ARTICLE
4 June 2025

Dans une décision récente, la Cour de l'Alberta clarifie le droit aux paiements prévus par la Public Works Act

MT
Miller Thomson LLP

Contributor

Miller Thomson LLP (“Miller Thomson”) is a national business law firm with approximately 500 lawyers across 5 provinces in Canada. The firm offers a full range of services in litigation and disputes, and provides business law expertise in mergers and acquisitions, corporate finance and securities, financial services, tax, restructuring and insolvency, trade, real estate, labour and employment as well as a host of other specialty areas. Clients rely on Miller Thomson lawyers to provide practical advice and exceptional value. Miller Thomson offices are located in Vancouver, Calgary, Edmonton, Regina, Saskatoon, London, Waterloo Region, Toronto, Vaughan and Montréal. For more information, visit millerthomson.com. Follow us on X and LinkedIn to read our insights on the latest legal and business developments.
Lorsque plusieurs parties contribuent à un projet de construction public, mais qu'elles ne sont pas toutes payées, laquelle de ces parties a le droit légal de réclamer les fonds impayés?
Canada Alberta Real Estate and Construction

Introduction

Lorsque plusieurs parties contribuent à un projet de construction public, mais qu’elles ne sont pas toutes payées, laquelle de ces parties a le droit légal de réclamer les fonds impayés? Cette question a récemment été soumise à la Cour du Banc du Roi de l’Alberta, qui a rendu une décision rare et importante en interprétant la Public Works Act, RSA 2000, c P-46 (la « PWA  »).

Dans l’affaire Alberta Social Housing Corporation v Dawson Wallace Construction Ltd., 2025 ABKB 124, la Cour a accueilli l’appel de Dawson Wallace Construction Ltd. (« Dawson Wallace ») et rejeté les demandes concurrentes des « sous-traitants de deuxième niveau1 », à savoir Eko Wall Systems Ltd. (« EKO ») et Adexmat Inc. (« Adexmat  »). Cette décision est digne de mention étant donné qu’il existe peu d’interprétations judiciaires de la PWA et qu’elle rejette expressément les demandes présentées en vertu de la PWA par des sous-traitants de deuxième niveau au motif d’une interprétation stricte de l’article 14 de la PWA, qui fait référence uniquement aux « entrepreneurs » et aux « sous-traitants ».

Mise en contexte

Le litige a pris naissance dans le cadre d’un projet de construction public commandé par l’Alberta Social Housing Corporation (« ASHC »), qui avait retenu les services de Dawson Wallace comme entrepreneur général. Dawson Wallace a sous-traité une partie des travaux à D’Amani Stucco Solutions Inc. (« D’Amani ») (le sous-traitant), qui a à son tour sous-traité le mandat à EKO et à Adexmat (les sous-traitants de deuxième niveau). Après que D’Amani a abandonné le projet puis déclaré faillite, EKO et Adexmat se sont retrouvés impayés. Les deux sous-traitants de deuxième niveau2 ont déposé des avis de demande en vertu de l’article 14 de la PWA en vue de récupérer les montants impayés.

En réponse à cet avis de demande, ASHC a versé 311 164,27 $ à la Cour conformément à une ordonnance par consentement émise en vertu du paragraphe 15(4) de la PWA. L’ordonnance a confirmé que le montant était « dû et exigible » à Dawson Wallace aux termes du contrat qu’elle avait conclu avec ASHC, mais a expressément maintenu les demandes d’EKO et d’Adexmat en attendant la décision du tribunal.

La question de droit fondamentale soumise à la Cour du Banc du Roi de l’Alberta était simple : qui, parmi Dawson Wallace, EKO et Adexmat, avait légalement droit aux fonds détenus par la Cour?

La décision rendue sur les requêtes

Le juge chargé des requêtes a rejeté toutes les requêtes des parties au motif que les preuves étaient insuffisantes et choisi de ne pas trancher le litige concernant le droit aux paiements. Cependant, il avait estimé qu’EKO et Adexmat disposaient de motifs suffisants pour présenter une demande en vertu d’une interprétation « pragmatique et corrective » de la PWA et de l’ordonnance par consentement.

Analyse de la Cour : qui a droit aux fonds en vertu de la PWA?

En appel, la Cour du Banc du Roi de l’Alberta a accueilli l’appel de Dawson Wallace et rejeté ceux d’EKO et d’Adexmat. La décision de la Cour s’appuie largement sur deux décisions faisant autorité en Alberta :

  • Alberta v Opron Construction Co., 1985 CanLII 1211 (« Opron  ») et
  • Alberta Government Telephones v Canadian Great Lakes Casualty and Surety Co., 985 ABCA 111 (« AGT  »).

Ces deux décisions confirment que seuls les entrepreneurs – ou ceux qui font valoir leurs droits directement par leur intermédiaire – peuvent avoir accès aux fonds versés à la Cour en vertu de l’article 15(4) de la PWA. Les sous-traitants de deuxième niveau, qui n’ont pas de lien de droit direct avec le maître d’ouvrage3 ou l’entrepreneur et qui ne font pas valoir leurs droits par l’intermédiaire de l’entrepreneur, sont exclus.

