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Dans la récente décision AlphaBow EnergyLtd. (Re) («AlphaBow»)1, la Cour du Banc du Roi de l'Alberta (la «Cour») a rejeté la demande d'AlphaBow, qui souhaitait obtenir la suspension d'une demande de dépôt de garantie de l'Alberta Energy Regulator («AER») pour la durée de ses procédures de restructuration.
Contexte
AlphaBow est une société fermée du secteur de l'énergie qui exerçait des activités de mise en valeur et de production de pétrole et de gaz naturel en Alberta. L'AER s'inquiète du manquement continu d'AlphaBow à ses obligations réglementaires depuis au moins 2019. C'est pourquoi l'organisme de réglementation est intervenu à plusieurs reprises, en vain, avant de limiter la capacité d'AlphaBow à acquérir de nouveaux permis2. AlphaBow n'a ensuite pas respecté deux ordonnances et l'AER a suspendu temporairement ses permis et les activités sur ses sites. L'AER a par la suite ordonné à l'Orphan WellAssociation («OWA») de suspendre les activités sur les sites d'AlphaBow et d'en assurer la prise en charge et la garde. Le 28 février 2024, l'AER a rejeté les appels d'AlphaBow et a confirmé les ordonnances3.
Le 28 mars 2024, AlphaBow a déposé un avis d'intention de faire une proposition au sens de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Le 26avril2024, les procédures de proposition ont été traitées et continuées sous le régime de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (la «LACC»)4. AlphaBow a par la suite obtenu une ordonnance de vente et de sollicitation d'investissement, ainsi que l'approbation du tribunal pour plusieurs opérations de vente.
Le 4 mars 2025, AlphaBow a présenté à l'AER une demande de transfert de permis à l'acheteur désigné, Cascade CaptureLtd. («Cascade»), pour deux opérations. Le 10 juillet 2025, l'AER a approuvé la demande sous condition, sous réserve du dépôt par Cascade et AlphaBow d'une garantie d'environ 4,9 millions de dollars et 20,5 millions de dollars, respectivement. AlphaBow a demandé à l'AER d'annuler la décision, mais celui-ci a refusé de négocier ou d'ajuster le montant de la garantie. Cascade a alors retiré sa demande de transfert de permis. Bien qu'il n'y ait pas de demande en cours devant l'AER, AlphaBow a demandé un appel réglementaire de la décision, en cherchant à obtenir une déclaration selon laquelle toute demande future de l'AER pour un dépôt de garantie serait suspendue pour la durée de la procédure sous le régime de la LACC d'AlphaBow.
La décision
La Cour a rejeté la demande d'AlphaBow de suspendre toute demande future de l'AER exigeant un dépôt de garantie. Ce faisant, elle a confirmé la distinction faite par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Redwater entre les droits d'un organisme administratif en tant que créancier et ses droits découlant de ses fonctions de réglementation5. La Cour a commencé son analyse par le cadre législatif, à savoir l'article 11.1 de la LACC. En particulier, le paragraphe 11.1(2) prévoit qu'une suspension des procédures au titre de l'article 11.02 de la loi ne s'applique pas aux mesures prises par un organisme administratif, sauf si celui-ci cherche à faire exécuter un paiement6. Le paragraphe 11.1(4) quant à lui habilite le tribunal à déclarer qu'un organisme administratif cherche à faire valoir ses droits à titre de créancier, et non dans ses fonctions de réglementation, et que, par conséquent, l'exécution de la mesure est suspendue. Même si un organisme administratif ne cherche pas à faire valoir ses droits à titre de créancier, la Cour a conclu qu'il peut néanmoins être assujetti à une suspension des procédures imposée par la LACC si deux conditions sont satisfaites:
- La suspension est nécessaire pour conclure une transaction ou un arrangement viable.
- L'assujettissement de l'organisme administratif à la suspension ne serait pas contraire à l'intérêt public7.
