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1 May 2025

Marchés publics Rétrospective de l'année 2024

MT
McCarthy Tétrault LLP

Contributor

McCarthy Tétrault LLP provides a broad range of legal services, advising on large and complex assignments for Canadian and international interests. The firm has substantial presence in Canada’s major commercial centres and in New York City, US and London, UK.
Cette année a connu des développements importants au niveau fédéral (et un certain rééquilibrage).
Canada Ontario Alberta Government, Public Sector

Événements clés à l'échelle fédérale

Cette année a connu des développements importants au niveau fédéral (et un certain rééquilibrage). D'une part, une nouvelle politique d'exclusion augmente les risques pour les fournisseurs, puisque la Cour d'appel fédérale et le Tribunal canadien du commerce extérieur (le « Tribunal ») ont rappelé au Canada qu'il ne peut pas agir en toute impunité. D'autre part, la jurisprudence innovante concernant l'exemption de sécurité nationale dans la Loi sur la preuve au Canada rappelle aux soumissionnaires qu'ils n'ont pas forcément droit à tous les renseignements relatifs à l'offre dans le cadre d'une contestation de l'offre.

LA NOUVELLE POLITIQUE D'EXCLUSION DU CANADA

Le 31 mai 2024, une série de modifications au régime d'intégrité du Canada est entrée en vigueur. Le gouvernement fédéral a créé un nouveau Bureau de l'intégrité et de la conformité des fournisseurs (le « BICF ») chargé d'administrer une version révisée de la Politique d'inadmissibilité et de suspension (la « Politique »), qui constitue le fondement des engagements et des obligations des fournisseurs en matière de respect de certaines normes éthiques.

La nouvelle Politique englobe deux dynamiques concurrentes : elle est à la fois plus flexible, mais aussi beaucoup plus large que la politique précédente. En ce qui concerne la flexibilité, la Politique donne au registraire une grande marge de manSuvre pour déclarer un fournisseur inadmissible, contrairement à l'ancienne approche du régime d'intégrité qui prévoyait une exclusion stricte et obligatoire pour des périodes déterminées, avec peu de considération ou de discrétion pour permettre à Services publics et Approvisionnement Canada (« SPAC ») de modifier cette inadmissibilité.

La nouvelle approche fournit au registraire des lignes directrices sur la période maximale d'exclusion pour diverses infractions, ainsi que des éléments à prendre en compte sur la manière dont la période devrait être fixée selon :

  • La gravité de la conduite, dont le rôle du fournisseur dans l'acte répréhensible, l'étendue de la participation de la haute direction, les gains réalisés par le fournisseur, la complexité et le degré de planification ou de prévision, l'association au crime organisé, le coût de l'application de la loi par les autorités et la question de savoir si le fournisseur est un récidiviste.
  • Les mesures prises pour remédier à la situation, dont les mesures disciplinaires prises à l'encontre des personnes en cause, les enquêtes internes indépendantes et la mise en Suvre de mesures correctives, des dédommagements en matière civile ou criminelle payés au gouvernement ou aux parties lésées en raison de l'acte répréhensible; l'adoption de régimes de conformité ou le renforcement de ceux-ci et une forte culture de conformité de la direction.

Toutefois, parallèlement à cette flexibilité, SPAC a considérablement élargi le champ des accusations ou des condamnations potentielles pouvant entraîner une exclusion. La politique précédente était axée sur des dispositions spécifiquement liées à certains éléments de l'intégrité publique. Il s'agissait notamment de fraude contre Sa Majesté punie à la fois par le Code criminel et la Loi sur la gestion des finances publiques, de corruption punie par le Code criminel et la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers, d'infractions régies par la Loi sur la concurrence liées aux truquages des offres et aux complots, d'infractions liées à la falsification et d'infractions liées au lobbying. La nouvelle liste des infractions comprend ce qui suit :

