Peut-on laisser un conteneur maritime indéfiniment sur son terrain, sans permis et sans autorisation de la municipalité? Voilà la question que s'est posée la Cour municipale de Montréal en octobre dernier, alors que la Ville de Montréal reprochait à 168244 Canada inc. (la « défenderesse ») d'avoir installé un conteneur sur son terrain sans avoir obtenu un certificat d'autorisation d'aménagement paysager.
Le 8 mars 2022, la Ville de Montréal reçoit une
plainte concernant un conteneur maritime à une adresse
située dans l'arrondissement de Ville-Marie, au nord
de la rue Sherbrooke.
L'inspecteur du cadre bâti pour l'arrondissement
vérifie le registre des permis et des certificats, mais il
ne trouve rien concernant un conteneur maritime à cette
adresse.
Il se présente sur les lieux et trouve, à
l'arrière du bâtiment, un conteneur maritime
ayant une longueur de 20 pieds, une hauteur de 9 pieds, et une
largeur de 8 pieds. Le conteneur est glissé entre le mur
arrière d'un bâtiment et la clôture qui
délimite le fond de la propriété, ce qui
laisse un espace d'environ 30 cm. Le conteneur est
fermé sur le dessus et sur tous les côtés.
L'inspecteur prend des photos.
Selon le rôle d'évaluation, le bâtiment
principal est détaché et date de 1940. Il est
classé comme un bâtiment commercial et appartient
à l'entreprise 168244 Canada inc.
Le 11 mars 2022, l'inspecteur écrit une lettre
à l'entreprise pour l'aviser qu'il a
constaté une infraction à l'article 110
du Règlement d'urbanisme de
l'arrondissement de Ville-Marie (le
« Règlement
d'urbanisme »), soit le défaut
d'avoir obtenu une autorisation pour l'installation
d'une dépendance de 15 m² ou moins dans le
secteur de l'arrondissement Ville-Marie situé au nord
de la rue Sherbrooke.
Il explique qu'un certificat d'autorisation est requis.
Un délai est accordé pour remédier à la
situation.
Le 22 mars 2022, un avocat communique avec l'inspecteur pour
expliquer que le conteneur est protégé par droits
acquis. Le 26 avril 2022, il fait parvenir une preuve
démontrant que le conteneur a été
acheté le 1er mai 2012.
Le 6 juillet 2022, l'inspecteur constate que le conteneur est au même endroit. Il remet un constat d'infraction à la défenderesse pour avoir contrevenu aux articles 41 et 75 du Règlement sur les certificats d'autorisation et d'occupation interdisant d'installer, de faire installer, de laisser une personne installer, de maintenir ou de laisser une personne maintenir la construction, l'installation ou l'aménagement des aménagements paysagers, sans qu'un certificat d'autorisation d'aménagements paysagers n'ait été délivré. L'infraction est passible, pour une personne morale, d'une amende de 2 000 $ pour une première infraction et d'une amende de 4 000 $ pour une récidive.
L'entreprise 168244 Canada inc. plaide non coupable. Au moment de l'instruction, la défenderesse n'avait pas fait de demande de certificat d'autorisation et le conteneur était encore au même endroit.
Un conteneur maritime est-il un aménagement paysager?
À première vue, on pourrait penser qu'un
conteneur n'est pas un aménagement paysager. Le sens
usuel de cette expression évoque un embellissement du
paysage. Il faut toutefois utiliser la définition contenue
dans la réglementation municipale.
L'expression, évoquée à l'article
41 du Règlement sur les certificats
d'autorisation et d'occupation, est
expliquée à l'article 40 du même
règlement :
Aux fins de la présente section, l'expression
« aménagements paysagers » signifie les travaux
visés à l'article 110 du règlement
d'urbanisme, les clôtures visées au premier
alinéa de l'article 21 du Règlement sur les
clôtures (CA-24-225) et l'installation d'une
clôture dans l'espace compris entre une façade
et l'emprise de la voie publique, à l'exception
d'une clôture temporaire de chantier, ainsi que
l'aménagement d'une surface revêtue au sol
imperméable d'une superficie excédant 1 000
m².
L'installation d'un conteneur correspond à
« l'installation […] d'une
dépendance de 15 m² ou moins […] »
(article 110 du Règlement d'urbanisme). Une
dépendance est un « bâtiment […]
occupé par un usage accessoire, nécessaire ou utile
au fonctionnement de l'usage principal d'un terrain ou
d'un bâtiment et situé sur le même
terrain, y compris une aire d'entreposage […] »
(article 5 du Règlement d'urbanisme).
