Cette ambition est bienvenue. Ces barrières ont longtemps miné l'efficacité économique du Canada, causant des pertes évaluées à presque 4 % du PIB en dollars constants et limitant la croissance des entreprises et la mobilité de la main-d'œuvre. Elles se présentent sous diverses formes, comme des réglementations incohérentes, des normes techniques incompatibles ou une complexité logistique.
Dans cet article, nous examinons l'effet de telles barrières sur le secteur du camionnage.
Un système fragmenté : pourquoi la réglementation sur le camionnage varie autant au Canada
Dans le système fédératif canadien, la compétence en matière de transports est partagée entre deux paliers :
- le gouvernement fédéral, conformément à la Loi constitutionnelle de 1867, encadre le transport national, dont celui qui se fait par les airs et par les eaux, de même que le transport ferroviaire et routier qui traverse les frontières provinciales ou internationales (les transporteurs « extraprovinciaux »);
- les provinces et les territoires régissent les activités de transport qui ne dépassent pas leurs frontières, dont le transport ferroviaire sur courtes distances et industriel ainsi que les transporteurs routiers intraprovinciaux.
Les responsabilités sont en apparence bien définies, mais le gouvernement fédéral a délégué aux provinces et territoires le pouvoir d'adopter des lois et des règlements sur l'utilisation sécuritaire de véhicules motorisés commerciaux, y compris ceux qui servent au camionnage extraprovincial. Les provinces et les territoires disposent aussi de leurs propres codes de la route. Résultat : un ensemble décousu de règles qui impose un fardeau financier et administratif aux entreprises de camionnage extraprovincial du Canada.
Dans un récent rapport(PDF), l'Alliance canadienne du camionnage (ACC) dénonce les principales barrières qui nuisent au secteur. Elles se divisent en trois catégories :
- l'accès à l'information;
- l'état des infrastructures et des routes;
- la réglementation et la sécurité.
Manque d'information
L'absence de système centralisé rassemblant les données sur la sécurité et la conformité aux normes du travail est source d'inefficacités. Lorsqu'ils cherchent à vérifier les titres et la réputation de transporteurs, les expéditeurs doivent consulter un assortiment de sources fédérales, provinciales et territoriales qui ont chacune leurs règles de communication et procédures d'accès. Les données de performance des transporteurs en matière de sécurité, comme les taux de collisions ou de mises hors service doivent être obtenues auprès de l'agence provinciale qui veille au respect du Code canadien de sécurité. Si le transporteur a des activités dans plusieurs provinces, il faut faire des demandes séparées pour chacune d'entre elles. De la même façon, l'information sur les programmes obligatoires d'indemnisation des travailleurs, les employés inscrits ou les réclamations pour blessure ou maladie est accessible uniquement auprès de la commission des accidents du travail de chaque province. Pour les transporteurs dont les chauffeurs résident ou travaillent normalement dans deux provinces ou plus, la soumission de demandes à plusieurs commissions est un exercice long et complexe.
États des infrastructures et des routes
Le réseau routier du Canada s'est développé de manière inégale, car les provinces et les territoires ont compétence en matière de construction et d'entretien. Dans les Prairies et les Maritimes, les entreprises de camionnage se butent souvent à un réseau sous-développé, ce qui allonge les trajets, augmente les coûts et réduit l'efficacité des opérations.
Les lignes directrices pour la conception du réseau routier national recommandent de placer des aires de repos tous les 80 à 160 km pour permettre aux camionneurs de profiter des périodes de pause réglementaires. En réalité, on retrouve de longs tronçons d'autoroute sans installations du genre partout au pays, ce qui contribue à la fatigue des camionneurs et augmente le risque de non-conformité.
L'entretien en hiver varie aussi de région en région, en fonction des conditions météorologiques et des ressources disponibles. Ces disparités représentent un risque important pour la sécurité routière et créent de l'incertitude dans les délais de livraison.
