I. ProcÉdure pÉnale
Indemnité dans la procédure de recours en cas de
violation du droit d'être |
TF 6B_76/2024 Violation du principe de la reformatio in pejus dans la
répartition des frais de procédure et la fixation de
leur |
II. Droit pÉnal Économique
Elément subjectif de la complicité non applicable
par analogie dans une affaire de gestion déloyale |
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III. Droit international privÉ
- |
IV. Droit de la poursuite et de la faillite
- |
V. Entraide internationale
Quelques propos introductifs
La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).
Sans prétendre à l'exhaustivité, seront
reproduits ci-après les considérants consacrant le
raisonnement juridique
principal développé par notre Haute juridiction sur
les thématiques suivantes: droit de procédure
pénale, droit pénal économique, droit
international privé, droit de la poursuite et de la
faillite, ainsi que le droit de l'entraide internationale.
I. PROCÉDURE PÉNALE
TF 7B_512/2023 du 30 septembre 2024 | Indemnité dans la procédure de recours en cas de violation du droit d'être entendu (art. 29 al. 1 Cst., 429 al. 1 let. a CPP, 436CPP)
- Le 5 mai 2022, A. («Recourant») a demandé la conversion de son permis de conduire afghan auprès de l'Office des véhicules du canton de Genève («OCV»). Le 1er juin 2022, il y a déposé deux permis de conduire afghans, soit le document original et une version renouvelée au 12 août 2021. L'OCV, doutant de l'authenticité des documents, les a transmis à la Brigade de police technique et scientifique. Le 5 juillet 2022, celle-ci a confirmé que le permis était contrefait. Le 13 juillet 2022, l'OCV a dénoncé les faits au Ministère public de la République et canton de Genève («Ministère public»).
- Le 25 août 2022, lors d'une audition en présence d'un interprète et de son avocat de choix, le Recourant a nié toute infraction et a affirmé l'authenticité du permis. Peu après, il a produit une attestation émanant du département compétent en Afghanistan légitimant son permis de conduire.
- Le 8 février 2023, le Ministère public a rendu une ordonnance de non-entrée en matière. Les frais de la procédure ont été mis à la charge de l'État, mais le Ministère public n'a pas abordé la question d'une éventuelle indemnisation.
- Le 26 avril 2023, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève («Chambre pénale de recours») a constaté que le Ministère public avait violé le droit d'être entendu du Recourant en omettant d'aborder la question de l'indemnisation dans l'ordonnance de non-entrée en matière. Toutefois, la Chambre pénale de recours a relevé que ce vice avait été réparé lors de la procédure de recours: le Ministère public s'était exprimé sur la question dans l'échange d'écritures et le Recourant avait eu la possibilité de prendre position sur ces explications.
- Sur le fond, la Chambre pénale de recours a nié que le Recourant pouvait prétendre à une indemnisation et a rejeté son recours, tout en renonçant à lui faire supporter les frais de procédure en raison de la violation du droit d'être entendu constatée.
- Le Recourant a interjeté un recours au Tribunal fédéral.
- En premier lieu, le Recourant a invoqué une violation des art. 429 CPP et 6 CEDH. Il a reproché à la Chambre pénale de recours de ne lui avoir octroyé aucune indemnité pour la procédure préliminaire. Il a également fait valoir que la cour cantonale avait établi les faits de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF) (consid. 2).
- Aux termes de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. L'art. 429 CPP ne mentionne pas expressément l'ordonnance de non-entrée en matière (art. 310 CPP), toutefois celle-ci peut également donner lieu à une indemnité (consid. 2.2.1).
- Notre Haute Cour a précisé qu'en cas de délit ou de crime, l'assistance d'un avocat est généralement considérée comme un exercice raisonnable des droits de défense, sauf dans des cas exceptionnels, tel qu'une enquête pénale close après une première audition (consid. 2.2.3).
- Le Tribunal fédéral a relevé qu'un délit était reproché au Recourant. Toutefois, il a précisé qu'une indemnisation automatique, en raison de la simple qualification de délit, n'était pas compatible avec le libellé de l'art. 429 al. 1 let. a CPP et irait trop loin (consid. 2.5.1).
- In casu, les juges de Mon-Repos ont considéré que la conclusion de la cour cantonale, selon laquelle le recours à un avocat de choix ne devait pas être indemnisé, était conforme au droit fédéral. En effet, la charge contre le Recourant a été abandonnée après une seule audition et cette procédure n'a soulevé aucune difficulté juridique ou factuelle particulière (consid. 2.5.2).
- En définitive, les juges de Mon-Repos ont considéré que les griefs du Recourant concernant les art. 429 al. 1 let. a CPP et 6 par. 1 CEDH devaient être écartés, tout comme le grief concernant le montant de l'indemnité qui aurait dû lui être allouée (consid. 2.6).
- En second lieu, le Recourant a invoqué une violation de l'art. 436 CPP, reprochant à la Chambre pénale de recours de lui avoir refusé une indemnité pour la procédure de recours, alors qu'elle avait constaté une violation de son droit d'être entendu par le Ministère public et qu'elle avait confirmé qu'il n'avait pas eu d'autre choix que de recourir (consid. 3).
