ARTICLE
9 September 2025

Harcèlement sur les réseaux sociaux : l'employeur responsable malgré le caractère privé des échanges

BS
Belanger Sauve

Contributor

Bélanger Sauvé advises and represents many Québec municipalities, inter-municipal boards, regional county municipalities, insurers, companies and Québec public and para-governmental bodies. The firm is also one of the largest litigation firms in Québec appearing before administrative tribunals and courts of all levels.

Bélanger Sauvé's has over 50 professionals that form a multi-disciplinary group supported by a dynamic team. The firm's lawyers practice primarily in municipal law, civil litigation, insurance law, labour law, administrative law, commercial law and property law.

Dans une décision récente, le Tribunal administratif du travail (ci-après le « TAT ») a réitéré une règle essentielle du régime québécois de réparation...
Canada Quebec Employment and HR

Dans une décision récente1, le Tribunal administratif du travail (ci-après le « TAT ») a réitéré une règle essentielle du régime québécois de réparation des lésions professionnelles : lorsqu'un accident du travail est reconnu, les coûts des prestations doivent être imputés au dossier financier de l'employeur, et ce, même si l'événement déclencheur s'est produit dans un espace perçu comme privé.

Le dossier concernait un travailleur d'usine ayant subi un trouble d'adaptation avec humeur anxio-dépressive après avoir découvert, sur un téléphone cellulaire usagé acheté à un collègue, une série de messages échangés entre quatre membres de son équipe. Ces échanges, conservés sur la plateforme Messenger, contenaient des propos racistes, hostiles et profondément dégradants à son égard. Cette découverte lui provoque un choc psychologique important. La CNESST reconnaît la lésion comme un accident du travail, et une atteinte permanente à l'intégrité psychique de 18 % est constatée. Le travailleur ne pourra donc pas reprendre son emploi antérieur.

L'employeur n'a pas contesté l'admissibilité de la réclamation, mais a demandé que le coût des prestations soit transféré à l'ensemble des employeurs, plaidant qu'il s'agissait d'une situation étrangère aux risques normaux qu'il doit supporter. Il soutenait que les propos avaient été tenus dans un groupe de discussion privé, sur une plateforme non liée au travail, et donc en dehors de son contrôle. L'argument visait à faire reconnaître une obération injuste, condition nécessaire pour qu'un transfert d'imputation soit accordé en vertu de l'article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles2.

Le Tribunal rejette cette prétention. Il rappelle que pour donner ouverture à un tel transfert, l'employeur doit démontrer que les circonstances de l'accident sont véritablement exceptionnelles, rares ou étrangères à son champ de responsabilité. Or, ce n'était pas le cas ici. Les propos litigieux ont été tenus entre collègues, en lien avec leur relation de travail, et plusieurs messages ont même été rédigés en temps réel sur les lieux de l'emploi, pendant les quarts de travail. Ce n'est pas tant la plateforme utilisée qui importe, mais bien le contenu des échanges, leur lien avec le travail et leurs conséquences sur la santé du salarié.

Le Tribunal ajoute que, même si l'employeur a réagi avec diligence après avoir pris connaissance des faits, cela ne le dispense pas d'assumer les conséquences économiques de l'accident. En vertu des lois québécoises, les employeurs ont l'obligation de prévenir le harcèlement psychologique et de faire cesser toute situation qui pourrait porter atteinte à l'intégrité d'un membre du personnel. Cela inclut les gestes commis dans des espaces virtuels, pour autant qu'ils prennent racine dans la dynamique de travail.

Cette décision rappelle que la frontière entre la vie personnelle et le travail devient de plus en plus floue, surtout dans un monde où les outils numériques sont omniprésents. Ce qui est dit entre collègues, même sur une application privée, peut avoir des effets réels et graves dans le cadre de l'emploi. Tant les employeurs que les gestionnaires doivent rester vigilants et proactifs pour instaurer un climat exempt de harcèlement, y compris lorsqu'il se manifeste à travers des canaux moins traditionnels. Faute de quoi, les conséquences peuvent se traduire non seulement en atteinte à la santé du personnel, mais également en responsabilités financières bien concrètes.

Footnotes

1. Aluminerie Alouette inc., 2025 QCTAT 2560.

2. Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, RLRQ, c. A-3.001.

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.

Mondaq uses cookies on this website. By using our website you agree to our use of cookies as set out in our Privacy Policy.

Learn More