Le 16 juillet 2025, le gouvernement du Québec a adopté le Règlement sur les paiements et le règlement rapides des différends en matière de travaux de construction (le « Règlement »), dont le gouvernement avait publié des versions provisoires en juillet 2024 et en avril 2025. Le Règlement met en place un régime officiel de paiement et de règlement rapides des différends en matière de projets de construction publics et s'inscrit dans le cadre des modifications législatives introduites par l'adoption, en 2022, de la Loi visant principalement à promouvoir l'achat québécois et responsable par les organismes publics, à renforcer le régime d'intégrité des entreprises et à accroître les pouvoirs de l'Autorité des marchés publics. Elle visait à favoriser les pratiques d'approvisionnement responsable des organismes publics, à accroître la transparence des marchés publics et à assurer un traitement équitable des intervenants du secteur de la construction.
Le Règlement entre principalement en vigueur le 8 septembre 2025, mais il ne s'appliquera qu'aux contrats énumérés ci-dessous et à leurs sous-contrats connexes qu'à compter des dates suivantes :
Contrat concernant un ouvrage se rapportant à un bâtiment et comportant une dépense |
Contrat concernant un ouvrage de génie civil autre qu'un ouvrage se rapportant à un bâtiment et comportant une dépense |
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8 septembre 2026 |
inférieure à 750 000 $, mais égale ou supérieure à 75 000 $ |
inférieure à 2 500 000 $, mais égale ou supérieure à 675 000 $ |
8 septembre 2027 |
inférieure à 75 000 $ |
inférieure à 675 000 $ |
Maintenant que le Règlement entre en vigueur, un aperçu des principales dispositions du Règlement est présenté ci-après.
Champ d'application
Le Règlement s'applique aux contrats publics de construction au Québec et à la fois aux entrepreneurs et aux sous-traitants, qu'ils participent directement ou indirectement à la chaîne contractuelle. Il s'applique également aux prestataires de services, et toute référence aux travaux sous-traités s'étend aux services sous-traités, notamment lorsqu'un entrepreneur général a sous-traité des services professionnels dans le cadre d'un contrat mixte comprenant des travaux de construction et des services professionnels, ou d'un contrat de services d'amélioration de l'efficacité énergétique.
Certains contrats sont exemptés de ce régime, notamment les contrats conclus dans des situations d'urgence, lorsque la sécurité des personnes ou des biens est menacée. De plus, certains contrats conclus par le ministère des Transports et de la Mobilité durable ou la Société québécoise des infrastructures sont également exclus, à condition qu'ils répondent à deux critères au moment de leur conclusion : 1) l'ouvrage doit être réalisé dans un délai continu de trois mois ou moins, et 2) le paiement prévu au contrat sera effectué en un seul versement.
Paiement rapide
Le Règlement prévoit des règles et des délais normalisés pour le traitement des demandes de paiement. Les personnes demandant un paiement devront soumettre une demande de paiement contenant des renseignements particuliers, à savoir1:
- une description détaillée des travaux effectués, des dépenses engagées et de tout autre élément pour lequel des sommes d'argent sont réclamées ;
- les périodes associées à chaque élément de travail et de dépense ;
- le montant total des sommes d'argent réclamées ainsi qu'une ventilation de ce montant pour chaque élément de travail et de dépense.
Le débiteur peut permettre à un entrepreneur de corriger toute lacune dans une demande de paiement2.
En fonction de la nature du débiteur, différents délais devront être respectés pour effectuer le paiement3 :
- s'il s'agit d'un organisme public, le paiement doit être effectué au plus tard le dernier jour du mois au cours duquel la demande de paiement a été reçue;
- s'il s'agit de l'entrepreneur, le paiement doit être effectué au plus tard le 5e jour du deuxième mois suivant le mois au cours duquel la demande de paiement a été reçue;
- s'il s'agit d'un sous-traitant (une partie à un sous-contrat public rattaché directement à un contrat public), le paiement est dû au plus tard le 10e jour du deuxième mois suivant le mois au cours duquel la demande de paiement a été reçue.
Lorsque la chaîne de sous-traitance comporte plus de deux niveaux, un délai supplémentaire de cinq jours est ajouté pour chaque niveau de sous-traitance additionnel.
Il est important de noter que si un débiteur refuse de payer tout ou partie de la somme due, il doit transmettre une notification écrite à cet effet à l'autre partie4 :
- s'il s'agit d'un organisme public, au plus tard le 21e jour du mois ;
- s'il s'agit d'un entrepreneur général, au plus tard le dernier jour du mois;
- s'il s'agit d'un sous-traitant, au plus tard la veille du jour où il transmet sa propre demande de paiement.
Déductions et retenues
Le Règlement établit des règles particulières concernant les déductions et les retenues dans la chaîne contractuelle.
En ce qui concerne les paiements dus aux sous-traitants, un entrepreneur peut déduire un montant équivalent à la somme qu'un sous-traitant lui a réclamée pour des travaux ayant fait l'objet d'un avis de refus émis par un autre débiteur de la chaîne contractuelle, à condition que l'entrepreneur ait préalablement transmis une copie de l'avis de refus sur lequel est fondée la déduction5. Les organismes publics et les entrepreneurs peuvent également déduire des paiements la somme d'argent stipulée dans une clause pénale incluse dans leurs contrats.