- Le Tribunal fédéral a considéré que ce grief était fondé. Une décision rendue en violation du droit d'être entendu d'une partie (art. 29 al. 2 Cst.) est toujours entachée d'une erreur de droit, justifiant en principe sa contestation. Si, comme en l'espèce, l'instance de recours remédie exceptionnellement à ce vice, elle statue en fait à la place du Ministère public. Ce n'est que par cette décision que le droit à une décision formellement correcte peut être satisfait. Si le recours n'a toutefois pas de succès sur le fond et que le tribunal de recours rend une nouvelle décision, les frais de la procédure de recours doivent être supportés par l'État, car le Recourant n'a pas causé ces frais; la réparation du vice doit également être prise en compte dans le cadre de l'indemnisation, ce que la cour cantonale avait omis à tort (consid. 3.1).
- Partant, le recours a été partiellement admis.
TF 6B_76/2024 du 7 octobre 2024 | Violation du principe de la reformatio in pejus dans la répartition des frais de procédure et la fixation de leur montant (art. 428 al. 1 CPP)
- Le 28 janvier 2013, B. Sàrl a déposé plainte pénale contre A.A («Recourant») pour escroquerie, concurrence déloyale et violation de la loi fédérale sur le droit d'auteur.
- Par jugement du 20 décembre 2019, le Tribunal de police genevois («Tribunal de police») a notamment acquitté leRecourant du chef d'escroquerie, rejeté ses conclusions en indemnisation, débouté B. Sàrl de ses conclusions civiles, laissé les frais de la procédure préliminaire et de première instance à la charge de l'Etat, et ordonné la restitution des objets saisis.
- Par arrêt du 12 octobre 2020, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise («Chambre pénale d'appel et de révision»), a annulé le jugement de première instance et a reconnu le Recourant coupable d'escroquerie, l'a condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 330.-/jour, avec sursis durant trois ans, ainsi qu'à verser à B. Sàrl, au titre de réparation du dommage. La cour cantonale a notamment mis les frais de la procédure cantonale à la charge du Recourant et l'a condamné à verser à B. Sàrl CHF51'599.- à titre d'indemnité pour ses frais de défense de première et seconde instance.
- Par arrêt du 8 décembre 2021, le Tribunal fédéral a admis un premier recours interjeté par le Recourant contre l'arrêt du 12 octobre 2020 qui a été annulé et renvoyé à la cour cantonale pour nouvelle décision.
- Par arrêt du 13 juin 2022, la Chambre pénale d'appel et de révisiona acquitté le Recourant du chef d'escroquerie et l'a notamment condamné à payer d'une part les frais de la procédure préliminaire et de première instance, pour un montant de CHF6'377.- et, d'autre part à verser à B. Sàrl une juste indemnité de CHF 42'707, 40 pour les dépenses occasionnées par la procédure de première instance, ainsi qu'à payer les frais de la procédure d'appel pour un montant de CHF 4'375.- dont 1/3 a été mis à sa charge.
- Le Recourant a recouru une seconde fois auprès du Tribunal fédéral contre l'arrêt du 13 juin 2022. Notre Haute Cour a par arrêt du 26 avril 2023, partiellement admis le recours et a renvoyé la cause devant la cour cantonale pour nouvelle décision.
- Par arrêt du 17 octobre 2023, la Chambre pénale d'appel et révision a acquitté le Recourant du chef d'escroquerie et l'a condamné à payer les frais de la procédure préliminaire et de première instance pour un montant de CHF 6'377.- ainsi que les frais de la procédure d'appel à hauteur de CHF 6'630.- dont la moitié a été mise à sa charge.
- Le Recourant a recouru une troisième fois auprès du Tribunal fédéral.
- Devant notre Haute Cour, le Recourant a notamment invoqué la violation de l'art. 428 al. 1 CPP qui concrétise le principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi et de l'autorité de la force jugée, en ce que les frais de la procédure d'appel ont été augmentés et par moitié mis à sa charge (consid. 5).
- Au sens de l'art. 428 al. 1 CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé.
- In casu, les juges de Mon-Repos ont relevé que dans l'arrêt du 13 juin 2022, la cour cantonale avait arrêté les frais de la procédure d'appel à CHF4'375.- et mis 1/3 de ceux-ci à la charge du Recourant tandis qu'à la suite de l'arrêt de renvoi du 17 octobre 2023, lors duquel le Recourant avait été acquitté du chef d'escroquerie, les frais de la procédure d'appel avaient été arrêtés à CHF 6'630.- et mis par moitié à la charge du Recourant (consid. 5).
- Notre Haute Cour a ainsi retenu qu'en augmentant de la sorte le montant des frais de la procédure d'appel, mais aussi la part mise à la charge du Recourant, la cour cantonale avait violé l'interdiction de la reformatio in pejus et le principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi (consid. 5).
- Partant, le recours a été admis sur ce point.
