Partie 1 : Aperçu
Les clauses d'indexation sur les bénéfices futurs sont des dispositions contractuelles utilisées dans les opérations de fusions et acquisitions de sociétés fermées. Elles permettent de rendre une partie du prix d'achat conditionnelle à certains aspects du rendement de la société cible après la clôture de la transaction.
L'utilisation et la structure des clauses d'indexation sur les bénéfices futurs varient en fonction de la transaction. Elles sont généralement rédigées sur mesure et tendent à faire l'objet de sérieuses négociations. Elles peuvent également être plus susceptibles d'entraîner des différents post-clôture que d'autres clauses dans le cadre de fusions et acquisitions de sociétés fermées. Il est donc essentiel de négocier et de rédiger ces clauses avec soin et discernement pour atteindre les objectifs des parties et refléter équitablement la valorisation de la société cible.
Pour vous aider, nous avons analysé la jurisprudence et les commentaires les plus instructifs des deux dernières décennies ayant trait aux clauses d'indexation sur les bénéfices futurs afin de rédiger ce guide pratique, à la fois concis et complet, sur la structuration, la négociation et les stratégies relatives à ces clauses. Si les clauses d'indexation sur les bénéfices futurs ont suscité un intérêt croissant et une utilisation accrue au cours des dernières années, elles constituent un mécanisme bien établi qui continuera d'être largement utilisé dans le cadre de fusions et acquisitions de sociétés fermées, même si les conditions du marché évoluent.
Pour discuter plus en détail des clauses d'indexation sur les bénéfices futurs, veuillez communiquer avec l'un des auteurs de ce guide ou avec tout autre membre des groupes Fusions et acquisitions ou Capitaux privés de Fasken. Pour en savoir plus sur les initiatives de leadership éclairé de Fasken relativement aux fusions et acquisitions et aux capitaux privés, visitez notre Centre du savoir sur les marchés des capitaux et les fusions et acquisitions.
Des clauses d'indexation sur les bénéfices futurs soigneusement rédigées peuvent être avantageuses à la fois pour l'acheteur et le vendeur.
Partie 2 : Avantages et inconvénients
Pourquoi utilise-t-on des clauses d'indexation sur les bénéfices futurs?
La raison la plus courante pour laquelle les parties à des opérations de fusions et acquisitions utilisent des clauses d'indexation sur les bénéfices futurs est pour résoudre ou « combler » un désaccord sur la valeur de la société cible entre l'acheteur et le vendeur, un désaccord connu sous le nom d'« écart de valorisation ». Les explications pouvant justifier un écart de valorisation peuvent inclure le fait que la société cible :
- en est à un stade de développement précoce avec un historique d'exploitation limité, mais présente un potentiel de croissance important ;
- prévoit d'introduire un nouveau produit ou une nouvelle technologie, ou de pénétrer un nouveau marché, ce qui pourrait augmenter considérablement sa rentabilité ou sa valeur ;
- aura accès à la technologie, à la propriété intellectuelle ou à d'autres ressources de l'acheteur qui pourraient accroître considérablement sa rentabilité ou sa valeur ;
- exerce ses activités dans un secteur volatil pouvant nuire à sa rentabilité ou entraîner d'importantes fluctuations de sa valeur ;
- a récemment connu une croissance importante de son chiffre d'affaires ou de ses bénéfices et il existe un risque que cette situation ne soit pas durable ;
- est exposée à des risques importants pouvant affecter ses activités, tels que des incertitudes liées à des approbations réglementaires, des engagements de clients, des litiges en cours ou potentiels ou d'autres facteurs difficiles à quantifier ;
- a récemment connu une baisse de ses bénéfices ou est en difficultés financières, mais il y a des raisons de s'attendre à un redressement.
Si les parties à des opérations de fusions et acquisitions ont souvent recours aux clauses d'indexation sur les bénéfices futurs pour combler un écart de valorisation, cet écart peut résulter de différents facteurs.
Outre l'écart de valorisation, les parties à des opérations de fusions et acquisitions peuvent également recourir à une clause d'indexation sur les bénéfices futurs pour fidéliser et motiver le personnel clé (p. ex., un fondateur) jugé essentiel à la réussite future de la cible. Lorsque des vendeurs acceptent de rester employés de la société, une clause d'indexation peut leur permettre d'obtenir une participation financière accrue dans le rendement continu de la société cible.
