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2 July 2025

Le tribunal de l'Alberta confirme les libérations des administrateurs dans le cadre du plan de Delta 9 en vertu de la LACC malgré les objections de l'ARC

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Miller Thomson LLP

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Quand une compagnie en proie à des difficultés financières procède à une restructuration, ses administrateurs peuvent-ils demeurer protégés de toute responsabilité, même lorsque les autorités fiscales s'y opposent?
Canada Insolvency/Bankruptcy/Re-Structuring

Quand une compagnie en proie à des difficultés financières procède à une restructuration, ses administrateurs peuvent-ils demeurer protégés de toute responsabilité, même lorsque les autorités fiscales s'y opposent? Il s'agit d'une des questions abordées dans une importante décision où la Cour du Banc du Roi de l'Alberta a approuvé le plan de restructuration de Delta9 en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (Canada) (la «LACC»), y compris les libérations contestées des administrateurs, malgré une objection tardive de la part de l'Agence du revenu du Canada (l'«ARC»). Cette décision illustre comment les tribunaux peuvent soupeser les préoccupations réglementaires par rapport aux objectifs plus généraux de la restructuration.

Contexte: Les débuts de la restructuration de Delta9

Delta9, compagnie de cannabis intégrée verticalement, a affronté de forts vents contraires en 2024. Comme de nombreux autres participants du secteur, elle a dû se débattre avec l'offre excédentaire du marché, les fardeaux réglementaires et la hausse des taux d'intérêt. Au milieu de 2024, la compagnie a manqué à ses engagements de prêt et a demandé une protection en vertu de la LACC.

Le tribunal a accordé à Delta9 une suspension des procédures et a approuvé un financement provisoire de la part de Fika Herbal Goods («Fika»), qui agissait également à titre de promoteur du plan dans le cadre de la procédure.

Au cours des mois suivants, le tribunal a rendu plusieurs ordonnances clés à l'appui du processus de restructuration. En faisait partie un processus de sollicitation de vente et d'investissement pour sa filiale, Bio-Tech. En décembre2024, les créanciers ont approuvé le plan d'arrangement proposé par Fika (le «plan»), qui comprenait des libérations générales de tiers. Celles-ci visaient les entités, les employés, les conseillers, les administrateurs et les dirigeants de Delta9 de même que le contrôleur nommé par le tribunal.

Deux opérations clés ont été soumises à l'approbation du tribunal aux termes du plan:

  1. Vente de la grande installation de culture de Delta9 à 6599362 Canada Ltd. (l'«opération relative à659»);
  2. Vente d'actions de Bio-Tech à Simply Solventless Concentrates Ltd. (SSCL) au moyen d'une ordonnance de dévolution inversée (ODI).

L'ARC s'oppose aux libérations des administrateurs, mais le tribunal n'est pas d'accord

Un important point de discorde dans le cadre de la restructuration de Delta9 a été l'objection soulevée par l'ARC quant aux dispositions du plan ayant trait aux libérations, en particulier l'inclusion du chef de la direction de la compagnie.

L'ARC a fait valoir que des droits d'accise impayés de plus de 9millions de dollars avaient été détournés à d'autres fins et que le chef de la direction, en tant qu'administrateur de Bio-Tech, devait demeurer responsable aux termes de l'article323 de la Loi sur la taxe d'accise (Canada). Selon l'ARC, il était à la fois injuste et contraire à l'intérêt public d'accorder une exonération de cette responsabilité au moyen d'une libération approuvée par le tribunal.

Le tribunal n'était pas d'accord. Rejetant les arguments de l'ARC, il a souligné ce qui suit:

  • L'existence d'un précédent jurisprudentiel établi permettant de telles libérations dans le cadre de procédures en vertu de la LACC;
  • Le risque pratique de compromettre le processus de restructuration en cas de retard ou d'échec de l'accord.

Le tribunal a également noté que l'ARC n'avait pas présenté de preuve formelle ni de demande en vue de prouver ses réclamations, ce qui a nui à la crédibilité et au moment de ses objections.

Analyse du tribunal: Les libérations étaient-elles justes et justifiées?

Le juge Marion a exposé une analyse détaillée en plusieurs parties afin d'évaluer si les libérations proposées étaient justes et raisonnables dans le cadre des procédures en vertu de la LACC et de l'opération précise liée à l'ODI.

1. Lien rationnel avec le plan

Le tribunal a constaté un fort lien rationnel entre les libérations et le succès de la restructuration. Le chef de la direction de la compagnie détient une cote de sécurité de Santé Canada essentielle à l'obtention de licences et aux activités de Bio-Tech. Sa participation continue était essentielle à la mise en Suvre de l'opération relative à SSCL et du plan dans son ensemble. Sans les libérations, l'opération pouvait échouer, compromettant toute la restructuration.

