La présente liste de vérification vise à souligner certaines des particularités, sur le plan commercial et juridique, propres à la réalisation d'opérations transfrontalières au Canada.
Droits des valeurs mobilières et des sociétés
- Les fusions verticales en aval et les fusions inversées n'existent pas au Canada. Les sociétés procèdent plutôt par regroupement pour combiner leurs activités.
- Les opérations d'achat d'actions restent la procédure la plus populaire pour acquérir une société fermée canadienne. Les normes applicables dans le cadre de ce genre d'opérations, notamment en ce qui a trait à l'indemnisation (paniers, plafonds, périodes de survie, etc.), sont similaires à celles en vigueur aux États-Unis.
- Au Canada, il n'y a pas de loi fédérale régissant les valeurs mobilières. Il n'existe pas non plus d'organisme fédéral de réglementation des valeurs mobilières. Les opérations sur titres sont assujetties aux différentes lois provinciales sur les valeurs mobilières, lesquelles sont largement similaires d'un territoire canadien à l'autre.
- Les fusions et acquisitions de sociétés ouvertes au Canada sont généralement réalisées au moyen de plans d'arrangement (une opération approuvée par les tribunaux et régie par les lois sur les sociétés), d'offres publiques d'achat ou de regroupements (fusions).
- Au Canada, les acquisitions amicales sont effectuées, plus souvent, aux termes d'un plan d'arrangement ou, moins souvent, au moyen d'un regroupement. Un arrangement ou un regroupement exige l'approbation (en général dans une proportion de 66 2/3 %) des actionnaires de la société cible représentés à l'assemblée.
- Les offres publiques d'achat sont dictées par l'offrant et sont assorties d'une période d'offre minimale obligatoire de 105 jours, sauf lorsque le conseil d'administration de la société cible accepte de réduire cette période (celle-ci ne pouvant toutefois pas être de moins de 35 jours) ou lorsque la société cible conclut certaines opérations de remplacement en réaction à l'offre (auquel cas la période d'offre est réduite à 35 jours).
- Une offre d'achat peut par ailleurs être assortie de différentes conditions, autres que des conditions liées au financement. Souvent, l'achat est conditionnel à l'obtention d'un niveau minimal d'acceptation, correspondant fréquemment à 66 ⅔ % des titres de la catégorie visée par l'offre (soit le seuil d'approbation applicable dans la plupart des territoires pour la réalisation de certaines opérations commerciales) ou à 90 % des titres de la catégorie visée par l'offre (un niveau qui donne généralement à l'acquéreur le droit d'acheter le reste des titres de la catégorie en circulation).
- Tous les porteurs de la même catégorie ou série de titres doivent recevoir une contrepartie identique (et non simplement équivalente) pour les titres qu'ils déposent en réponse à une offre publique d'achat. Cependant, des exceptions peuvent s'appliquer conformément à certains types d'ententes de rémunération des employés.
- Les offres publiques d'achat faites par un initié, les opérations entre parties liées et certains regroupements d'entreprises, y compris les transformations en société fermée, sont assujettis à des règles supplémentaires, dont, dans certaines circonstances, l'obligation d'obtenir l'approbation de la « majorité des actionnaires minoritaires » et d'effectuer des évaluations indépendantes.
Fiscalité
- Des mesures préalables et postérieures à la clôture de l'opération peuvent être envisagées afin d'offrir des avantages fiscaux futurs à l'acquéreur, compte tenu notamment du fait que la législation fiscale canadienne ne permet pas les déclarations de revenus consolidées et n'autorise qu'un nombre limité de types de restructuration avec report d'impôt sur le revenu.
- Au moment de déterminer la façon dont une acquisition sera financée, il convient d'examiner les besoins en capitaux, les limites de déductibilité applicables (tenir compte, par exemple, des règles de capitalisation restreinte en vigueur au Canada) et les possibilités existantes pour le rapatriement éventuel de fonds en franchise d'impôt.
- Des avantages peuvent être offerts en vertu d'une convention fiscale donnée.
- Des règles fiscales visant les opérations de transfert de sociétés étrangères affiliées peuvent s'appliquer lorsque la société cible canadienne possède des filiales non canadiennes.
- En cas de circulation transfrontalière initiale ou continue de biens et de services, des vérifications s'imposent afin de garantir la déductibilité des dépenses, le respect des exigences relatives au prix de transfert et l'efficacité des retenues fiscales.
