Introduction

Dans un élan inusité, la Cour d'appel du Québec a confirmé le rejet de la demande d'autorisation d'intenter une action collective. Les motifs de la Cour d'appel dans cette affaire ne manqueront point d'attirer l'attention des praticiens ainsi que celle de leurs clients.

Contexte

Le 27 janvier 2023, la Cour d'appel a confirmé la décision du juge Bisson qui, dans la saga judiciaire de l'affaire Hazan c. Micron Technology & al.1, rejetait la demande d'autorisation d'intenter une action collective fondée sur un présumé complot de fixation de prix ayant pour effet de restreindre la production de puces « dynamic random-access memory » ou puces DRAM. Au mois de juin 2021, nous avons d'ailleurs commenté le rejet initial de l'action collective prononcé par le juge Bisson.

Raisonnement de la Cour d'appel

L'appel de l'appelant-demandeur avançait principalement que le juge d'instance avait trop axé son analyse sur le fond de l'affaire, en examinant la preuve ou son absence, plutôt que de se limiter à un examen prima facie des faits et de tenir les allégations pour avérées.

La Cour d'appel a unanimement rejeté cet argument et a conclu que le juge d'instance avait adéquatement appliqué l'enseignement mis de l'avant par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Infineon2, qui exige que des allégations générales et imprécises soient accompagnées d'une certaine preuve afin d'établir une cause défendable.

La Cour d'appel a également souligné que l'appelant s'appuyait sur des informations non fiables provenant de diverses sources, comme des actions collectives ayant été intentés aux États-Unis et qui depuis avaient été rejetées, ainsi que de vagues références à des enquêtes ayant été menées en Chine. L'appelant n'avait aucune connaissance réelle du prétendu complot et était incapable de présenter la moindre preuve établissant l'existence d'un accord de fixation des prix. Ce faisant, la Cour d'appel a souscrit à la décision du juge de première instance qui avait conclu en une absence complète de preuve au soutien des allégations de complot.

Il importe également de noter que, dans le cadre de son pourvoi, l'appelant a essayé de déposer un rapport d'expert en faisant valoir que le juge de première instance aurait dû permettre son dépôt. La Cour d'appel a rejeté cette demande, soulignant que le juge de première instance avait refusé le dépôt du rapport à deux reprises et que l'appelant n'avait pas porté ces décisions en appel. De plus, la Cour d'appel a conclu que l'appelant n'avait pas démontré d'erreur susceptible de révision.

Conclusion

Bien que l'étape de l'autorisation d'une action collective au Québec soit souvent perçue par les défendeurs comme étant un combat difficile, cette décision récente de la Cour d'appel du Québec confirme que des allégations vagues et générales ne peuvent être tenues pour avérées si elles ne sont pas minimalement étayées. Le seuil d'autorisation est peut-être faible, mais il existe. À défaut d'une « certaine preuve » pour soutenir les allégations de complot, les demandeurs d'actions collectives risquent de ne pas pouvoir présenter une cause défendable.

Pour reprendre les mots du juge Bisson dans son jugement rejetant cette action collective (et tel que cité par la Cour d'appel dans son jugement confirmant le rejet), « zéro fois zéro donne zéro ».

Footnotes

1. Hazan c. Micron Technology Inc., 2023 QCCA 132.

2. Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59.

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