Le projet de loi 92 ayant été adopté et étant maintenant en vigueur, ce bulletin a été mis à jour pour refléter le contenu actuel de la Loi.
Le projet de loi n° 92, Loi modifiant diverses dispositions principalement dans le secteur financier (2025, chapitre 16) (la « Loi ») qui avait été déposé à l'Assemblée nationale par le ministre des Finances du Québec, Eric Girard, le printemps dernier et qui avait fait l'objet d'une seule journée de consultations particulières par la Commission des finances publiques, a été adopté le 3 juin 2025 et sanctionné le 4 juin 2025, peu avant la fin de la dernière session parlementaire le 6 juin 2025.
La Loi fait suite à l'engagement pris par le ministre dans le cadre du 17e Rendez-vous avec l'Autorité des marchés financiers en novembre 2022 d'adopter un « omnibus financier » chaque année afin de mettre régulièrement à jour la législation sur l'encadrement de l'industrie financière du Québec.
La Loi introduit ainsi plusieurs mesures visant à moderniser, à harmoniser et à renforcer l'encadrement du secteur financier québécois en modifiant plusieurs des lois administrées par l'Autorité des marchés financiers (l'« AMF »), dont la Loi sur la distribution de produits et services financiers (la « LDPSF »), la Loi sur les valeurs mobilières et la Loi sur les assureurs. Dans ce bulletin, nous présentons un résumé des principaux aspects de ces modifications, spécifiquement celles qui revêtent un intérêt particulier pour les intervenants du secteur financier.
Création de la Chambre de l'assurance
L'une des mesures phares mises en Suvre par la Loi est la fusion, en date du 4 juillet 2025, de la Chambre de la sécurité financière et de la Chambre de l'assurance de dommagesen une nouvelle chambre unique : la Chambre de l'assurance. Cette nouvelle chambre assume dorénavant les fonctions qui étaient exercées séparément par les deux chambres, à savoir de veiller à la formation continue obligatoire, à la déontologie et au maintien de la discipline des experts en sinistre, des planificateurs financiers, des représentants en assurance de personnes, en assurance collective et en assurance de dommages de même qu'à l'égard des représentants de courtier en épargne collective et de courtier en plans de bourses d'études.
Toutefois, les pouvoirs d'encadrement de la Chambre de l'assurance à l'égard des représentants de courtier en épargne collective et de courtier en plans de bourses d'études seront de courte durée puisque la Loi prévoit que l'Autorité des marchés financiers (l'« AMF ») devra, avant le 4 juillet 2026, rendre une décision de reconnaissance retirant l'exercice des fonctions et des pouvoirs de la Chambre de l'assurance à l'égard de ces représentants. Ces fonctions et pouvoirs seront par ailleurs transférés à l'Organisme canadien de règlementation des investissements (l'« OCRI »), dans la foulée de certaines décisions récentes de l'AMF, notamment la décision prise par cette dernière en 2023 d'accorder une délégation de pouvoirs à l'OCRI en matière d'inscription et d'inspection des courtiers et des représentants de courtier en épargne collective afin de les assujettir au même cadre règlementaire que celui qui s'applique ailleurs au Canada.
La Loi réduit ainsi la portée des activités qui étaient encadrées par les deux chambres en limitant les fonctions de la nouvelle Chambre de l'assurance aux disciplines qui ne relèvent pas du domaine des valeurs mobilières. Un comité de transition est chargé de veiller notamment au transfert des ressources matérielles, financières, humaines et documentaires des deux chambres à la nouvelle Chambre de l'assurance afin d'assurer la poursuite des activités à l'égard des représentants visés, notamment la poursuite des enquêtes des syndics et des auditions de plaintes devant les comités de discipline.
Élargissement de la portée du Fonds d'indemnisation des services financiers
La Loi abroge les dispositions concernant le Fonds d'indemnisation des services financiers (le «FISF») de la LDPSF afin de les intégrer à laLoi sur l'encadrement du secteur financier(la « LESF »), et d'en élargir la portée.
Jusqu'à présent limité aux victimes de représentants titulaires d'un certificat dans les disciplines d'assurance, d'expertise en sinistre, de planification financière et de courtage hypothécaire ainsi qu'aux victimes des représentants de courtier en épargne collective et en plans de bourses d'études, les changements apportés par la Loi élargissent la portée du FISF qui couvrira, à partir du 4 juin 2026, les victimes de représentants, de courtiers et de conseillers titulaires d'un certificat ou inscrits en vertu de la LDPSF, de la Loi sur les valeurs mobilières ou de la Loi sur les instruments dérivés, et ce, sans égard à la catégorie de discipline ou d'inscription. La Loi prévoient également que le FISF devra désormais couvrir les indemnités relatives aux produits et services financiers fournis ou offerts : (i) par un stagiaire titulaire d'un certificat délivré en vertu de la LDPSF et, (ii) par une personne à l'emploi d'un inscrit dans la discipline d'expertise en sinistre qui exerce une fonction sous la supervision de cet inscrit ou agit pour son compte à l'égard d'un sinistre prévu à la convention d'indemnisation directe, d'un bris de vitre ou du règlement d'un sinistre d'une valeur maximale de 7 500 $.
L'élargissement du champ d'application du FISF élargit du même coup le nombre d'inscrits qui devront cotiser au FISF, permettant ainsi d'assurer la pérennité du FISF, particulièrement dans le contexte où une partie des cotisants actuels (représentants de courtiers inscrits dans les disciplines d'épargne collective et de plans de bourses d'études) seront transférés sous la juridiction de l'OCRI.