La Cour a conclu qu’EKO et Adexmat, en tant que créanciers d’un sous-traitant (D’Amani) et non de Dawson Wallace, n’avaient pas qualité pour réclamer les fonds détenus par la Cour en vertu de l’article 15(4) de la PWA. Leur recours juridique s’exerce à l’encontre de la succession de D’Amani dans le cadre d’une procédure de faillite, et non en vertu de la PWA.

EKO et Adexmat ont invoqué deux autres affaires :

  • Graham Construction and Engineering Inc. v Alberta (Infrastructure), 2021 ABQB 1844 et
  • Moonview Builders Ltd. v Alberta Housing Corporation, 1983 CanLII 10095

Cependant, la Cour a estimé que ces décisions étaient antérieures à l’affaire AGT  ou qu’elles ne tenaient pas compte du précédent contraignant établi dans cette affaire, et a réaffirmé que les décisions rendues dans les affaires AGT et Opron faisaient toujours autorité.

Il est intéressant de noter que, bien que Dawson Wallace n’ait pas déposé d’avis de demande officiel en vertu de l’article 14 de la PWA, la Cour a néanmoins estimé qu’elle avait droit aux fonds. Cette conclusion était fondée sur les conditions de l’ordonnance par consentement et sur la preuve incontestée du droit de Dawson Wallace en vertu du contrat qu’elle avait conclu avec ASHC.

Répercussions sur le secteur de la construction

Cette décision confirme un principe de longue date dans le droit de la construction de l’Alberta : seuls les entrepreneurs ou ceux qui font valoir leurs droits directement par leur intermédiaire peuvent avoir accès aux fonds versés à la Cour en vertu de la PWA. Cette décision réaffirme l’importance du lien contractuel direct et dissuade les sous-traitants de deuxième niveau de tenter de contourner la chaîne de paiement établie par l’interprétation de la loi.

Cette décision est particulièrement intéressante à la lumière des récentes  modifications apportées à la PWA, lesquelles sont entrées en vigueur le 1er avril 2025. Ces modifications n’ont aucune incidence sur la restriction prévue à l’article 14 de la PWA concernant les demandes présentées par des « entrepreneurs » et des « sous-traitants ».

Les modifications prévoient cependant que l’auteur d’une demande présentée en vertu de la PWA a priorité sur toute autre personne (à l’exception de la Couronne) réclamant une somme payable en vertu d’un contrat ou d’un contrat de sous-traitance [paragraphe 15(5)]. Le paragraphe 15(5) mérite d’être souligné, car il n’établit aucun ordre de priorité à l’égard des fonds; on peut donc supposer que l’entrepreneur se verrait accorder le même rang de priorité qu’un sous-traitant qui ferait valoir ses droits par son intermédiaire. Cette affaire rappelle sans équivoque que les parties qui cherchent à obtenir un paiement dans le cadre de projets publics, ou liés au secteur public, doivent envisager toutes les voies possibles pour garantir le paiement, y compris l’application de la PWA, les privilèges et les cautionnements de paiement de la main-d’œuvre et des matériaux. Les sous-traitants de deuxième niveau, en particulier, doivent tenir compte de cette décision dans leur évaluation des risques inhérents aux projets publics. Pour leur part, les entrepreneurs généraux doivent eux aussi présenter des demandes officielles en vertu de la PWA afin de maintenir le rang de priorité conféré à leur demande par l’article 15(5). 

L’essentiel à retenir pour les acteurs du secteur de la construction

  • La Cour a réaffirmé une interprétation stricte de la PWA fondée sur la notion de lien contractuel, qui limite les arguments d’équité avancés par les demandeurs en aval : seuls les entrepreneurs et les sous-traitants directement engagés par l’entrepreneur peuvent réclamer les sommes versées à la Cour en vertu de l’article 15(4) de la PWA.
  • Une ordonnance par consentement reconnaissant le droit contractuel d’un entrepreneur à des fonds renforce sa position, même en l’absence d’une demande officielle présentée en vertu de la PWA.
  • Les sous-traitants de deuxième niveau ne peuvent réclamer ces fonds que si leur droit au paiement est expressément transféré par l’entrepreneur, par exemple au moyen d’une cession ou d’un lien contractuel direct.
  • Les sous-traitants de deuxième niveau doivent veiller à ce que leurs recours juridiques comprennent des droits à un privilège et l’accès à des cautionnements.

Conclusion

La décision de la Cour du Banc du Roi de l’Alberta jette un éclairage utile sur les limites applicables aux droits prévus par la PWA, en particulier pour les sous-traitants de deuxième niveau qui cherchent à recouvrer des sommes dans le cadre de projets publics. Compte tenu des modifications législatives désormais en vigueur et de l’évolution de l’interprétation judiciaire, les acteurs du secteur de la construction doivent évaluer de façon proactive leurs stratégies en matière de garantie de paiement.

Footnotes

1. Termium, fiche 2

2. Mon ajout, il semble que l’anglais aurait dû indiquer «subsubcontractors ». À vérifier, svp.

3. Je comprends que l’on fait référence ici au « project owner », comme dans l’avant-dernier paragraphe.

4. Si la traduction est nécessaire : insérer l’hyperlien menant à l’affaire

5. Idem

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.

Mondaq uses cookies on this website. By using our website you agree to our use of cookies as set out in our Privacy Policy.

Learn More