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30 June 2025

Du vieux, du neuf et un terrain inconnu : l'agence d'approvisionnement en matière de défense, un nouveau secrétaire d'État (Approvisionnement en matière de défense) et le transfert de la Garde côtière canadienne sous la responsabilité du ministère de la Défense nationale

À la date de la présente publication, le nouveau cabinet du premier ministre Carney a nommé 10 secrétaires d'État, dont le secrétaire d'État...
Canada Government, Public Sector

À la date de la présente publication, le nouveau cabinet du premier ministre Carney a nommé 10 secrétaires d'État, dont le secrétaire d'État (Approvisionnement en matière de défense), Stephen Fuhr1. De plus, la Chambre des communes est actuellement saisie d'un projet de loi visant à placer la Garde côtière canadienne sous la tutelle du ministre de la Défense nationale.

Les nominations au poste de secrétaire d'État et la possibilité d'une agence d'approvisionnement en matière de défense ne sont ni un nouveau concept politique ni une approche unique; toutefois, le transfert de la Garde côtière canadienne sous la tutelle du ministre de la Défense nationale nous amène en terrain inconnu. 

Nous expliquons ici ces changements et soulevons plusieurs questions qui devront être tranchées pour améliorer l'approvisionnement en défense.

Qu'est-ce qu'un secrétaire d'État (Approvisionnement en matière de défense) ?

Les gouvernements libéraux et conservateurs ont nommé des ministres d'État (secrétaires d'État) au cours des 40 dernières années, soit depuis l'adoption de la Loi sur les départements et ministres d'État2 (la « Loi »), mais il s'agit de la première nomination visant l'approvisionnement en matière de défense3.

Un secrétaire d'État est nommé par le Cabinet en vertu de la Loi pour élaborer des politiques nouvelles ou complètes sur toute question relevant de la responsabilité du gouvernement, ou pour aider un ou plusieurs ministres responsables d'un ministère ou d'un autre secteur de l'administration publique fédérale à s'acquitter de ces responsabilités. 

Le poste de secrétaire d'État (Approvisionnement en matière de défense) a été créé pour répondre à ce dernier besoin et seconder  le ministre des Travaux publics et de l'approvisionnement, qui possède l'autorité quasi exclusive d'acheter du matériel de défense pour le ministère de la Défense en vertu de la Loi sur la production de défense. 

Quel est le rôle du secrétaire d'État (Approvisionnement en matière de défense) ?

Les secrétaires d'État sont, en général, liés par la responsabilité ministérielle collective et la confidentialité des délibérations du Cabinet, ainsi que par les diverses règles et politiques qui s'appliquent aux ministres, notamment en vertu de la Loi sur les conflits d'intérêts  et de la Loi sur le lobbying.

Comme précédemment mentionné, le secrétaire d'État (Approvisionnement en matière de défense) appuiera le travail du ministre des Travaux publics et de l'approvisionnement et n'exercera que les fonctions ou les pouvoirs assignés ou transférés à ce poste. Le ministre demeure en tout temps responsable du ministère et, à ce titre, l'exercice de tout pouvoir ou de toute fonction du secrétaire d'État est subordonné à l'autorité du ministre.

Le secrétaire d'État (Approvisionnement en matière de défense) doit exercer cette fonction de soutien dans le cadre des services et des installations du ministère. 

Qu'est-ce qu'une agence d'approvisionnement en matière de défense ?

Bien qu'aucun détail n'ait été publié à ce jour, une agence fédérale d'approvisionnement en matière de défense n'est pas un concept entièrement nouveau. En fait, jusqu'en 1969, l'approvisionnement en défense relevait du ministre de la Production de défense. Le ministre était nommé en vertu de la Loi sur la production de défense et rendait compte au Parlement. En 1969, la charge du ministre de la Production de défense a été abolie et le portefeuille et la responsabilité de l'approvisionnement en défense ont été transférés au ministre des Approvisionnements et Services et, éventuellement, en 1996,au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux (rendant ainsi ce ministre responsable de la grande majorité de l'approvisionnement fédéral).

