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1 September 2025

Recel de favoritisme, faut-il plaider coupable ?

BL
Bignon Lebray

Contributor

Bignon Lebray, a dynamic French law firm with over 40 years’ experience, advises on French and international matters across corporate, M&A, private equity, real estate, banking, tax, employment, public, environmental, competition, IP/IT, and data protection. Its integrated, cross-functional approach covers advisory and litigation, ensuring clients’ flexible, comprehensive, and long-term success.
Le favoritisme engage la responsabilité pénale de l'acheteur et du candidat. Quelles conséquences côté achats et côté entreprise. Avis d'expert.
France Government, Public Sector

Le favoritisme engage la responsabilité pénale de l'acheteur et du candidat. Quelles conséquences côté achats et côté entreprise. Avis d'expert.

Si les acheteurs des entreprises privées disposent d'une grande latitude pour mener à bien leurs missions, tel n'est pas le cas de leurs homologues du secteur public, astreints au respect du Code de la commande publique.

Ce code impose des procédures de mise en concurrence, dont le formalisme (modalités de publicité, délais de remise des offres) et le contenu (critères de sélection des offres, négociations) sont précisément encadrés.

Liberté d'accès, égalité de traitement et transparence des procédures : telle est la devise de l'acheteur public. S'en écarter, c'est prendre le risque d'une condamnation pénale, au titre du délit d'octroi d'avantage injustifié, plus connu sous le nom de favoritisme.

Comme son nom le suggère, cette infraction vise, pour un agent ou un décideur public, à rompre l'égalité de traitement, en accordant à un candidat, plutôt qu'à un autre, certaines informations ou facilités procédurales susceptibles de lui faire remporter un marché.

Et la sanction peut être lourde pour l'agent ou l'élu ayant procuré - ou simplement tenté de procurer - un avantage injustifié : jusqu'à 2 ans d'emprisonnement et 200 000 euros d'amende (article 432-14 du Code pénal).

Et l'entreprise dans tout ça ?

L'entreprise bénéficiaire de l'avantage injustifié n'est pas en reste : dès lors qu'un agent public ou un élu est condamné pour avoir favorisé (ou tenté de favoriser) une entreprise, celle-ci engage également sa responsabilité pénale, au titre du recel (article 321-1 du Code pénal).

Peuvent être condamnées pour recel de favoritisme :

  • non seulement les personnes physiques (salariés, dirigeants de l'entreprise), qui s'exposent à 5 ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende ;
  • mais également la personne morale, qui s'expose au quintuple de cette amende (soit 1 875 000 euros, selon l'article 131-38 du Code pénal) et à une peine complémentaire d'exclusion des marchés publics.

Maîtriser la peine d'exclusion complémentaire des marchés publics

Plus que l'amende, cette peine complémentaire d'exclusion des marchés publics revêt une importance capitale pour certaines entreprises vivant de la commande publique - en particulier dans le secteur du Bâtiment Travaux Publics (BTP).

Et la manière d'aborder cette peine est particulièrement délicate pour l'entreprise poursuivie pour recel de favoritisme.

En effet, deux régimes textuels cohabitent :

  • L'exclusion automatique des marchés publics pendant 5 ans, prévue par l'article L.2141-1 du Code de la commande publique, applicable dès qu'une condamnation est prononcée pour certaines infractions, dont le recel de favoritisme ;
  • L'exclusion des marchés publics, laissée à la discrétion du juge pénal, prévue aux articles 131-34 et 131-39 du Code pénal, qui peut être plus courte, plus longue, ou assortie d'un sursis, voire d'un ajournement de peine.

L'exclusion prononcée par le juge pénal prévaut sur l'exclusion automatique de 5 ans.

Cela signifie que, si le juge pénal n'évoque pas la peine d'exclusion des marchés publics, l'entreprise condamnée pour recel de favoritisme sera automatiquement exclue des marchés publics pendant 5 ans.
À l'inverse, si le juge pénal se saisit du sujet, il peut limiter l'exclusion des marchés publics à une durée inférieure, ou accorder un sursis.

Autant dire que, sur un sujet aussi sensible - pouvant engager la survie économique de l'entreprise - il vaut mieux anticiper, et prendre l'initiative de solliciter, au moins à titre subsidiaire, une peine d'exclusion assortie d'un sursis... quitte à devoir plaider coupable.

Les incidences du plaider-coupable

Et cette stratégie du « plaider-coupable » n'est pas sans conséquence pour l'acheteur public.

En effet, le plus souvent, le Parquet poursuit conjointement, dans le cadre d'une instance pénale commune, à la fois l'acheteur public pour favoritisme, et l'entreprise bénéficiaire pour recel.

Un acheteur public poursuivi pour favoritisme serait donc peu crédible à plaider l'innocence, alors que, lors de la même audience, l'entreprise poursuivie pour recel plaide coupable...

Ainsi, si cette cohabitation de deux régimes juridiques d'exclusion des marchés publics facilite l'incrimination, elle soulève des interrogations quant au respect des principes de procédure pénale.

Originally published by Décision Achats

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