Enfin, un acheteur peut également utiliser une telle clause s'il est à court de liquidités et cherche à réduire le montant du prix d'achat payable à la date de clôture (auquel cas la clause sert aussi de mécanisme de financement). Cependant, d'un point de vue fiscal, le recours à des clauses d'indexations sur les bénéfices futurs devront toujours être justifié. En l'absence de justification, un simple solde de prix de vente peut s'avérer plus efficace
Quels sont les avantages et les inconvénients des clauses d'indexation sur les bénéfices futurs?
Les parties à une opération de fusion et acquisition doivent soupeser les différents avantages et inconvénients des clauses d'indexation sur les bénéfices futurs lorsqu'elles envisagent d'y recourir, et ce, tant d'un point de vue général que de celui de l'acheteur ou du vendeur.
Avantages et inconvénients généraux |
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Avantages | Inconvénients |
La société cible peut être valorisée plus précisément, c'est-à-dire que l'indexation est basée sur le rendement réel au cours d'une période future plutôt que sur le rendement projeté. | Les clauses d'indexation sur les bénéfices futurs peuvent être difficiles à négocier et à rédiger, notamment lorsqu'elles sont liées à des circonstances futures et incertaines. Cela est particulièrement vrai pour des périodes d'indexation plus longues. |
Le risque peut être réparti de manière plus équitable, c'est-à-dire que les risques et les bénéfices potentiels liés au rendement futur sont alors partagés entre l'acheteur et le vendeur (plutôt que d'être assumés exclusivement par l'un ou l'autre). | La complexité des clauses d'indexation sur les bénéfices futurs peut entraîner des coûts supplémentaires, car la plupart de ces clauses sont souvent sur mesure et nécessitent généralement l'intervention d'experts en finance, en comptabilité et juridiques. |
L'acheteur est protégé contre un éventuel surpaiement, car les clauses prévoient un rajustement de la valorisation en fonction du rendement réel postérieur à la clôture. | Les clauses d'indexation sur les bénéfices futurs impliquent de surveiller le rendement de la société cible après l'opération, ce qui impose des contraintes de temps et de coûts. |
Le prix d'achat initial moins élevé peut 1) faciliter le financement, p. ex., en réduisant le recours au financement par des tiers, et 2) faciliter la présentation d'offres plus élevées dans le cadre d'une vente aux enchères1 . | Les clauses d'indexation sur les bénéfices futurs compliquent le processus si l'acheteur souhaite se séparer complètement du vendeur. P. ex., elles prévoient souvent certains droits d'accès à l'information en faveur du vendeur, ce qui lui permet de conserver un intérêt dans la société cible après la clôture de l'opération. |
Le report d'une partie du prix d'achat 1) peut effectivement s'apparenter à un prêt sans intérêt pendant la période d'indexation et 2) peut permettre à l'acheteur d'utiliser les revenus de la société cible pour régler une partie du prix d'acquisition. | Les obligations de l'acheteur relatives à une clause d'indexation suivant la clôture peuvent entraver ou compliquer ses futurs plans d'affaires (p. ex., en compliquant l'intégration complète de la cible avec ses autres entreprises). |
Lorsque les principaux vendeurs (p. ex., les fondateurs) demeurent en fonction après la clôture, l'indexation sur les bénéfices futurs peut constituer une incitation importante à maximiser le rendement de la cible par la suite. | Pour respecter ses engagements liés à la clause d'indexation sur les bénéfices futurs, l'acheteur pourrait être amené à privilégier le rendement à court terme au détriment des considérations à long terme. |
Les montants payables aux vendeurs peuvent être déduits des demandes d'indemnisation de l'acheteur. | Un acquéreur potentiel ou un prêteur pourrait considérer les obligations relatives à la clause d'indexation sur les bénéfices futurs comme un frein à la valeur de l'acheteur. |
Le vendeur peut négocier un prix d'achat cumulé plus élevé que celui que l'acheteur était prêt à payer en l'absence de clause d'indexation sur les bénéfices futurs. | Le vendeur ne recevra pas la totalité de la contrepartie d'achat à la clôture et pourrait ne recevoir aucune contrepartie supplémentaire si la société cible connaît un mauvais rendement après la clôture2. |