En l'espèce, la Cour a rejeté l'argument d'AlphaBow selon lequel l'AER faisait valoir ses droits en tant que créancier. Suivant les indications de la Cour suprême dans l'arrêt Redwater, la Cour a conclu que l'exigence de garantie de l'AER était un devoir public incombant à AlphaBow, plutôt qu'une réclamation prouvable, et que, par conséquent, le fait d'exiger son paiement ne constituait pas une mesure d'exécution par un créancier8. Bien qu'AlphaBow ait cherché à distinguer sa situation de l'affaire Redwater en faisant valoir que les modifications apportées à la loi sur la conservation du pétrole et du gaz (Oil and Gas Conservation Act) élargissaient le privilège d'origine législative de l'AER pour inclure les demandes de garantie, cet argument a également été rejeté par la Cour, qui a plutôt estimé que l'ajout des mots [traduction] «dépôt ou autre forme de garantie» à la loi provinciale élargissait simplement la portée de ce privilège, mais ne transformait pas les obligations en question «en une dette à toutes fins utiles»9. Par conséquent, l'exécution des devoirs publics d'AlphaBow (y compris les exigences de dépôt de garantie) n'a pas modifié le régime de priorité entre les créanciers d'AlphaBow, même si elle a effectivement accordé la priorité aux obligations de fin de vie plutôt qu'aux droits des créanciers10.
La Cour a également rejeté l'argument subsidiaire d'AlphaBow selon lequel la suspension devrait s'appliquer malgré le fait que l'AER exerçait des fonctions de réglementation. Elle a conclu qu'AlphaBow n'avait pas satisfait au critère à deux volets énoncé ci-dessus et que la suspension de la mesure réglementaire n'était pas justifiée. En ce qui concerne le premier volet du critère, AlphaBow soutenait qu'un arrangement viable était impossible à moins que l'exception réglementaire ne s'applique, car le dépôt d'une garantie entraverait ses efforts de restructuration et empêcherait la production. De façon subsidiaire, la société estimait que l'obligation de fournir une garantie modifierait l'ordre de priorité en attribuant des fonds à l'AER plutôt qu'en les distribuant aux créanciers d'AlphaBow, ce qui donnerait lieu à un profit imprévu pour l'acheteur d'AlphaBow. En ce qui concerne le deuxième volet du critère, AlphaBow soutenait qu'une suspension servirait l'intérêt public parce qu'elle faciliterait la production–et donc créerait des emplois et des revenus pour payer les obligations connexes–si la demande de transfert était acceptée11.
Pour rejeter la suspension, la Cour a examiné plusieurs affaires dans lesquelles les mesures d'un organisme administratif ont été suspendues en raison de la LACC. Elle a notamment fait remarquer qu'aucune suspension des mesures réglementaires n'allait au-delà de la période de suspension initiale de 10 jours dans le cadre de procédures sous le régime de la LACC, alors qu' AlphaBow avait déjà entamé ses procédures de restructuration il y a plusieurs mois et que la suspension demandée ne réglerait pas un problème de liquidité émergent ou de courte durée12. La Cour a également souligné que, bien que la suspension faciliterait la sortie d'AlphaBow des procédures de la LACC, la société ne serait toujours pas en mesure de s'acquitter de ses obligations environnementales ni de satisfaire aux exigences de dépôt de garantie de l'AER, et ne pourrait donc pas reprendre la production, générer des revenus ou créer des emplois. À cet égard, puisque la suspension proposée prendrait fin à la conclusion des procédures de la LACC, les puits inactifs restants d'AlphaBow finiraient entre les mains de l'OWA13.
Implications et points à retenir
Il s'agit d'une décision qui illustre à nouveau l'incidence importante de Redwater sur les débiteurs exerçant leurs activités dans des secteurs réglementés. Elle confirme que l'exigence de dépôt de garantie d'un organisme administratif ne constitue pas nécessairement une exécution du paiement dans le cadre de procédures de restructuration. Et, surtout, les tribunaux ne suspendront pas de mesures réglementaires si cette suspension ne profite qu'aux parties au détriment de l'intérêt public. La décision AlphaBow fait partie d'une jurisprudence croissante qui reconnaît que la remise en état est un enjeu public et que les obligations environnementales–et la capacité d'une société à les respecter après la restructuration–ont priorité sur les réclamations des créanciers.
Les points de vue et les opinions exprimés dans le présent article sont ceux des auteurs et ne remplacent pas un avis juridique indépendant. Si vous souhaitez discuter des circonstances particulières d'une affaire, l'un des membres de l'équipe Insolvabilité et restructuration de Fasken se fera un plaisir de vous aider.
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