Il est prévu que toute nouvelle agence d'approvisionnement en défense mènera ses activités sous l'autorité du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux Canada.

Réorientation de la Garde côtière canadienne sous la responsabilité du secrétaire d'État

Le lundi 9 juin 2025, le premier ministre Mark Carney a annoncé le plus récent plan de dépenses en matière de défense du gouvernement du Canada, qui vise à atteindre l'objectif (actuel) de dépenses de l'OTAN, soit 2 % du PIB4. Un élément essentiel de cet engagement renouvelé est l'intention d'intégrer le budget annuel de 2,5 milliards de dollars de la Garde côtière canadienne (GCC) à l'objectif de dépenses du Canada auprès de l'OTAN.

Cette volonté législative pourrait même avoir des incidences sur le nouveau secrétaire d'État (Approvisionnement en matière de défense).

La partie 5 du projet de loi C-2, Loi visant une sécurité rigoureuse à la frontière, lequel arécemment été déposé à la Chambre des communes, propose une série de modifications :

  • Permettre au Cabinet de désigner un autre ministre, en plus du ministre des Pêches et des Océans, pour assumer la responsabilité des services de garde côtière. Il est prévu qu'il s'agisse du ministre de la Défense nationale, ce qui élargirait les responsabilités du nouveau secrétaire d'État (Approvisionnement en matière de défense).
  • Étendre les services de garde côtière pour y ajouter le soutien aux ministères en leur fournissant des navires, des aéronefs et d'autres services, des patrouilles de sécurité, et en procédant à la collecte, à l'analyse et à la communication d'information ou de renseignement.

L'objectif de ces réformes et de l'ajout de services de garde côtière déterminera leur inclusion dans les dépenses en matière de défense. Au moment de la publication de ce bulletin, aucune explication n'a encore été communiquée.

Alors, qu'est-ce que ça signifie pour l'approvisionnement en matière de défense ?

À l'heure de la publication de ce bulletin, le lien entre tous ces éléments n'est pas clair et nous ignorons ce qui en ressortira. De nombreuses questions demeurent sans réponse, notamment :

