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25 July 2025

Arbitrage Et Mise Sous Séquestre : La Cour Privilégie L'efficacité Judiciaire Dans Mayfield Investments (Re) (2025 ABKB 326)

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Stein Monast

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Dans Mayfield Investments (Re) Ltd1, la Cour du Banc du Roi de l'Alberta (« la Cour ») a clarifié la hiérarchie entre une clause d'arbitrage insérée dans une convention unanime des actionnaires (« CUA ») et la supervision judiciaire inhérente aux procédures d'insolvabilité.
Canada Litigation, Mediation & Arbitration

Dans Mayfield Investments (Re) Ltd1, la Cour du Banc du Roi de l'Alberta (« la Cour ») a clarifié la hiérarchie entre une clause d'arbitrage insérée dans une convention unanime des actionnaires (« CUA ») et la supervision judiciaire inhérente aux procédures d'insolvabilité. Elle conclut qu'un tribunal peut refuser d'ordonner l'arbitrage, même si la clause est valide, lorsque ce dernier risque de compromettre l'intégrité et l'efficacité d'une mise sous séquestre.

Mise sous séquestre2 en octobre 2024 à la demande d'ATB Financial, Mayfield Investments Ltd. (« Mayfield »), détenait un intérêt indirect dans le Copper Coulis Casino en Alberta (« Casino »). Ses coactionnaires, Albert Stark (« Stark »), et Cameron Christianson, détenaient chacun 25 % des actions. Avant la mise sous séquestre, les administrateurs avaient adopté une résolution renouvelant le bail du Casino pour cinq ans. Stark, qui n'avait pas signé cette résolution, en conteste la validité et a signifié un avis d'arbitrage sur cette question plusieurs mois après le début d'un processus de sollicitation d'investissements et de vente (« SISP3 ») mis en place par le séquestre.

Alors que le séquestre faisait valoir que l'avis d'arbitrage était invalide et que la Cour devait être saisie du différend afin de préserver l'intégrité du SISP, Stark soutenait qu'en vertu de la clause d'arbitrage, la question devait plutôt être soumise à un arbitre. La Cour devait donc déterminer si la validité et l'opposabilité de la résolution des administrateurs et du renouvellement de bail relevaient de l'arbitrage ou de la mise sous séquestre, et si elle avait compétence pour statuer elle-même sur ces questions.

Pour trancher elle s'est appuyée sur l'arrêt Peace River Hydro Partners c. Petrowest Corp.4, qui établit un cadre d'analyse en deux temps, visant à déterminer la primauté entre l'application d'une clause d'arbitrage et le recours aux procédures judiciaires en contexte d'insolvabilité. La Cour suprême du Canada y précise que quatre conditions doivent être réunies pour que le sursis obligatoire, prévu à l'article 7(1) de la Alberta Arbitration Act s'applique, cette disposition imposant la suspension des procédures judiciaires lorsqu'un litige est couvert par une convention d'arbitrage valide. Ces conditions, distinctes des exceptions prévues à l'article 7(2), sont les suivantes :

  1. Existence d'une convention d'arbitrage
  2. Procédures judiciaires intentées par une partie à la convention
  3. Litige visé par la convention
  4. Demande de sursis présentée avant toute démarche judiciaire

En l'espèce, les trois premières conditions étaient satisfaites. Quant au premier critère, l'existence de la convention d'arbitrage n'était pas remise en question. La clause compromissoire à l'article 11.01 de la CUA liait le séquestre, celui-ci étant tenu par les engagements contractés par Mayfield avant sa mise sous séquestre. Quant au deuxième critère, la Cour a estimé que la notion de « procédures judiciaires » englobait également les procédures de mise sous séquestre, d'autant plus que celles-ci soulevaient des questions touchant directement les intérêts de Stark. À ce titre, celui-ci disposait de la qualité nécessaire pour contester les décisions prises par le séquestre. De plus, eu égard au troisième critère, la validité de la résolution des administrateurs et le renouvellement du bail du Casino relevaient manifestement de la clause d'arbitrage.

Cependant, la quatrième condition faisait défaut. Bien que la résolution et le renouvellement du bail aient été adoptés dès septembre 2024, Stark n'a signifié son avis d'arbitrage qu'en avril 2025, après avoir participé activement aux procédures de mise sous séquestre. De l'avis de la Cour, une telle conduite équivalait à une renonciation implicite à son droit d'invoquer la clause d'arbitrage, écartant ainsi l'application du sursis obligatoire.

La deuxième partie du cadre Petrowest prévoit qu'un tribunal peut refuser de donner effet à une clause d'arbitrage, même si les conditions du sursis obligatoire sont réunies, lorsque la convention est invalide, inopérante ou inexécutable, notamment si son application compromet la résolution ordonnée et efficace d'un processus d'insolvabilité. Ainsi, dans Mayfield Investments (Re), bien que la Cour ait conclu que la quatrième condition préalable au sursis obligatoire faisait défaut – rendant théoriquement inutile l'analyse de cette seconde étape – elle a tout de même examiné l'opportunité d'écarter l'arbitrage au nom de l'intérêt public. Elle a estimé que l'arbitrage proposé par Stark risquait de perturber le processus de mise sous séquestre, de retarder la vente des actifs et de compromettre la réalisation optimale des biens au bénéfice des créanciers.

La Cour conclut ainsi que le sursis obligatoire prévu à l'article 7(1) de la Alberta Arbitration Act ne s'appliquait pas en l'espèce. Le litige devait donc être tranché dans le cadre des procédures de mise sous séquestre, l'autorisation d'un arbitrage étant jugée « injuste, perturbatrice et préjudiciable » au processus en cours. Elle déclare également valide et opposable la résolution des administrateurs ainsi que le renouvellement du bail.

Cette décision confirme que, même en présence d'une clause d'arbitrage valide, l'intervention judiciaire peut prévaloir sur l'autonomie procédurale des parties lorsque l'arbitrage est incompatible avec la finalité du processus collectif propre à l'insolvabilité5, la Cour conservant alors une compétence résiduelle essentielle pour en assurer l'efficacité et l'équité au bénéfice de l'ensemble des créanciers.

Footnotes

1 Mayfield Investments (Re) Ltd, 2025 ABKB 326

2 Un séquestre est une tierce personne nommée par un tribunal ou un créancier garanti pour prendre possession des biens d'un débiteur, les gérer ou les liquider, et répartir le produit selon la loi Son rôle vise à protéger les intérêts des créanciers en assurant une administration ordonnée et impartiale des biens visés.

3 Sale and Investment Solicitation Process (SISP)

4 Peace River Hydro Partners c. Petrowest Corp. 2022 CSC 41.

5 La « finalité du processus collectif propre à l'insolvabilité » renvoie à l'objectif fondamental des lois sur l'insolvabilité, soit d'assurer la gestion ordonnée et centralisée des biens d'un débiteur insolvable, de maximiser la valeur des actifs au bénéfice de l'ensemble des créanciers, d'éviter la course individuelle aux biens, et de faciliter la restructuration ou la liquidation sous supervision judiciaire

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