2. Élément nécessaire au succès du plan

L'ARC a soutenu que la libération du chef de la direction n'était pas nécessaire au succès du plan. Le tribunal était d'un autre avis, s'appuyant sur des éléments de preuve, notamment les affidavits du chef de la direction lui-même et les rapports du contrôleur, selon lesquels les libérations constituaient une condition préalable à l'acquisition de SSCL. La volonté de SSCL d'aller de l'avant dépendait de ces protections en raison du risque de devoir indemniser les administrateurs en l'absence de celles-ci. Par conséquent, les libérations ont été jugées essentielles, et non facultatives.

3. Apport des bénéficiaires des libérations

Le chef de la direction et d'autres administrateurs ont joué un rôle clé dans l'élaboration et l'exécution de la restructuration au profit de tous les actionnaires. Le tribunal a noté que les apports des employés dans des circonstances difficiles, en particulier le leadership continu du chef de la direction, ont été déterminants dans la préservation de la valeur de l'entreprise.

4. Avantages pour les créanciers et les débiteurs

Le tribunal a jugé que l'approbation des libérations profitait en définitive à Delta9, à ses créanciers, à ses employés, à ses propriétaires et à ses autres actionnaires. Sans l'opération relative à SSCL, qui dépendait des libérations, l'entreprise de Bio-Tech aurait pu être contrainte à la liquidation, ce qui aurait donné lieu à des recouvrements beaucoup moindres. La restructuration plus étendue, y compris l'opération relative à 659 et le plan, aurait aussi échoué.

5. Information des créanciers

Les libérations ont été entièrement communiquées dans les documents ayant trait au plan. Les créanciers, y compris l'ARC, étaient au courant de leur portée et de leurs effets. L'allégation de l'ARC selon laquelle elle avait manqué d'information a été rejetée, puisque les documents et les réclamations pertinents avaient été déposés dès août2024.

6. Équité et portée des libérations

Malgré le caractère général des libérations, le tribunal a relevé plusieurs exclusions importantes. Les libérations n'entraînaient pas ce qui suit:

  • Renonciation aux réclamations pour fraude, inconduite volontaire ou négligence grave;
  • Atteinte aux droits de compensation de l'ARC;
  • Obstacle à des actions aux termes de polices d'assurance;
  • Application aux obligations découlant du plan.

Ces exclusions démontraient un équilibre entre la finalité et la protection des créanciers, faisant obstacle à une étendue excessive des libérations.

Pourquoi le tribunal a approuvé les libérations

En fin de compte, le tribunal a privilégié le pragmatisme plutôt que la conjecture. Bien que la frustration de l'ARC à l'égard des impôts impayés ait été compréhensible, ses objections manquaient de fondement probatoire et d'une mobilisation en temps opportun. L'approbation des libérations permettait ce qui suit:

  • Certitude de l'opération;
  • Évitement de litiges ou de différends touchant l'indemnisation des administrateurs;
  • Continuité de la conformité réglementaire (grâce à la cote de sécurité du chef de la direction);
  • Respect de conditions de restructuration clés.

En revanche, le refus des libérations risquait de faire échouer l'opération relative à SSCL, ainsi que la vente ayant trait à 659, et peut-être de causer l'échec total du plan de restructuration, ce qui aurait diminué la valeur pour de nombreux actionnaires, y compris l'ARC, que l'agence prétendait protéger.

Points principaux à retenir

  • Les libérations d'administrateurs ne sont pas automatiques: Les tribunaux exigent un lien rationnel clair entre la libération et le succès d'un plan ou d'une opération en vertu de la LACC. Les libérations ne doivent pas être trop générales et doivent comporter des exceptions appropriées.
  • Le fardeau de présentation incombe aux opposants: Les organismes de réglementation et les créanciers qui s'opposent aux libérations doivent fournir une preuve formelle en temps opportun. De simples affirmations ou suppositions ne suffisent pas.
  • Le moment est important: Les tribunaux sont de plus en plus critiques à l'endroit des parties prenantes qui ne soulèvent des objections qu'à la fin du processus en vertu de la LACC, surtout lorsqu'il risque d'en découler l'échec d'une restructuration appuyée par de multiples parties.
  • Sociétés ouvertes et obligations fiduciaires: Les allégations d'inconduite liées à la rémunération du personnel de direction ou aux cessions de créances doivent être étayées par une preuve de mauvaise foi ou d'irrégularité d'ordre juridique, et non seulement par une apparence d'injustice.
  • La finalité de la restructuration est primordiale: Les tribunaux privilégient la réalisation d'une restructuration juste et raisonnable plutôt que les tentatives hypothétiques visant à obtenir des concessions supplémentaires, particulièrement lorsque l'autre option possible est la liquidation ou la faillite.

Miller Thomson a représenté le promoteur du plan Fika Herbal Goods dans la restructuration réussie de Delta9 en vertu de la LACC. Notre groupe Restructuration et insolvabilité fournit aux parties prenantes des conseils stratégiques fondés sur les résultats dans le cadre de procédures complexes supervisées par les tribunaux.

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.

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