Un organisme public peut retenir les sommes dues à un entrepreneur dans les cas suivants :
- jusqu'à 10 % de la somme due à titre de garantie de l'exécution du contrat et, dans ce cas, l'entrepreneur peut également retenir une partie du paiement dû à ses sous-traitants, à condition que ce droit de retenue soit prévu dans les contrats concernés6;
- un montant suffisant pour couvrir les réserves faites quant aux vices ou aux malfaçons apparents de l'ouvrage, à moins que l'entrepreneur n'ait déjà fourni une sûreté suffisante garantissant l'exécution de ses obligations relatives à ces vices ou malfaçons7;
- les sommes d'argent suffisantes pour réparer tout dommage causé à l'ouvrage par l'entrepreneur ou les sous-traitants, à moins que l'entrepreneur n'ait déjà fourni une sûreté suffisante garantissant l'exécution de ses obligations découlant de ce dommage8;
- les sommes d'argent suffisantes pour s'assurer que les créances des sous-traitants soient acquittées par l'entrepreneur ou pour permettre à l'organisme public d'acquitter directement ces créances, peu importe que les sous-traitants puissent ou non faire valoir une hypothèque légale9;
- les sommes d'argent suffisantes pour acquitter les créances des personnes, autres que les sous-traitants de l'entrepreneur, qui peuvent faire valoir une hypothèque légale10;
- jusqu'à la totalité des sommes d'argent finales payables à l'entrepreneur si ce dernier ne fournit pas les documents d'achèvement requis11.
En outre, un entrepreneur partie à un sous-contrat public peut retenir tout ou partie d'une somme d'argent payable à son créancier selon les conditions convenues par écrit entre les parties et si la retenue ne fait pas double emploi avec une retenue effectuée par l'organisme public12.
Règlement rapide des différends
Le Règlement introduit également une procédure simplifiée et confidentielle pour résoudre les différends dans le cadre de ces contrats de construction publics, en ayant recours à un tiers décideur. Le régime de règlement rapide des différends s'applique aux différends portant sur diverses questions, notamment13 :
- la validité d'une demande de paiement ou la conformité ou la justification d'un refus de paiement, d'une déduction ou d'une retenue ;
- l'existence ou la valeur d'un changement dans la portée des travaux ;
- le paiement dû d'une somme d'argent ;
- les questions liées à l'application ou à l'interprétation du contrat, d'un sous-contrat ou du cadre normatif applicable.
Pour engager la procédure d'intervention d'un tiers décideur, une partie doit notifier à son cocontractant une demande d'intervention14 :
- si le différend est lié à un contrat public, dans les 90 jours suivant l'acceptation des travaux sans réserve, ou s'ils ont été accepté avec réserve, dans les 90 jours suivant la date à laquelle l'organisme public se déclare satisfait des réparations ou corrections apportées aux travaux;
- si le différend est lié à un sous-contrat public, dans les 90 jours suivant la date d'achèvement des travaux indiqué dans le contrat de sous-traitance.
Une fois désigné, le tiers décideur doit suivre la procédure prévue au Règlement, y compris les délais impartis à chaque partie pour soumettre sa demande et sa réponse, ainsi que la procédure d'audience. En règle générale, le tiers décideur doit rendre une décision écrite sur le fond dans les 50 jours suivant sa désignation15.
Si la décision prévoit le paiement d'une somme d'argent, ce paiement doit être effectué dans les 20 jours suivant la notification de la décision16. En outre, si un entrepreneur a droit au paiement d'une somme d'argent, il doit informer ses sous-traitants, dans les plus brefs délais, du montant accordé et de la part de ce montant due à chaque sous-traitant17.
Il convient de noter qu'un différend ne peut pas être résolu dans le cadre de ce régime dans plusieurs situations, notamment18 :
- un différend a déjà été tranché par un tiers décideur ;
- la question au cSur du différend a déjà été tranchée à la suite du désistement d'une partie;
- une partie a déjà présenté une demande d'intervention portant sur le même différend et l'un des cas suivants s'applique : la demande a été volontairement retirée après la désignation d'un tiers décideur; la demande a été réputée comme ayant été retirée; ou un tiers décideur a déjà rendu une décision indiquant que cette partie ne pouvait exercer le droit de recours au tiers décideur à l'égard du différend ou qu'elle a abusé de ce droit ;
- le différend en question fait déjà l'objet d'une procédure judiciaire ou arbitrale entre les parties.
Régime de règlement rapide des différends
*Le tiers décideur peut prolonger ce délai de 15 jours ou pour une période plus longue si les parties en conviennent.
Conclusion
L'adoption du Règlement entraînera une modification majeure de la gestion de la plupart des nouveaux contrats publics. Le Règlement ne s'appliquera pas aux contrats en cours d'exécution et aux contrats à être octroyés à la suite d'appels d'offres émis avant la date à laquelle le Règlement entre en vigueur. Toutefois, toutes les parties prenantes concernées devraient se familiariser avec ce nouveau régime avant la date d'entrée en vigueur des nouvelles mesures.
Footnotes
1 Règlement, art. 5.
2 Ibid, art. 6.
3 Ibid, art. 15.
4 Ibid, art. 10.
5 Ibid, art. 16 et 17.
6 Ibid, art. 20.
7 Ibid, art. 22.
8 Ibid, art. 23.
9 Ibid, art. 25.
10 Ibid, art. 26.
11 Ibid, art. 28.
12 Ibid, art. 29.
13 Ibid, art. 34.
14 Ibid, art. 35.
15 Ibid, art. 63.
16 Ibid, art. 67.
17 Ibid, art. 65 et 66.
18 Ibid, art. 35.
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