Par conséquent, le conteneur maritime en litige de 14,88
m² est un « aménagement paysager » au
sens de l'article 41 du Règlement sur les
certificats d'autorisation et d'occupation.
La présence du conteneur est-elle protégée par un droit acquis?
Le titre VII du Règlement d'urbanisme
prévoit la reconnaissance de droits acquis pour des usages
ou constructions dérogatoires.
Selon l'article 665, un « usage dérogatoire est
protégé par droits acquis si à un moment de
son existence il était conforme à la
réglementation en vigueur. »
D'après l'article 696, une « construction
dérogatoire est protégée par droits acquis si,
à un moment de son existence, elle était conforme
à la réglementation en vigueur. »
La défenderesse soutient que l'article 110 du
Règlement d'urbanisme, en vigueur seulement depuis
2013, ne pouvait s'appliquer en 2012, au moment de
l'achat et de l'installation du conteneur. Celui-ci a
d'ailleurs servi à entreposer des archives pour un
cabinet d'avocats.
La défenderesse affirme que l'article 118.1 du
Règlement d'urbanisme de 2012 exigeait uniquement une
autorisation pour l'installation d'une
dépendance à usage résidentiel, et non
commercial. Selon ses prétentions, l'installation du
conteneur était conforme à la réglementation
alors en vigueur, et par conséquent, elle est
protégée par un droit acquis. Voici ce qui est
énoncé dans l'article 118.1 :
Dans l'arrondissement historique et naturel du Mont-Royal et
dans le secteur du mont Royal, nul ne peut sans avoir
préalablement obtenu un permis effectuer les travaux
suivants :
1. la construction, l'installation, la transformation ou
l'enlèvement d'une clôture au sens du
Règlement sur les clôtures (R.R.V.M., chapitre
C-5);
2. la construction, l'installation, la transformation,
l'enlèvement ou la démolition de toute
dépendance résidentielle ou de tout escalier;
3. l'aménagement d'une rampe
d'accès, d'un débarcadère ou tout
autre chemin privé véhiculaire ou piéton.
Toutefois, la cour ne retient pas ce raisonnement. Elle renvoie
plutôt aux articles 32 et 33 du Règlement sur
la construction et la transformation de bâtiments,
également en vigueur en 2012.
L'article 32 énonce ce qui suit :
Il est interdit d'effectuer sans permis :
1° la construction d'un bâtiment;
2° la transformation d'un bâtiment au sens du
Code;
3° la modification, le remplacement ou l'ajout d'un
élément de construction d'un bâtiment qui
est visé par un règlement de zonage, un plan
d'implantation et d'intégration architectural ou
tout autre réglementation municipale;
[…]
L'article 33 précise ce qui suit :
Malgré l'article 32 :
1° un permis n'est pas requis pour l'installation
ou la construction d'un bâtiment temporaire sur un
chantier nécessaire à la réalisation de
travaux pour lesquels un permis a déjà
été délivré. Un tel bâtiment doit
être enlevé au plus tard à la première
des échéances suivantes :
a) 30 jours après la fin des travaux relatifs au
permis;
b) immédiatement après la révocation du
permis;
c) à la date d'expiration du permis;
2° un permis n'est pas requis pour l'installation,
la construction ou l'agrandissement d'un bâtiment
secondaire, dont la superficie totalise au plus 15 m2, qui dessert
un bâtiment résidentiel.
La réglementation exemptait de l'autorisation
municipale les conteneurs installés temporairement pendant
des travaux ainsi que les cabanons de jardin typiquement
installés derrière les maisons d'habitation. En
revanche, cette exemption ne s'appliquait pas aux conteneurs
maritimes permanents.
La cour trouve la défenderesse coupable de
l'infraction et la condamne à payer une amende de 2
000 $.
Laisser un conteneur maritime indéfiniment sur son terrain,
sans autorisation de la municipalité, est
généralement illégal. Peu importe qu'on
qualifie ce conteneur maritime de construction dérogatoire
ou d'usage dérogatoire, il n'est
protégé par un droit acquis que si, à un
moment de son existence, il était conforme à la
réglementation en vigueur. Cependant, force est de constater
que c'est rarement le cas. Le conteneur maritime est un
équipement conçu pour le transport maritime,
ferroviaire ou routier, ou pour la réception et
l'enlèvement des déchets en cas de
rénovation ou de démolition. Il ne constitue pas une
installation permanente du paysage urbain. Avant d'installer
un conteneur maritime, le propriétaire devrait demander
à la municipalité si une autorisation est
nécessaire ou consulter des avocats.
The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.