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9 June 2025

Harcèlement et violence au travail : ce que la jurisprudence récente nous apprend

BB
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À travers une importante décision dans laquelle, grâce à diverses injonctions, un employeur a pu protéger ses employés contre des comportements problématiques...
Canada Employment and HR

Violence à caractère sexuel – Une première décision sur le sujet !

Résumé

À travers une importante décision dans laquelle, grâce à diverses injonctions, un employeur a pu protéger ses employés contre des comportements problématiques d'un ancien employé, les auteurs explorent le nouveau concept de « violence à caractère sexuel » ainsi que la nouvelle obligation de l'employeur de protéger ses employés contre toute forme de harcèlement pouvant provenir de tiers, tous deux introduits en 2024 dans la Loi sur les normes du travail.

INTRODUCTION

Au courant de l'automne 2024, une grande compagnie oeuvrant dans le secteur de l'alimentation a obtenu une importante victoire juridique en matière de protection de la santé et de la sécurité de ses employés 1 . Grâce à une injonction permanente, elle a pu protéger ses employés, entre autres choses, contre de la violence à caractère sexuel exercée par un ancien employé.

I– L'HARCÈLEMENT VIA LES RÉSEAUX SOCIAUX ET COMPORTEMENTS INAPPROPRIÉS

L'ancien employé, estimant avoir été congédié injustement, a commencé à contacter des employés de l'usine ainsi que des membres de la direction par le biais de Facebook. Il envoyait des messages non sollicités, accompagnés d'une photo inappropriée, soit un cliché explicite d'une partie intime. Par ailleurs, certains contenus publiés sur son profil Facebook suggéraient la possibilité d'attaques physiques contre des employés, amplifiant ainsi les craintes au sein de l'entreprise.

Une première injonction provisoire de dix jours a été obtenue pour empêcher cet individu de communiquer avec certaines personnes et de s'approcher à moins de cinquante mètres des bureaux de l'usine. Cependant, cela n'a pas suffi à empêcher l'individu de commettre d'autres actions inappropriées, car il a continué à publier sur Facebook des messages de plus en plus inquiétantes ciblant certains employés.

Face à cette escalade, une injonction interlocutoire plus sévère a été obtenue. Cette injonction obligeait l'individu à retirer ses publications de Facebook, à cesser de communiquer avec les employés qui ne voulaient plus de contact, et autorisait la police à utiliser la force nécessaire pour faire respecter l'injonction, en plus de reprendre les principales conclusions de la première injonction. Celle-ci a eu un effet plus dissuasif.

Finalement, une injonction permanente a été obtenue ultérieurement, confirmant les mesures de l'injonction interlocutoire et clôturant ainsi le dossier.

Parmi les diverses conclusions de la décision rendue en lien avec l'injonction permanente, il est ordonné à l'individu de cesser de communiquer, par quelque moyen que ce soit, avec les employés ou dirigeants de la compagnie qui lui ont exprimé ou lui qui exprimeront de ne plus les contacter. En outre, l'injonction ordonne à l'ancien employé de ne pas s'approcher à moins de cinquante mètres des installations de la compagnie.

II– LA RECONNAISSANCE JURIDIQUE DE LA VIOLENCE SEXUELLE ET PSYCHOLOGIQUE

Grâce à cette série d'injonctions (provisoire, interlocutoire et permanente), le tribunal a reconnu que les comportements de l'ancien employé, notamment l'envoi d'une photo d'une partie intime à plusieurs employés, constituaient une forme de violence à caractère sexuel. Les autres comportements reprochés constituaient aussi des atteintes possibles à la santé psychologique et physique des employés. Les menaces proférées via les réseaux sociaux ont également été qualifiées de comportements assimilables à du harcèlement envers l'entreprise et ses employés, posant ainsi un risque de préjudice sérieux et irréparable. En effet, la santé des employés, si elle devait être affectée, ne peut être compensée par des dommages pécuniaires. Ainsi, le tribunal pouvait agir pour protéger la santé et la sécurité des employés.

III– UN PRÉCÉDENT JURIDIQUE SIGNIFICATIF

Cette décision constitue une première en matière de reconnaissance juridique de la violence à caractère sexuel, nouvelle définition introduite dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail 2 (« LSST ») depuis le 27 mars 2024 à la suite de l'adoption de la Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail 3 . Cette nouvelle définition marque une avancée importante dans la protection de la santé et la sécurité des employés en milieu de travail.

À noter que le fardeau pour déterminer s'il y a présence de violence à caractère sexuel est plus bas que celui pour déterminer s'il y a présence de harcèlement psychologique ou sexuel.

Le harcèlement psychologique se définit à l'article 81.18Loi sur les normes du travail 4 (« LNT ») comme :

« Une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l'intégrité psychologique ou physique de la personne salariée et qui entraîne, pour celle-ci, un milieu de travail néfaste. Pour plus de précision, le harcèlement psychologique comprend une telle conduite lorsqu'elle se manifeste par de telles paroles, de tels actes ou de tels gestes à caractère sexuel.

Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour la personne salariée. »

Alors qu'une violence à caractère sexuel se définit à l'article 1 de la LSST comme :

« Toute forme de violence visant la sexualité outoute autre inconduite se manifestant notamment par des gestes, des pratiques, des paroles, des comportements ou des attitudes àconnotation sexuelle non désirés, qu'elles se produisent àune seule occasion ou de manière répétée, ce qui inclut la violence relative à la diversité sexuelle et de genre. »

Ainsi, bien qu'un comportement inapproprié puisse se qualifier de violence à caractère sexuel, il ne s'inscrit pas toujours dans la définition de harcèlement, même si les deux sont souvent interreliées. À titre d'exemple, une blague à caractère sexuel visant une personne, prononcée une fois, pourrait être une violence à caractère sexuel au sens de la LSST, sans pour autant constituer du harcèlement au sens de la LNT.

IV– LES OBLIGATIONS DES EMPLOYEURS

Conformément à la LSST, les employeurs ont l'obligation de protéger la santé et la sécurité de leurs employés 5 . Cette responsabilité inclut la mise en place de mesures pour protéger les travailleurs exposés à des situations de violence psychologique, physique ou à caractère sexuel et, le cas échéant, pour faire cesser ces comportements nuisibles.

De plus, l'employeur doit fournir un environnement de travail sain, respectueux et exempt de toute forme de harcèlement. Depuis septembre 2024, l'employeur doit faire cesser toute forme de harcèlement qui provient de « toute personne », ce qui inclut les employés et dirigeants de l'entreprise, mais également les tiers.

L'injonction obtenue contre un individu extérieur à l'organisation met clairement en lumière la volonté du législateur de protéger les employés, quel que soit le statut de l'agresseur. L'affaire Therrien montre bien cette volonté : l'individu étant considéré, en vertu de la L.N.T., comme un tiers à l'entreprise, puisqu'il n'était plus à son emploi.

À la lumière des modifications récentes apportées à la LNT, il est important de garder en tête cet outil lorsqu'une situation pouvant mettre à risque la santé et la sécurité des employés résulte d'un tiers. En fonction des circonstances, il peut être pertinent pour un employeur de recourir à une injonction.

Footnotes

1. Boulangerie Canada Bread ltée c. Therrien, 2024 QCCS 4047, EYB 2024-556464

2. RLRQ c S-2.1.

3. LQ 2024, c 4.

4. RLRQ c N-1.1.

5. oir notamment l'art. 51 de la LSST. Date de dépôt : 29 avril 2025

Originally Published by Thomson Reuters

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