  • Articles 83.02, 83.03 ou 83.04 (Financement du terrorisme), article 123 (Actes de corruption dans les affaires municipales), article 279.01 (Traite des personnes), article 279.011 (Traite de personnes âgées de moins de dix-huit ans), paragraphe 279.02(1) (Avantage matériel – traite de personnes), paragraphe 279.02(2) (Avantage matériel – traite de personnes âgées de moins de dix-huit ans), paragraphe 279.03(1) (Rétention ou destruction de documents – traite de personnes) et paragraphe 279.03(2) (Rétention ou destruction de documents – traite de personnes de moins de dix-huit ans) du Code criminel;
  • Article 463 (Punition de la tentative et de la complicité), article 464 (Conseiller une infraction qui n'est pas commise) et article 465 (Complot) du Code criminel, chacun uniquement dans la mesure où il se rapporte à une infraction énumérée à l'alinéa (1)(b) (i) de l'annexe énonçant les Événements importants visés par la Politique;
  • Article 52.01 (Indications fausses ou trompeuses) de la Loi sur la concurrence;
  • Alinéas 497(2)(a) (Contribution apportée par une personne ou entité inadmissibles); 497(2)(d) (apporter des contributions qui dépassent le plafond); 497(2)(e) (Esquiver le plafond d'une contribution); 497(2)(f) (Cacher l'identité d'un donateur); 497(2) (h) (Conclure un accord interdit); 497(2)(k) (Apporter des contributions indirectes); 497(2)(l) (Apporter des contributions en espèces qui dépassent le plafond); 497(2)(n) (Prêts, cautionnements et emprunts) et 497(2)(o) (Consentir des prêts indirects) de la Loi électorale du Canada;
  • Alinéa 80(1)(b) (Frauder Sa Majesté) et article 81 (Présents offerts ou acceptés) de la Loi sur la gestion des finances publiques;
  • Articles 117 (Organisation d'entrée illégale au Canada) et 118 (Trafic de personnes) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés;
  • Toute infraction énumérée à la partie I ou à la partie II du Code canadien du travail.

Il convient de noter que l'une des infractions énumérées dans la liste a maintenant une portée élargie. En effet, le régime d'intégrité antérieur excluait les fournisseurs ayant fait l'objet de condamnations pour fraude en vertu de l'article 380 du Code criminel, mais seulement pour une fraude commise à l'égard de Sa Majesté. En vertu de la Politique révisée, ce champ d'application englobe désormais toute fraude, qu'elle ait été commise à l'encontre de Sa Majesté ou de toute autre personne.

La nouvelle Politique comprend également un certain nombre de nouveaux « Événements importants » qui ne sont pas explicitement liés à des accusations ou à des condamnations. Il s'agit notamment des situations dans lesquelles un fournisseur :

  • Fait certaines déclarations trompeuses sur un « point important » (expression qui n'est pas définie ou discutée dans la Politique);
  • A commis une infraction provinciale similaire au cours des trois dernières années;
  • Est une personne désignée ou inscrite sur une liste en vertu de la Loi sur les Nations unies, de la Loi sur les mesures économiques spéciales (« LMÉS »), de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski) ou de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, appartient à une telle personne ou est contrôlée par celle-ci;
  • S'est livré à une activité interdite par la législation précitée sur les sanctions;
  • Manque, selon le jugement du registraire, d'intégrité ou d'honnêteté en affaires, de telle sorte que la conclusion d'un contrat avec lui porterait préjudice à la réputation du système d'approvisionnement;
  • A, au cours des trois dernières années, été reconnu coupable d'une infraction qui a entraîné son inscription au Registre des contrevenants environnementaux;
  • A, au cours des trois dernières années, reçu une évaluation de rendement médiocre dans le cadre de la Politique de gestion du rendement des fournisseurs de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (« TPSGC »); ou
  • A un propriétaire, un fiduciaire, un administrateur, un gestionnaire ou un cadre supérieur qui, au cours des trois dernières années, a été reconnu coupable ou a plaidé coupable d'une infraction figurant sur la liste.

