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29 October 2025

Devriez-Vous Enquêter? Quelques Considérations Pour Les Employeurs De Compétence Fédérale

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Rubin Thomlinson LLP

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Dans ce billet, je veux plutôt aborder les cas moins évidents, ceux où les pièges sont nombreux : une plainte verbale, des allégations liées à la gestion du rendement ou encore un dossier fermé trop rapidement
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Si vous travaillez dans le domaine des relations de travail ou du droit du travail pour un employeur de compétence fédérale, vous savez déjà que, dans certains cas, vous avez l'obligation d'enclencher un processus formel en matière de harcèlement, ce qui implique parfois de mener une enquête. Vous connaissez également les situations les plus susceptibles de donner lieu à une enquête en milieu de travail et êtes sans doute familiers avec le Règlement sur la prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail DORS/2020-130 (ci-après le Règlement).

Dans ce billet, je veux plutôt aborder les cas moins évidents, ceux où les pièges sont nombreux : une plainte verbale, des allégations liées à la gestion du rendement ou encore un dossier fermé trop rapidement. Certaines de ces erreurs, contraires au cadre juridique applicable, peuvent s'avérer coûteuses pour l'employeur. En effet, le Règlement semble désormais conférer les pleins moyens à la partie principale (ci-après « partie plaignante ») afin de choisir de quelle façon cette plainte sera résolue.

Vous avez peut-être un processus interne qui dicte très clairement aux employés comment faire une plainte formelle: un courriel à un responsable spécifique, un appel à l'équipe des relations de travail ou des ressources humaines, un formulaire à remplir, etc. Il est certes utile d'avoir une politique et/ou une procédure claire et uniforme à suivre, tant pour les employés concernés que pour l'équipe chargée de leur application. Il faut toutefois faire attention de ne pas être trop rigide sur la forme au moment de décider si ce que vous avez reçu est suffisant afin d'enclencher le processus en lien avec une plainte de harcèlement.

En effet, une plainte peut être écrite, mais elle peut aussi être verbale. Par ailleurs, les seules conditions prévues au dépôt d'une plainte ou d'un «avis d'incident» (pour prendre le terme exact) sont celles prévues au Règlement. Une simple communication verbale avec le centre d'appel des Relations de travail ou des ressources humaines si cette équipe est désignée pour recevoir les préoccupations des employés en matière de harcèlement, peut techniquement suffire à déclencher le processus et à contraindre l'employeur à respecter une série d'obligations et de délais.

Le fait que la partie plaignante ne mentionne pas spécifiquement qu'il s'agit d'une plainte de harcèlement n'est pas non plus fatal. Dans une telle situation, il est important de porter une attention particulière à ce qui est allégué et d'examiner la situation de plus près si ces détails ne sont pas fournis. Par exemple, lorsqu'un employé contacte le service désigné pour se plaindre d'une cote de rendement, l'employeur pourrait être tenté de la rediriger vers le processus spécifiquement prévu pour contester l'évaluation en question. Or, si la partie plaignante soulève également que l'évaluation est injuste à son endroit, il est clair qu'il devient nécessaire de creuser davantage afin d'obtenir des précisions additionnelles.

En effet, bien que la gestion de rendement fasse partie de l'exercice raisonnable du droit managérial et ne constitue généralement pas du harcèlement, il est possible qu'en expliquant pourquoi elle considère son évaluation injuste, la partie plaignante en vienne à alléguer du harcèlement au travail, soit en utilisant expressément ce terme, soit en décrivant des comportements qui s'y apparentent. La partie plaignante pourrait par exemple s'y prendre en expliquant que l'évaluation de performance a été rendue par le gestionnaire à partir de justifications intentionnellement erronées et en formulant des commentaires irrespectueux.

Une telle allégation, si prouvée au terme d'une enquête, pourrait mener à une conclusion de harcèlement en milieu de travail. L'employeur devrait donc faire preuve de prudence dans un tel cas et enclencher son processus formel en matière de harcèlement.

Continuons avec ce scénario. À la suite d'une première rencontre avec la partie plaignante, vous concluez que la plainte ne constitue pas du harcèlement au sens de la politique et lui faites part de ce constat. La partie plaignante signifie toutefois son désaccord avec vous en affirmant que le traitement qu'elle a subi de la part du gestionnaire est inéquitable envers elle et qu'elle se sent humiliée par certains de ses commentaires.

Dans un tel scénario, pouvez-vous mettre fin au processus entamé par la partie plaignante ? Tout ce qui est prévu au Règlement et dans les «IPGs» à ce sujet porte à croire que non1. À mon sens, il s'agit là d'un autre piège, plus subtil qu'il n'y paraît à la première lecture du Règlement.

L'article 23(3) du Règlement prévoit que la partie plaignante et l'employeur peuvent mettre fin à la plainte en décidant conjointement que les comportements décrits dans celle-ci, même en les tenant pour avérés, ne constituent pas un incident de harcèlement et violence. Les IPGs précisent, eu égard aux paragraphes 23(2) et 23(3), qu'en cas désaccord par l'employeur et la partie plaignante sur la question de savoir s'il s'agit d'un acte, d'une conduite ou d'un propos qui constitue un incident de harcèlement, la partie plaignante peut choisir de recourir à une enquête (ou, si cela est possible, à un autre mode de règlement), à certaines conditions.

L'article 25(1), quant à lui, prévoit que la plainte doit faire l'objet d'une enquête lorsque la partie plaignante en fait la demande, et si la plainte n'a pas été résolue par un règlement négocié (article 23) ou une conciliation (article 24). En cas de désaccord entre la partie plaignante et l'employeur, ce dernier devrait donc faire preuve de grande prudence et consulter un conseiller juridique avant de mettre fin au processus.

Attention, par exemple, si vous procédez à une analyse de recevabilité de la plainte et souhaitez utiliser cette analyse pour mettre fin unilatéralement au processus de plainte. En effet, le cadre juridique semble prévoir, pour l'instant, qu'il vous faudra convaincre la partie plaignante que les gestes décrits ne répondraient pas à la définition du harcèlement et ce, même s'ils étaient prouvés au terme d'une enquête. Pour assurer qu'une telle discussion avec la partie plaignante soit équitable, il me semble essentiel que l'employeur fasse preuve de transparence et informe la partie plaignante qu'elle conserve le droit de poursuivre le processus de plainte, sous certaines conditions, et ce, même en cas de désaccord avec l'employeur.

Il y a fort à parier que votre situation ne soit pas aussi simple que le scénario présenté dans ce billet et que d'autres considérations puissent influencer votre décision d'enquêter ou non sur une plainte de harcèlement. Il sera donc important de vérifier les implications des dispositions mentionnées dans votre dossier avec un conseiller juridique. Cette personne sera mieux à même d'évaluer les risques associés et les différentes avenues possibles (par exemple la tenue d'une enquête plus expéditive qu'à l'habitude). Dans tous les cas, en cas de doute, mieux vaut prévenir que guérir!

Footnote

1. Les IPGs sont des interprétations, politiques et guides visant à répondre à certaines des principales questions que se posent les employeurs et les employés sous réglementation fédérale concernant ses obligations. Lien: Règlement sur la prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail

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