Assouplissements ciblés pour les experts en sinistre
De nouveaux assouplissements à l'égard de la discipline d'expertise en sinistre sont apportés par la Loi, suite aux mesures adoptées le 9 mai 2024 par la Loi modifiant diverses dispositions principalement dans le secteur financier (la « Loi 15 ») qui visait à répondre à la pénurie d'experts en sinistre. Vous pouvez consulter le résumé des mesures de la Loi 15 que nous avons préparé dans l'un de nos Bulletins Blakes antérieurs.
Le nombre important et la valeur des réclamations présentées aux assureurs à la suite des accumulations de pluies records occasionnées par les restes de l'ouragan Debby dans le sud du Québec en août 2024 ont vraisemblablement mené le ministre des Finances du Québec à conclure que les mesures prises par la Loi 15 n'étaient toujours pas suffisantes pour permettre à l'industrie de répondre adéquatement aux besoins des assurés lorsqu'un événement climatique extrême se produit.
La Loi apporte donc des mesures supplémentaires afin de répondre à cette problématique. D'une part, elle permet à l'AMF d'autoriser, sur une base exceptionnelle et pendant une période donnée, le règlement des sinistres de plus de 7 500 $ par les personnes autorisées par la LDPSF à traiter électroniquement les réclamations à volume élevé et à faible valeur monétaire sous la supervision d'un expert en sinistre dûment certifié.
D'autre part, elle permet également à l'AMF d'autoriser, selon les conditions qu'elle détermine, les personnes suivantes à agir à titre d'expert en sinistre au Québec : les personnes titulaires d'un certificat de représentant en assurance de dommages (agent et courtier), les personnes qui ont déjà été titulaires d'un certificat d'expert en sinistre, et les experts en sinistre autorisés à agir à l'extérieur du Québec.
Changements apportés en matière de gouvernance et de divulgation
La Loi introduit également des changements en matière de gouvernance et de transparence à l'égard de certains inscrits.
L'une des exigences de divulgation qui s'appliquent à tous les cabinets de courtage en assurance de dommages inscrits auprès de l'AMF offrant directement au public des produits d'assurance automobile ou d'assurance habitation a été resserrée, afin que chaque cabinet de courtage en assurance de dommages divulgue dans ses communications écrites par l'entremise desquelles il invite le public à acquérir des produits d'assurance le nom de l'institution financière détenant une participation représentant plus de 20% de la valeur de ses capitaux propres ainsi que le nom du groupe financier, lorsqu'une personne morale liée à ce groupe financier détient une participation représentant plus de 20% de la valeur des capitaux propres du cabinet. Avant les changements apportés par la Loi, l'exigence de divulgation prévoyait plutôt que le cabinet en assurance de dommages devait divulguer dans ses communications écrites par l'entremise desquelles il invite le public à acquérir des produits d'assurance le nom de toute personne morale détenant plus de 20% de la valeur de ses capitaux propres ou, si cette personne faisait partie d'un groupe financier, le nom du groupe financier. Rappelons qu'en vertu de la LDPSF, une institution financière ou une personne morale liée au groupe financier ne peut détenir une participation de plus de 50% de la valeur des capitaux propres d'un cabinet de courtage en assurance de dommages.
Les sociétés d'assurances constituées au Québec voient l'exigence relative à la composition de leur conseil d'administration, selon laquelle la moitié des administrateurs doivent être des résidents du Québec, réduite à un tiers lorsque ces sociétés perçoivent plus de 40% de leurs primes à l'extérieur du Québec ou qu'elles font partie d'un groupe financier, dont plus de 40 % des primes sont perçues à l'extérieur du Québec et dont la majorité des administrateurs résident au Canada.
La Loi précise également que l'AMF peut maintenant, par règlement, imposer aux cabinets, aux représentants autonomes et aux sociétés autonomes des normes de gouvernance en matière de gestion des risques, de conformité et de pratiques commerciales.
Nouveaux pouvoirs de l'AMF et du Tribunal administratif des marchés financiers
La Loi renforce les pouvoirs de l'AMF et du Tribunal administratif des marchés financiers en augmentant les pénalités auxquelles s'exposent les intervenants du secteur financier dans le cas de non-respect de dispositions prévues par plusieurs lois sectorielles, notamment celles régissant les assureurs, les coopératives de services financiers, les institutions de dépôts et les sociétés de fiducie.
D'abord, les amendes imposées en cas d'infraction à plusieurs lois sous la responsabilité de l'AMF sont augmentées. Aussi, le Tribunal administratif des marchés financiers pourra dorénavant imposer aux assureurs, aux coopératives de services financiers, aux sociétés d'épargne et aux sociétés de fiducie une sanction administrative pécuniaire («SAP») pouvant atteindre la somme de 2M$ par jour, et ce, pour chaque journée pendant laquelle la contravention se poursuit lorsque l'assujetti contrevient à ses obligations en vertu de la loi applicable. Enfin, quiconque ayant aidé à l'accomplissement d'une contravention peut maintenant également se voir imposer une SAP.
Prochaines étapes
La loi ayant maintenant été adoptée et sanctionnée, avec la majorité de ces dispositions déjà en vigueur, il reste à voir la forme que prendront les règlements qui doivent être adoptés afin de rendre certaines dispositions de la Loi en lien avec la portée du FISF opérantes.
Pour en savoir davantage, communiquez avec l'un des auteurs du présent bulletin ou un autre membre de notre groupe Réglementation des services financiers.
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