  • Le secrétaire d'État recevra-t-il les pouvoirs nécessaires pour agir en vertu de la  Loi sur la production de défense ou le poste demeurera-t-il entièrement sous la direction et le contrôle du ministre ?
    • Selon l'étendue des pouvoirs qui lui seront accordés, le ministre, le Conseil du Trésor et le Cabinet peuvent avoir un rôle dans toute attribution des pouvoirs requis pour que le secrétaire puisse remplir son rôle.
    • Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) dispose déjà de plusieurs équipes qui s'occupent précisément de l'approvisionnement en défense et qui connaissent bien les marchés publics dans ce domaine. Le transfert de fonctionnaires à une agence d'approvisionnement en matière de défense en l'absence de tout changement important à la façon dont le Canada s'approvisionne en matériel de défense pourrait n'entraîner rien de plus qu'un changement d'adresse pour ces équipes d'approvisionnement.
  • L'approvisionnement en défense demeurera-t-il assujetti aux politiques et aux procédures qui doivent être respectées dans le cadre de l'approvisionnement ou y aura-t-il des exceptions ?
    • Les retards dans l'approvisionnement en défense sont souvent attribuables à la pléthore de politiques, de processus et d'obstacles que les besoins en défense doivent franchir avant qu'un achat réel puisse avoir lieu.
    • Toutefois, bon nombre de ces politiques et processus assurent la responsabilisation, la surveillance et la probité (par exemple, la conformité à la Loi sur la gestion des finances publiques et aux politiques et directives connexes du Conseil du Trésor). On ne peut pas simplement ne pas en tenir compte pour accélérer les choses.
    • Un examen cohérent et réfléchi sera nécessaire pour déterminer où et quand des exceptions seront permises.
  • Comment la collaboration nécessaire entre les différents ministères concernés sera-t-elle restructurée ou rationalisée ?
    • Le ministre peut avoir le pouvoir quasi exclusif d'acheter du matériel de défense pour le compte du ministère de la Défense nationale, mais ce pouvoir n'est pas exclusif à tous égards. En réalité, l'achat de matériel de défense est la dernière étape d'un processus interministériel.
    • Les multiples rondes d'examen et d'approbation continueront d'avoir une incidence sur les achats – plus l'approvisionnement est complexe, plus les rondes d'examen requises sont nombreuses.
    • Le ministère de la Défense nationale doit toujours demander et obtenir une approbation budgétaire (à l'interne et auprès du Conseil du Trésor), élaborer ses exigences et évaluer les soumissions reçues par rapport à ces exigences; Industrie Canada (ISDE) doit élaborer les exigences relatives aux retombées industrielles et technologiques et à la proposition de valeur et évaluer les éléments de toute soumission; et Services aux Autochtones Canada doit tenir compte des avantages pour les autochtones et de leur participation prévue. Enfin, en fonction des coûts et des risques, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et le ministère de la Défense nationale peuvent avoir besoin de l'approbation du Conseil du Trésor pour l'attribution définitive du contrat.
  • Comment la GCC contribuera-t-elle à l'objectif en matière de dépenses de 2 % de l'OTAN ?
    • Si les services de renseignement et de sécurité de la GCC sont utilisés à des fins non militaires, on peut se demander si ces dépenses seront comprises dans l'objectif de l'OTAN. Toutefois, si ces services sont réellement utilisés dans le cadre de tactiques et d'opérations militaires, il est plus probable qu'ils entrent dans le cadre des dépenses en matière de défense.
    • En procédant à une réforme de la GCC et en élargissant ses services pour y inclure le renseignement et la sécurité, le gouvernement pourrait réorienter l'organisme à des fins plus défensives et officialiser son lien avec les forces armées.
  • Le Canada entreprendra-t-il une refonte significative de son hyperaversion au risque ?
    C'est l'épine dans le pied sous-jacente à la grande majorité des approvisionnements en défense, créant des situations impossibles à naviguer.
    • Le Canada fixe souvent des modalités que les acteurs du secteur ne peuvent tout simplement pas accepter (et donc, ils ne soumissionneront pas) ou qu'ils doivent gérer au moyen de soumissions plus élevées pour faire face au fardeau de risque inapproprié qui est refilé (y compris des exigences ambitieuses, et irréalistes, qui pourraient s'avérer impossibles à atteindre).
    • Le gouvernement doit se recentrer et bien comprendre les risques afin que les acteurs du secteur puissent présenter des soumissions réalistes sur le plan commercial, plutôt que d'avoir à adopter une approche d'« ultra-gestion des risques ». Une véritable compréhension du risque et du partage des risques, et non des énoncés de politique vides de sens à cet égard, est nécessaire.
    • Bien qu'il ait été affirmé que le contexte de l'approvisionnement au Canada est caractérisé par un grand nombre de litiges, en réalité, ce n'est pas tout à fait vrai.À titre d'exemple, le nombre de plaintes déposées auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur est demeuré relativement constant au cours de la dernière décennie (de 60 à 75 plaintes par année), avec une légère hausse en 2020-2021 (comparativement au Government Accountability Office [GAO] aux États-Unis, qui entend plus de 2 000 plaintes par année).

Footnotes

1. L'honorable Stephen Fuhr est député de Kelowna.

2. Loi sur les départements et ministres d'État, L.R.C. (1985), ch. M-8.

3. Le premier ministre Chrétien a nommé un secrétaire d'État à la défense en 1996.

4. EN SAVOIR PLUS

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