Deux nouveaux événements pouvant déclencher une exclusion sont particulièrement importants. Le premier concerne les sanctions canadiennes : est désormais considéré comme un Événement important le fait qu'un fournisseur soit une personne désignée ou inscrite sur une liste en vertu de la Loi sur les Nations Unies, de la LMÉS, de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski) ou de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, ou qu'il appartienne à une telle personne ou qu'il soit contrôlé par celle-ci. Cette question peut devenir importante, étant donné l'élargissement de la définition des verbes « appartenir » et « contrôler » dans le cadre de la LMÉS et de la Loi de Magnitski, qui reprennent toutes deux le concept d'« appartenance réputée » d'une manière relativement large.

Le fait de se livrer à une activité interdite en vertu de ces lois sur les sanctions constitue également une infraction entraînant l'exclusion. Il est important de noter que la Politique n'exige pas que cette infraction soit ancrée dans un plaidoyer de culpabilité ou dans une condamnation : si SPAC est convaincu qu'une activité interdite a eu lieu, il peut la qualifier d'Événement important. Précisément, cela signifie que l'exclusion peut avoir lieu même si un fournisseur n'a pas l'intention coupable requise pour être condamné.

Le deuxième nouvel Événement important majeur concerne les exposés conjoints des faits. Figurant le plus souvent dans des ententes sur plaidoyer ou des ententes de règlement ou dans des accords de réparation ou des accords de poursuite suspendue, SPAC peut désormais tirer des conclusions sur la base de ces faits afin de déterminer s'ils révèlent une infraction susceptible d'entraîner une exclusion. Il est donc essentiel que les fournisseurs qui prévoient de convenir d'un tel exposé conjoint des faits (ou dont les sociétés affiliées envisagent de le faire) soient conscients de cette possibilité et se demandent s'ils doivent communiquer simultanément avec le BICF ou le registraire pour négocier, afin de n'avoir aucune période d'exclusion (ou une période d'exclusion plus courte).

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA C. ELLISDON CORPORATION1 – LES DOMMAGESINTÉRÊTS POUR PERTE D'OPPORTUNITÉS RELÈVENT DE LA COMPÉTENCE DU TRIBUNAL

La Cour d'appel fédérale a confirmé une décision historique du Tribunal d'accorder à un soumissionnaire une compensation pour la perte d'opportunités liée à des contrats avec des tiers, suite à la mauvaise gestion par le gouvernement du processus d'approvisionnement, qui avait conduit le soumissionnaire à se voir attribuer indûment le contrat pendant une période donnée. Pendant cette période, EllisDon a fait l'objet d'un ordre d'arrêt des travaux, mais l'entreprise était contractuellement tenue d'être prête à commencer les travaux à tout moment et n'a donc pas pu soumissionner pour d'autres projets.

Le traitement incorrect par TPSGC de la documentation de l'offre soumise par un autre soumissionnaire, Pomerleau, est à la source du différend. En effet, TPSGC a supprimé les liens hypertextes de Pomerleau et invalidé ses données. Le contrat a été attribué à EllisDon au motif que l'offre de Pomerleau n'était pas conforme, car son cautionnement électronique n'était pas vérifiable. Pomerleau s'y est opposée et a demandé que le processus soit suspendu, afin de mener une enquête. Bien que TPSGC ait déterminé que Pomerleau disposait bien d'un cautionnement électronique vérifiable, il n'a pas reconnu avoir commis d'erreur et a maintenu l'attribution du contrat à EllisDon, au motif que le cautionnement soumis n'était pas vérifiable au moment de l'ouverture des offres (bien que ce soit en fait la faute de TPSGC). Cependant, il a émis un ordre d'arrêt des travaux à EllisDon le jour même de l'envoi du contrat (six jours après l'attribution du contrat).