Une approche coordonnée à l'échelle nationale pour l'entretien des routes et les normes pourrait améliorer les conditions des déplacements et renforcer la fiabilité de la chaîne d'approvisionnement.
Le dédale des permis et de la réglementation
Règles visant les véhicules
Les exigences de permis et les règles ayant trait à l'utilisation des routes varient d'un bout à l'autre du pays. Les normes sur la configuration des véhicules et les règles visant ceux qui sont surdimensionnés ou en surcharge diffèrent selon la province, ce qui fait qu'il y a des incohérences dans les exigences de permis et les limites de poids sur les routes.
La charge par essieu autorisée est généralement la même partout, mais le poids maximal total pour les véhicules varie, ce qui oblige parfois certains camions à emprunter des trajets plus longs. Toutefois, une étude (PDF) du ministère des Transports de l'Ontario suggère que, malgré ces divergences, les routes canadiennes sont largement conçues selon les mêmes normes structurelles, ce qui signifie qu'elles peuvent supporter sensiblement les mêmes poids. On peut alors se demander si la variation dans les règles sur le poids est justifiée, surtout qu'elle freine les activités de transport interprovinciales.
De plus, le transport de certains biens, comme le gaz, le pétrole ou l'alcool, nécessite différents permis selon la province. Par exemple, pour transporter de l'alcool, il faut des permis et des attestations supplémentaires, une couche de complexité de plus pour les entreprises qui traversent les frontières provinciales.
Règles visant les camionneurs
Les permis de conduire et autres exigences visant les camionneurs varient aussi selon la province. Par exemple, certaines, mais pas toutes, imposent une formation obligatoire pour les chauffeurs de camions commerciaux débutants. Il y a aussi encore des différences dans les temps de travail et de pause pour le camionnage intraprovincial, même si le gouvernement fédéral a adopté des règles sur les heures de service uniformes pour les camionneurs qui travaillent pour des transporteurs routiers extraprovinciaux. Ces incohérences entraînent des obstacles administratifs et des coûts supplémentaires qui donnent des maux de tête aux entreprises de camionnage.
Une réforme à l'horizon
Projet pilote du CCI sur le camionnage
Les tensions tarifaires entre le Canada et les États-Unis ont avivé les pourparlers sur la réduction des barrières au commerce interprovincial. Le gouvernement fédéral s'est montré prêt à instaurer une réforme. Le 26 septembre 2024, le Comité du commerce intérieur (« CCI ») a annoncé un projet pilote sur le camionnage visant à harmoniser, par voie de reconnaissance mutuelle, la réglementation des provinces et des territoires.
Cette initiative pilotée par Terre-Neuve-et-Labrador et par le gouvernement fédéral a obtenu l'appui de 10 des 13 provinces et territoires. Il s'agit d'une série d'accords de reconnaissance mutuelle visant à atténuer les différences – par exemple dans la signalisation des véhicules surdimensionnés et les permis de travail – pour alléger le fardeau des entreprises lié au respect de la loi.
Regard vers l'avenir
Le projet pilote sur le camionnage représente un bon début, mais ses détracteurs doutent que la reconnaissance mutuelle soit la meilleure solution. Certains sont d'avis que la disparité des normes reflète les différences dans la géographie et les ressources à travers le pays, et que la normalisation n'est pas réaliste. Il est par exemple logique que les normes soient plus strictes en Colombie-Britannique, vu son profil montagneux, qu'en Saskatchewan, une province caractérisée par son terrain plat.
D'autres craignent que la reconnaissance à l'échelle nationale des normes provinciales les plus souples compromette la sécurité et aimeraient que les normes harmonisées soient plutôt rigoureuses. Le CCI a assuré aux parties prenantes que le programme mettrait les mesures de sécurité à l'avant-plan. Il devrait faire une mise à jour avant sa réunion de 2025, qui aura lieu en août.
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