- Des avantages peuvent découler du fait d'utiliser une entité canadienne traitée comme une « société par actions accréditives » aux fins de l'impôt fédéral sur le revenu des États-Unis (p. ex., une société à responsabilité illimitée de la Nouvelle-Écosse, de la Colombie-Britannique ou de l'Alberta), notamment s'il est possible que les avantages pourtant offerts par une convention fiscale donnée soient refusés à l'égard de certains types de paiement en raison des règles visant à lutter contre les arrangements hybrides prévues dans la Convention fiscale Canada-États-Unis.
Antitrust
- La Loi sur la concurrence (Canada) exige la remise d'un préavis de fusion, lorsqu'il y a dépassement des seuils relatifs à la « taille de l'opération » et à la « taille des parties ».
- Des périodes d'attente peuvent s'appliquer avant la clôture d'une opération.
- Toutes les fusions — qu'un préavis doive être remis ou non — peuvent faire l'objet d'un examen sur le plan de la concurrence jusqu'à un an après la clôture de l'opération.
- La « défense fondée sur les gains en efficience », unique au Canada, vise à permettre la réalisation de certaines fusions lorsque les gains en efficience que devrait produire l'opération surpassent les effets anticoncurrentiels prévus.
- Les documents portant sur l'opération doivent être créés avec soin, ceux-ci pourraient devoir être déposés avant la réalisation de la fusion.
- Il est judicieux que les parties signent une entente de confidentialité, puis respectent les protocoles en ce qui concerne le partage de renseignements afin d'atténuer le risque d'allégations de complot.
Examen des investissements étrangers
- La Loi sur Investissement Canada est une loi d'application générale qui régit les investissements au Canada, y compris lorsqu'il s'agit d'une prise de contrôle d'une société canadienne par un investisseur non canadien.
- L'établissement ou l'acquisition d'une société canadienne par un investisseur non canadien peut nécessiter un examen et une approbation gouvernementale ou un avis, selon l'identité de l'investisseur, la taille et la nature de la société canadienne visée, ainsi que la structure de l'acquisition. Les investissements minoritaires peuvent aussi être assujettis à la Loi sur Investissement Canada.
- Les opérations sujettes à un examen peuvent être assorties de longues périodes d'attente avant la clôture.
- Des règles spéciales s'appliquent aux investissements effectués au Canada par des sociétés d'État, aux investissements dans le secteur culturel canadien et aux investissements qui peuvent soulever des préoccupations sur le plan de la sécurité nationale.
Commerce international
- Si des marchandises, des services ou des renseignements techniques doivent être exportés du Canada, il est important de tenir compte des lois canadiennes actuelles sur les sanctions de même que des exigences relatives aux licences d'exportation. Elles cadrent souvent avec la réglementation en vigueur aux États-Unis et dans les autres pays occidentaux, mais certaines dispositions diffèrent et font souvent l'objet de modifications.
- Il est possible qu'une filiale canadienne autrement tenue de se conformer aux lois américaines sur les sanctions économiques du fait que sa société mère se trouve aux États-Unis ne puisse pas s'y conformer en raison de certaines dispositions de la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères du Canada.
- Il y a lieu de connaître les mesures de rétorsion commerciale ou les mesures antidumping pouvant s'appliquer ou être mises en Suvre dans un proche avenir de manière à réduire au minimum le coût à l'importation au Canada.
- Des droits de douane peuvent être exigibles. Il convient par ailleurs d'atténuer les risques de responsabilité civile en cas de nonconformité à la législation douanière en déterminant si les règles d'origine de l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (l'« ACEUM ») sont respectées et s'il y a des preuves documentaires pour justifier le caractère originaire comme le prévoit l'ACEUM.
- Les lois douanières du Canada imposent des contrôles importants sur la circulation des marchandises, notamment sur les marchandises en provenance des États-Unis, lesquels sont susceptibles de restreindre les opérations réalisées au Canada et d'avoir une incidence sur l'évaluation d'une opération envisagée ainsi que sur la planification stratégique globale de celle-ci.
- Toute subvention ou tout octroi important accordé par une autorité gouvernementale canadienne, y compris un prêt, une garantie ou une assurance subventionné par l'État, doit être pris en considération, car des problèmes d'ordre commercial pourraient survenir si le maintien de telles formes de soutien était compromis à la suite d'un changement de propriété ou de contrôle.
- Presque tous les secteurs d'activité réglementés au Canada sont assujettis à l'ACEUM, et tout manquement aux modalités de cet accord peut fait l'objet d'un examen par un groupe spécial de l'ACEUM, à la demande du gouvernement des États-Unis ou, dans certaines situations, à la demande de l'investisseur américain.
