De nombreux employeurs cherchent à favoriser l'équité, la diversité et l'inclusion afin de s'adapter à un milieu de travail qui ne cesse d'évoluer. Pour certains, cet engagement passe par le soutien des communautés autochtones, notamment par la mise en œuvre d'initiatives visant à embaucher des Autochtones. Une question de droit se pose alors : les employeurs peuvent-ils légalement accorder la priorité aux candidats autochtones pour certains postes?
En mai 2025, la Commission ontarienne des droits de la personne (la « CODP ») a publié un énoncé de politique et un guide contextuel sur l'embauche spécifique aux Autochtones. Ces documents fournissent des lignes directrices utiles aux employeurs qui cherchent à naviguer les complexités de la dotation de postes spécifiques aux Autochtones tout en respectant le Code des droits de la personne de l'Ontario (le « Code »).
La politique et le guide de la CODP abordent des défis continus auxquels sont confrontés les peuples autochtones, notamment la discrimination systémique et la sous-représentation dans les secteurs d'emploi, tout en fournissant des conseils sur la mise en œuvre de pratiques d'embauche équitables et culturellement appropriées pour les postes destinés aux Autochtones.
Comprendre le cadre juridique
Le Code interdit la discrimination en matière d'emploi fondée sur diverses caractéristiques personnelles protégées : les motifs de discrimination interdits. Bien que l'« autochtonité » ne soit pas expressément un motif de discrimination interdit en Ontario, les personnes autochtones sont généralement protégées par le Code en raison de l'origine ancestrale et de l'intersection de l'origine ancestrale, de la race, du lieu d'origine, de l'origine ethnique et/ou de la croyance.
De plus, comme le souligne la CODP dans la politique, le Code protège les pratiques d'embauche préférentielles spécifiques aux Autochtones dans certaines circonstances, au moyen des dispositions sur les programmes spéciaux (article 14) et les emplois particuliers (article 24).
Programmes spéciaux
Les programmes spéciaux prévus à l'article 14 du Code visent à promouvoir l'égalité réelle en soutenant les groupes défavorisés. Ces programmes doivent avoir une raison d'être claire et précise et être assortis de critères d'admissibilité adéquats. Une raison d'être claire et précise est essentielle pour aider les particuliers et les organismes qui pourraient considérer ces programmes spéciaux comme discriminatoires à comprendre leur objectif, leur utilisation et la façon dont leur efficacité sera évaluée. Il est donc important que les employeurs élaborent les critères d'admissibilité en se fondant sur la raison d'être et qu'ils les communiquent clairement aux candidats.
La jurisprudence canadienne a généralement appuyé des programmes spéciaux qui sont bien documentés et fondés sur des données afin de pallier les désavantages historiques et actuels. Par exemple, dans l'affaire Sauve v. Ininew Friendship Centre1, une préférence d'embauche aux Autochtones a été considérée comme un programme spécial en vertu du Code, car elle visait à offrir des opportunités égales et de promouvoir la culture autochtone. De même, dans l'affaire Miller v. Union of BC Performers2, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a confirmé la décision de soutenir l'admission préférentielle aux Autochtones à un atelier de rédaction destiné aux Autochtones, parmi d'autres groupes désignés, afin de favoriser l'inclusion et de reconnaître l'importance de telles initiatives. La Cour a souligné que les programmes spéciaux soutenant les peuples autochtones ne contreviennent pas à la législation sur les droits de la personne de la province, car ils sont essentiels pour contrer les effets du colonialisme et des traumatismes historiques, tout en promouvant l'égalité réelle.
Emplois particuliers
L'article 24 du Code prévoit des dispositions en matière d'emploi qui permettent aux organisations servant les intérêts des Autochtones de privilégier l'embauche des candidats autochtones lorsqu'il est raisonnable et de bonne foi d'exiger que l'emploi soit réservé à une personne autochtone.
En Ontario, l'article 24 a rarement été examinée par les cours et tribunaux. Cependant, la jurisprudence de la Colombie-Britannique offre des perspectives et des orientations utiles. Dans l'affaire Shiozaki v. Aboriginal Mother Centre Society3, le Tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique a rejeté une plainte alléguant de la discrimination envers des personnes non autochtones par un organisme dédié au soutien de mères et d'enfants autochtones. Le Tribunal a souligné la légitimité d'exiger que le conseil d'administration et la haute direction de l'organisme soient entièrement composés d'Autochtones, conformément au mandat de l'organisme visant à servir les communautés autochtones.
Points clés à retenir pour les employeurs tirés de la politique et du guide
En raison d'incidents récents de présumées fraude d'identité par des personnes non autochtones, la politique encourage les employeurs à prendre des mesures pour confirmer les revendications d'identité autochtone et/ou d'expérience vécue en tant qu'Autochtone lors de l'embauche pour des postes spécifiques aux Autochtones qui a été créé dans le cadre d'un programme spécial ou qui représente un emploi particulier, en plus de l'auto-identification. La politique souligne cependant la distinction entre « confirmer » et « déterminer », et que la nature complexe de l'identité autochtone exige une approche flexible, évitant les solutions universelles.
En effet, la politique souligne expressément le risque de s'appuyer sur des définitions sous-inclusives de qui peut s'affirmer Autochtone et d'imposer des exigences trop rigides en matière de preuves pour corroborer une revendication, ce qui perpétue ainsi davantage la marginalisation.
Les employeurs sont encouragés à collaborer étroitement avec les communautés autochtones locales afin d'établir des processus de confirmation appropriés, qui soient culturellement sensibles et adaptés et proportionnels à la raison d'être et aux besoins particuliers de chaque poste.
Conclusion
Bien que naviguer dans le cadre juridique de l'embauche préférentielle puisse être complexe, les employeurs disposent de moyens pour mettre en œuvre légalement des initiatives qui soutiennent l'emploi des Autochtones. En harmonisant leurs pratiques d'embauche avec les principes du Code des droits de la personne de l'Ontario et en collaborant avec les communautés autochtones, ils peuvent contribuer aux objectifs plus larges de réconciliation et d'égalité réelle, tout en alignant leurs stratégies d'emploi avec les valeurs d'équité, de diversité et d'inclusion.
Footnotes
1. 2010 HRTO 720 (en anglais).
2. 2022 BCCA 358, qui a confirmé 2020 BCHRT 133 (en anglais).
3. 2020 BCHRT 10 (en anglais).
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