsque plus de 40 % des primes sont perçues par cette société à l'extérieur du Québec ou, si la société ne perçoit pas cette proportion de primes mais qu'elle fait partie d'un groupe financier, lorsque plus de 40 % des primes sont perçues par ce groupe financier à l'extérieur du Québec, seul le tiers des administrateurs de cette société d'assurance devront résider au Québec, pourvu que la majorité d'entre eux résident au Canada. Ce changement permettra aux assureurs du Québec ayant une portion significative de leurs activités à l'extérieur du Québec d'intégrer dans leurs conseils d'administration plus d'administrateurs ayant une meilleure connaissance des marchés dans lesquels ces assureurs à charte québécoise sont présents.

Nouveaux pouvoirs d'encadrement pour l'Autorité

La Loi 92 modifie la LDPSF afin d'accroitre les pouvoirs de l'Autorité en lui permettant de déterminer, par règlement, les règles de gestion portant notamment sur la gouvernance qu'un cabinet, qu'une société autonome ou qu'un représentant autonome doit observer. L'Autorité a par ailleurs indiqué qu'elle misait sur la Loi 92 pour lui permettre de compléter une consultation règlementaire complète sur la gouvernance et la gestion des cabinets. Elle a également précisé qu'elle travaillait sur un projet d'encadrement par voie de modification réglementaire de la gouvernance et rôle et responsabilité des inscrits qui sera précédée d'une consultation réglementaire publique qui portera notamment sur la supervision des représentants et les attentes envers les agents généraux (MGAs).

En cas de manquement aux dispositions de la LID ou de la LVM, ou si un inscrit exerce ses activités d'une manière non conforme aux déclarations faites lors de son inscription, l'Autorité peut désormais suspendre ou retirer les droits conférés par cette inscription, ou encore l'assortir de conditions — un pouvoir auparavant réservé au Tribunal administratif des marchés financiers.

Également, les plateformes de négociation de valeurs mobilières, incluant celles des cryptoactifs qui sont considérés comme des valeurs mobilières, doivent maintenant être reconnues par l'Autorité avant d'exercer des activités visées par la LVM et leurs propriétaires devront lui transmettre tout document ou renseignement exigé.

Augmentation des pénalités administratives et amendes dans le secteur financier

En vertu du PL 92, le Tribunal administratif des marchés financiers a dorénavant le pouvoir d'imposer une pénalité administrative pouvant atteindre jusqu'à 2 000 000 $ par jour, tant que la contravention perdure, à toute personne contrevenant ou aidant à contrevenir à la LA, à la LCSF, à la LIDPD ou à la LSFSE. On prévoit aussi dans la Loi 92 l'augmentation du montant de certaines amendes et l'introduction de nouvelles dispositions pénales aux lois administrés par l'Autorité.

Nouvelles mesures encadrant le courtage immobilier

La Loi 92 élargit les pouvoirs de l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec (l' « OACIQ ») afin de mener à bien son mandat de protection du public, l'autorisant désormais à refuser de délivrer un permis, à le suspendre ou à le révoquer si les personnes ou les sociétés assujetties à la Loi sur le courtage immobilier (chapitre C-73.2) (la « LCI») n'ont pas, à son avis, la probité nécessaire pour exercer leurs activités et pour assurer la protection du public. Il contraint également le comité de discipline constitué au sein de l'OACIQ d'imposer minimalement une amende de 2 500 $ en cas de manquement à l'obligation de divulgation d'un conflit d'intérêts prévue à cette loi. La liste des infractions en vertu de la LCI est également étendue afin d'y inclure toute contravention à cette loi. Les montants autorisés d'amendes et pénalités dans la LCI sont également révisés à la hausse.

Rappel : nouveau règlement sur les plaintes

À titre informatif, nous souhaitons également rappeler qu'à compter du 1er juillet 2025, le Règlement sur le traitement des plaintes et le règlement des différends dans le secteur financier, publié le 15 février 2024, est entré en vigueur. Ce règlement harmonise les processus de traitement des plaintes pour les consommateurs et s'applique aux institutions financières, aux intermédiaires financiers et aux agents d'évaluation du crédit ayant des activités au Québec.

Footnotes

1. Projet de loi n° 30, Loi modifiant diverses dispositions principalement dans le secteur financier. Nous vous référons à notre article à ce sujet : https://www.fasken.com/fr/knowledge/2023/06/projet-de-loi-n-30-un-projet-de-loi-omnibus-affectant-le-domaine-des-assurances

2. L'article 91 de la Loi modifiant diverses dispositions principalement dans le secteur financier, LQ 2025, c. 15 venant ajouter un troisième alinéa à l'article 10 de la LDPSF incorporant cette exception est entré en vigueur le 9 mai 2025.

3. Nous rappelons que l'article 50.1 de la LDPSF prévoit que toute personne visée par cette exception doit informer le sinistré du fait qu'elle agit sous la supervision d'un expert en sinistre et de l'identité de cet expert et, à la demande du sinistré, référer son dossier à cet expert. L'Autorité considère également que l'expert en sinistre superviseur est complètement responsable du dossier (voir : https://lautorite.qc.ca/professionnels/cabinets-societes-et-representants-autonomes/obligations-et-formalites-administratives/reglement-de-sinistres-personnes-non-certifiees).

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.

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