Dans le récent arrêt Ville de Québec c. Ouellet1 , la Cour d'appel se prononce sur l'interprétation des articles 40 et 41 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail2 (ci-après, « LSST »), ayant trait au régime de retrait préventif des travailleuses enceintes dans le cadre d'une plainte logée en vertu de l'article 227 LSST.
Dans cette affaire, l'intimée travaille à titre de sergente de patrouille pour le Service de police de la Ville de Québec et est enceinte. Au cours de sa grossesse, elle fournit à l'employeur un certificat médical mentionnant que certaines de ses conditions de travail présentent des risques pour sa santé et celle de son enfant à naître. Elle demande à être réaffectée à des tâches ne lui posant aucun danger. L'employeur refuse toutefois sa requête et la retire du travail. Dès lors, la travailleuse dépose une plainte auprès de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail en vertu de l'article 227 LSST. Cette plainte est jugée irrecevable.
Le Tribunal administratif du travail (ci-après le « TAT ») confirme cette décision et souligne que la LSST ne prévoit aucun droit à la réaffectation d'une travailleuse enceinte. Ainsi, l'employeur peut, en vertu de son droit de gérance, choisir ou non de donner suite à une demande de réaffectation. Rien ne l'oblige à accéder à la requête de la travailleuse.
La saga judiciaire se poursuit, puisque la Cour supérieure accueille ensuite le pourvoi en contrôle judiciaire de la travailleuse et casse la décision du TAT. Elle argue que le tribunal n'a pas respecté les enseignements dispensés par la Cour suprême dans l'arrêt Dionne c. Commission scolaire des Patriotes3 (ci-après « Dionne »), lequel reconnaît précisément un droit à la réaffectation d'une travailleuse enceinte. Le dossier est retourné au TAT afin qu'il puisse rendre une décision conforme à l'état du droit.
La Cour d'appel confirme le jugement de la Cour supérieure. En premier lieu, elle souligne que l'arrêt Dionne, précité, établit le cadre légal du régime de retrait préventif des travailleuses enceintes et constitue donc un précédent qu'il est nécessaire d'appliquer dans son entièreté. Au sujet du « vaste filet protecteur » que constituent les dispositions 40 et 41 LSST, l'arrêt Dionne précise qu'il comprend à la fois le droit des travailleuses enceintes de cesser de travailler, mais aussi, et avant tout, celui d'être réaffectées à des tâches qui ne posent aucun risque pour leur santé ou celle de leur enfant à naître. Ce cadre juridique permet notamment de s'opposer aux biais discriminatoires, voulant qu'une femme enceinte serait incapable de travailler.
En sus, la Cour d'appel estime que les articles 40 et 41 LSST doivent être interprétés à la lumière de leur texte, leur contexte et leur objet et non pas suivant une lecture littérale. Une telle interprétation révèle que l'intention du législateur est, en premier lieu, la recherche d'une réaffectation de la travailleuse enceinte afin de lui permettre de continuer à travailler de manière sécuritaire. La cessation de son activité professionnelle n'est pertinente qu'en l'absence de toute possibilité de réaffectation.
Enfin, la Cour d'appel clarifie l'obligation qui incombe à l'employeur en matière de retrait préventif d'une travailleuse enceinte. Selon son raisonnement, l'employeur doit tenter de réaffecter la travailleuse enceinte et doit pouvoir justifier sa décision, quelle qu'elle soit. Cela dit, la Cour précise que cette obligation en est une de moyen. L'employeur est donc tenu de prendre les moyens raisonnables pour y satisfaire.
En définitive, la Cour d'appel conclut que la Cour supérieure n'a commis aucune erreur révisable et rejette l'appel logé par l'employeur. L'affaire est renvoyée au TAT, qui devra décider si la travailleuse a subi une sanction au sens de l'article 227 LSST.
Footnotes
1. 2025 QCCA 825.
2. RLRQ c S-2.1.
3. 2014 CSC 33.
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