Lorsque les principaux vendeurs (p. ex., les fondateurs) demeurent en fonction après la clôture, ils peuvent avoir une plus grande influence sur le fonctionnement futur de la société cible, augmentant ainsi la probabilité que les seuils d'indexation soient atteints. | En raison de circonstances imprévues, les seuils d'indexation convenus lors de la signature pourraient ne pas s'avérer pertinents ultérieurement. |
Le vendeur peut bénéficier des synergies générées par l'intégration de la cible à son activité lorsque cette intégration a une incidence bénéfique sur la cible et sur l'atteinte des seuils d'indexation sur les bénéfices futurs. | Si les vendeurs souhaitent se séparer complètement de l'acheteur, la clause d'indexation exigera la poursuite de l'engagement des ressources du vendeur après la clôture (p. ex, pour surveiller le rendement de la société cible et exercer ses droits à l'information)3. |
Si les clauses d'indexation sur les bénéfices futurs sont bien structurées, le vendeur peut généralement différer l'imposition des paiements afférents tout en conservant le traitement fiscal de ces paiements. | Si les clauses ne sont pas bien structurées, les paiements peuvent être imposés comme un revenu provenant d'un bien plutôt que comme des gains en capital. Lorsqu'ils sont versés à un non-résident du Canada, des problèmes supplémentaires peuvent survenir. |
Partie 3 : Structuration des clauses d'indexation sur les bénéfices futurs – Conditions essentielles
D'un point de vue technique, plusieurs conditions essentielles sont requises pour que les clauses d'indexation sur les bénéfices futurs soient efficaces4. Ces conditions sont généralement comprises dans la convention d'achat définitive, mais peuvent parfois être énoncées dans une convention d'achat complémentaire distincte. Ces conditions essentielles sont énumérées ci-dessous et examinées plus en détail dans le reste de cette troisième partie. Celles-ci doivent être soigneusement réfléchies et négociées pour correspondre à la société cible et aux attentes de chaque partie.
Seuils d'indexation sur les bénéfices futurs. Les seuils d'indexation sur les bénéfices futurs peuvent être basés sur des indicateurs financiers ou sur des mesures non financières (c.-à-d. des seuils spécifiques ou des étapes clés), ou sur une combinaison des deux. L'indexation est souvent basée sur le rendement global de la société cible, mais elle peut également être basée sur le rendement d'une division, d'un produit ou d'un service précis.
Paiements liés aux clauses d'indexation sur les bénéfices futurs. Les montants des paiements peuvent être forfaitaires ou basés sur une formule, ou une combinaison des deux.5 Les paiements forfaitaires sont courants lorsque les seuils d'indexation sont basés sur une étape clé. Les paiements liés à des formules sont courants lorsque les seuils d'indexation sont basés sur des indicateurs financiers. Des exemples de formules comprennent un multiple (p. ex., lorsque le paiement est un multiple du montant par lequel l'objectif dépasse le seuil établi dans la clause d'indexation) et un pourcentage (p. ex., lorsque le paiement correspond à un pourcentage du montant par lequel la cible dépasse le seuil convenu dans la clause).
L'utilisation d'une formule dans le calcul de l'indexation sur les bénéfices futurs dépend principalement de la manière dont les parties valorisent la cible (p. ex., un multiple du BAIIA).
Périodes d'indexation sur les bénéfices futurs. La durée appropriée de la période d'indexation sur les bénéfices futurs dépend en partie de la nature des seuils et du temps raisonnablement estimé pour qu'ils soient atteints. Les périodes d'indexation courtes (d'une durée d'un an ou moins) impliquent généralement un paiement potentiel unique. Les périodes pluriannuelles impliquent généralement plusieurs paiements potentiels à intervalles déterminés. Les périodes d'indexation sur les bénéfices futurs ne dépassent généralement pas trois ans, sauf dans certains secteurs comme l'industrie pharmaceutique.