II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE
TF 6B_913/2023, 6B_917/2023 du 10 octobre 2024 | Elément subjectif de la complicité non applicable par analogie dans une affaire de gestion déloyale qualifiée (art. 25 CP, art. 158 CP)
- («Recourant1 »), au bénéfice d'une expérience dans le domaine bancaire et financier, a été engagé en 1997 en qualité d'agent marketing par la société K. SA («K.SA»). K.SA était active dans la gestion de fortune et le conseil financier, et assurait la fonction defamily officepour la famille de L.
- Dès l'année 2000, le Recourant 1 a en outre été engagé en qualité de directeur adjoint et gestionnaire notamment des hôtels M., O. et P., propriétés de la famille L.
- Lors de la succession de feu L.L., sa dernière épouse, E, a hérité des hôtels O. et P. et a décidé de constituer son propre family officesous la raison sociale S. SA et a engagé le Recourant 1 en qualité de directeur général de cette entité. Par la suite, il a été nommé administrateur.
- Dans le cadre de l'exécution de ses responsabilités au sein des différents hôtels ainsi que pour l'épouse E., le Recourant 1 a fait appel à plusieurs entreprises et en particulier à A. SA, dont G. était l'administrateur et H. Sàrl, dont V. («Recourant 2») était organe de fait et ayant-droit économique.
- Toujours dans le cadre de ses diverses tâches, le Recourant 1 a perçu plusieurs pots-de-vin de la part de diverses entreprises auxquelles il avait attribué des mandats, dans la perspective et avec l'assurance de leur en attribuer de nouveaux.
- Par jugement du 15 décembre 2021, le Tribunal correctionnel genevois («Tribunal correctionnel») a reconnu le Recourant 1 coupable de gestion déloyale qualifiée, de faux dans les titres ou, alternativement d'escroquerie par métier et l'a condamné à une peine privative de liberté de deux ans, avec sursis. Le Tribunal correctionnel a également déclaré G. coupable de complicité de gestion déloyale qualifiée, et a acquitté le Recourant 2 de ce même chef d'accusation.
- Par arrêt du 19 mai 2023, la Chambre pénale
d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise
(«Chambre pénale d'appel et de
révision») a partiellement classé la
procédure au regard de certains faits reprochés au
Recourant 1, l'a acquitté des chefs de gestion
déloyale qualifiée ou escroquerie par métier
au regard de certains faits et l'a reconnu coupable, pour le
reste, de gestion déloyale qualifiée et de faux dans
les titres. Le Recourant 2 et G. ont, quant à eux,
été reconnus coupables de complicité de
gestion déloyale qualifiée et ont été
condamnés respectivement à une peine
pécuniaire de 180 jours-amende à
CHF 30.-/jour et à une peine privative de liberté de trois mois avec sursis.
- Le Recourant 2 a formé recours auprès du Tribunal fédéral contre cet arrêt.
- Devant notre Haute Cour, le Recourant 2 a notamment contesté sa condamnation pour complicité de gestion déloyale qualifiée (art. 158 ch. 1 et 3 CP) et 25 CP) et a soulevé la violation du principe «in dubio pro reo» et l'établissement des faits de manière arbitraire (consid. 6).
- Au sens de l'art. 25 CP, le complice est un participant secondaire qui prête assistance pour commettre un crime ou un délit. La complicité présuppose qu'une contribution causale soit apportée à l'auteur principal de l'infraction, un accroissement des chances de succès est suffisant (élément objectif). Il faut également que le complice sache ou se rende compte qu'il apporte son concours à un acte délictueux déterminé, le dol éventuel suffit (élément subjectif) (consid. 6.1).
- Le Tribunal fédéral a commencé par rappeler le raisonnement de la cour cantonale qui consistait à condamner le Recourant 2, organe de fait et ayant droit économique (intraneus) d'une des entreprises contractantes du Recourant 1 et dont l'élément volitif de l'infraction n'avait pas été prouvé, pour complicité de gestion déloyale aggravée, sur la même base que G. Ce dernier était, d'une part, simple extraneus et d'autre part avait sciemment gonflé et expédié sa facturation de sorte à ce que le Recourant 1 puisse s'y dégager un profit. Il avait de la sorte agi intentionnellement et rempli les éléments constitutifs de la complicité (consid. 6.4 cum5).
- In casu, les juges de Mon-Repos ont retenu que le raisonnement de la cour cantonale consistant à justifier une complicité de gestion déloyale intentionnelle à l'égard du Recourant 2, sur la même base que pour un extraneus (G.) était insoutenable et contradictoire (consid. 6.5).
- Notre Haute Cour a considéré que l'élément subjectif constitutif de la complicité qui avait été prouvé par le biais de la surfacturation à l'égard de G. ne pouvait pas être appliqué par analogie pour justifier la condamnation du Recourant 2, dans la mesure où cette même surfacturation n'avait pas pu être prouvée à son égard (consid. 6.5).
- Partant, le recours a été partiellement admis.
III. Droit international privÉ
IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE
V. ENTRAIDE INTERNATIONALE
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