Le Tribunal a conclu que le processus d'approvisionnement était truffé d'erreurs : l'attribution inappropriée du contrat à EllisDon malgré le fait que TPSGC disposait de tous les renseignements et documents nécessaires pour déceler et corriger sa propre erreur à ce moment-là; la prise en « otage » d'EllisDon en ce qui concerne l'exécution du contrat par l'émission d'un ordre de suspension; la déclaration de TPSGC à Pomerleau selon laquelle l'offre n'était pas vérifiable à la clôture de l'appel d'offres, alors que TPSGC savait ou aurait dû savoir que cette erreur était entièrement due à sa propre mauvaise gestion de l'appel d'offres; et le délai inexplicable de plusieurs semaines après la clôture de l'appel d'offres avant que TPSGC n'informe les soumissionnaires qu'il avait peut-être commis une erreur, alors qu'il le savait depuis des mois. Le Tribunal a donc recommandé à TPSGC d'indemniser EllisDon pour les coûts liés à la perte d'opportunité pendant les mois où elle a été prise en otage avec un contrat qu'elle devait rester prête à exécuter.

La Cour d'appel fédérale a estimé que le Tribunal avait raisonnablement considéré que le comportement de TPSGC concernait le processus d'approvisionnement plutôt que l'exécution du contrat, que le régime législatif permettait l'octroi d'une indemnité pour perte d'opportunité dans le cas de contrats conclus avec des tiers et que cela constituait une mesure corrective appropriée dans les circonstances.

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA C. NAVANTIA S.A.2 – LA PERTINENCE NE SUFFIT PAS

Dans cette affaire, le procureur général a invoqué l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada pour empêcher la production des parties caviardées de 48 documents relatifs à l'appel d'offres et au processus d'évaluation des offres d'un projet de navires de combat de surface canadiens (« NCSC »), au motif que les parties caviardées contenaient des renseignements sensibles ou des renseignements potentiellement préjudiciables.

Les documents en question concernaient (1) l'offre retenue de Lockheed Martin (qui, selon le procureur général, contenait des renseignements sensibles et préjudiciables sur les capacités des NCSC en construction) et (2) l'offre non retenue de Navantia, qui comprenait des renseignements ou des éléments fournis directement par un sous-traitant étranger à l'équipe canadienne d'évaluation des offres, conformément aux protocoles de gouvernement à gouvernement prévus dans l'appel d'offres. Navantia, le soumissionnaire non retenu, a demandé la production de ces deux catégories de renseignements dans le cadre de sa contestation du processus d'approvisionnement, au motif qu'elles étaient pertinentes pour la décision conjointe de TPSGC et d'Irving Shipbuilding Inc. selon laquelle son offre n'était pas conforme. Après que le Canada ait communiqué avec un partenaire étranger, celui-ci a finalement donné son accord à la divulgation de certains documents à Navantia, selon des conditions strictes et précises.

La Cour a procédé à une analyse minutieuse de la question de l'article 38 en ce qui concerne les documents restants, avec l'aide d'un amicus curiae (« amicus ») désigné avec le consentement des parties et en examinant les représentations des parties. Les documents en question ont été fournis à la Cour et à l'amicus sous une forme non caviardée pour qu'ils les examinent, alors qu'un dossier largement caviardé a été fourni à Navantia.

La Cour a scindé les documents sur la base de ces facteurs. Pour une série de documents, largement liés à la première série de documents, la Cour a estimé que la position du pays partenaire et la pertinence des documents justifiaient la divulgation. Pour la deuxième série de documents, elle a finalement déterminé que, sans le consentement clair des partenaires étrangers à la divulgation de leurs renseignements, leur divulgation (même à des conditions strictes) serait préjudiciable aux relations internationales et constituerait une violation des accords bilatéraux. D'autre part, bien que peu pertinents (dans la mesure où ils concernent l'offre soumise), les renseignements caviardés n'aideraient pas Navantia à étayer ses allégations selon lesquelles le Canada aurait mal évalué son offre soumise. Par conséquent, l'intérêt public de la divulgation des renseignements ne l'emporte pas sur l'intérêt public de l'interdiction de leur divulgation.

Footnotes

1 2024 CAF 200.

2 2024 CF 929.

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