Obligations de l'acheteur. Les clauses d'indexation sur les bénéfices futurs comprennent généralement des engagements de l'acheteur applicables pendant la période d'indexation. Parmi les plus importants figurent les clauses qui précisent comment, et dans quelle mesure, l'acheteur est tenu d'entreprendre certaines actions (p. ex., mettre à disposition des capitaux et du personnel) ou de s'en abstenir (p. ex., réduire les budgets, réaffecter ou licencier du personnel) pour atteindre les seuils d'indexation sur les bénéfices futurs.
Clauses d'indexation sur les bénéfices futurs inversées
Dans le cas d'une clause d'indexation sur les bénéfices futurs inversée, l'acheteur émet un billet à ordre au vendeur à la clôture de la transaction pour le montant maximum qui pourrait être payé en vertu de la clause. Ainsi, la contrepartie versée à la clôture comprend l'intégralité du paiement potentiel sous la forme du billet à ordre, en supposant que tous les seuils d'indexation seront atteints et que tous les paiements associés seront maximisés.
Par la suite :
- Si les seuils d'indexation sur les bénéfices futurs sont atteints et qu'un paiement est dû, celui-ci est effectué au moyen du billet à ordre.
- Si un ou plusieurs seuils ne sont pas atteints, le solde impayé correspondant du billet à ordre est annulé et le vendeur peut demander à comptabiliser une perte en capital sur celui-ci.
Les clauses d'indexation sur les bénéfices futurs inversées sont généralement avantageuses pour les vendeurs si A) il existe un risque que les paiements effectués en vertu de clauses d'indexation classiques soient imposés comme des revenus ordinaires provenant de biens et B) la période d'indexation ne dépasse pas trois ans. Les paiements effectués en vertu d'une clause d'indexation sur les bénéfices futurs inversée bénéficient généralement du régime fiscal des gains en capital, mais supposent un prépaiement de l'impôt sur le montant maximal potentiel6.
Les clauses d'indexation sur les bénéfices futurs inversées supposent l'usage de billets à ordre conditionnels pour le paiement maximal de la contrepartie potentielle et peuvent être plus avantageuses pour les vendeurs que des clauses d'indexation classiques, notamment pour des raisons d'ordre fiscal.
Seuils d'indexation sur les bénéfices futurs – Indicateurs financiers
Lorsque des indicateurs financiers sont utilisés, les parties doivent s'accorder sur les principes comptables appropriés et leur application. Il est généralement insuffisant de préciser simplement les PCGR (principes comptables généralement reconnus). Tout d'abord, les PCGR autorisent un large éventail de politiques et de pratiques comptables qui diffèrent souvent d'une entreprise à l'autre, même au sein d'un même secteur. Deuxièmement, les PCGR comprennent à la fois les IFRS (normes internationales d'information financière) et les NCECF (normes comptables pour les entreprises à capital fermé) et il peut y avoir des principes contradictoires dans ces normes. Troisièmement, les PCGR peuvent ne pas être reflétés dans les états financiers historiques de l'entreprise. Quatrièmement, une entreprise peut choisir d'appliquer les PCGR différemment d'une année à l'autre.
Les indicateurs financiers courants comprennent 1) les revenus, 2) le bénéfice net, 3) le BAIIA, 4) le bénéfice par action et 5) l'avoir net.
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Footnotes
1. Cet avantage peut être particulièrement intéressant pour les acquéreurs de sociétés de capital-investissement lorsque le financement par emprunt est limité.
2. Ce risque peut déplaire, particulièrement aux vendeurs de capitaux privés.
3. C'est pourquoi, dans un scénario de sortie, cette option peut ne pas être envisageable pour les vendeurs tels que les sociétés de capital-investissement.
4. Pour les autres conditions clés (mais non essentielles) des clauses d'indexation sur les bénéfices futurs, voir la Partie 4 : Structuration des clauses d'indexation sur les bénéfices futurs – Autres conditions importantes.
5. Si l'acheteur est une société ouverte et que les paiements doivent être effectués en actions de l'acheteur, diverses questions liées au droit des valeurs mobilières doivent être prises en compte.
6. Pour plus de détails, voir la Partie 9 : Questions d'ordre fiscal.
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