- Lorsque des articles militaires, stratégiques ou encore des articles contrôlés sont en cause, des autorisations et des enregistrements sont requis au Canada. Il est important d'examiner quelles incidences pourrait avoir l'acquisition envisagée sur ces autorisations et enregistrements, tant au Canada qu'aux ÉtatsUnis. Il y a par ailleurs lieu de cerner tout problème éventuel lié à la double nationalité de certains employés, le cas échéant.
Propriété intellectuelle
- Contrairement aux États-Unis, la législation canadienne sur les brevets ne permet pas les demandes de continuation (continuation applications) ou les renonciations à toute prolongation de la protection par brevet (terminal disclaimers). Les revendications de toutes les inventions mentionnées dans une demande devraient être regroupées dans une seule et même demande afin d'éviter la délivrance de doubles brevets.
- Le droit d'obtenir un brevet peut être différent au Canada et aux États-Unis. Il peut notamment arriver que différentes entités détiennent les brevets américains et canadiens correspondants pour une même invention. De plus, en fonction de la demande en coinstance citée à titre d'antériorité dans chaque pays, la validité des brevets pour une même invention peut différer dans les deux pays.
- Depuis la modification de la législation canadienne sur les marques de commerce en 2019, les inscrivants canadiens peuvent enregistrer ou renouveler des marques de commerce sans qu'il soit nécessaire de fournir une preuve d'utilisation à un moment donné durant le processus d'enregistrement. Le droit canadien en matière de marques de commerce exige que l'emploi d'une marque de commerce fasse l'objet d'une licence, écrite ou implicite, même par une filiale en propriété exclusive. Étant donné que le Canada n'a que l'équivalent du registre principal des États-Unis, une marque de certification descriptive ne peut être enregistrée que si elle renferme un certain degré de caractère distinctif au Canada.
- Les droits moraux sont protégés par la législation canadienne et s'appliquent à tous les types d'Suvres protégeables, y compris les logiciels. Au Canada, la notion d'« Suvre réalisée contre rémunération » (work made for hire) se limite au contexte d'emploi, et les transferts de propriété dans tous les autres cas doivent se faire par écrit. Si l'employé est l'auteur, l'employeur, lui, est le premier titulaire du droit d'auteur.
- Les dessins industriels (brevets de dessin) au Canada sont régis par une loi distincte, ce qui n'est pas le cas aux États-Unis, où les brevets de dessin sont régis par la même loi que les autres brevets. La propriété des dessins industriels au Canada correspond à la notion d'« Suvre réalisée contre rémunération » telle qu'elle est définie aux États-Unis et aux termes de laquelle l'entité qui paie le dessin en est le premier titulaire.
- Les secrets commerciaux sont entièrement régis par la common law. De ce fait, le traitement des secrets commerciaux par les tribunaux n'est pas totalement prévisible.
Emploi, travail et protection de la vie privée
- Dans la plupart des cas, les indemnités de départ doivent être évaluées en tenant compte des lois canadiennes en matière d'emploi exigeant un avis de cessation d'emploi (ou une indemnité de préavis).
- L'incidence des dispositions législatives visant les employeurs subséquents devrait être prise en compte lors de toute opération dans laquelle le droit de négociation collective s'applique.
- Selon la structure de l'opération envisagée, des offres d'emploi peuvent être requises.
- Si des offres d'emploi sont requises, une attention particulière doit être accordée aux modalités de celles-ci, ainsi qu'à la partie qui devra prendre en charge les coûts liés aux licenciements, dans l'hypothèse où les offres d'emploi ne sont pas acceptées.
- Les restrictions fédérales et provinciales applicables à la collecte, à l'utilisation et à la communication de renseignements personnels au Canada doivent être respectées pendant et après les opérations.
- La législation canadienne sur la protection des renseignements personnels diffère de la législation américaine à bien des égards. Selon la province et le territoire concerné au Canada, des exigences peuvent s'appliquer en matière de consentement, d'avis, de conservation, d'accès ou de signalement d'atteintes à la protection de la vie privée.
Technologie et communications
- Des restrictions relatives à la propriété et au contrôle, de même que des exigences en matière de licence, s'appliquent aux sociétés qui fournissent certains types de services de radiodiffusion.
- Une grande attention devrait être accordée aux ententes électroniques pour garantir leur force exécutoire.
- Les contrats de technologie de l'information du gouvernement sont assujettis à des modalités particulières et, à moins d'une entente, certains droits de propriété intellectuelle peuvent appartenir à l'État.
- Des restrictions spéciales liées aux technologies, à la gestion des cyberrisques et au traitement des données à l'extérieur du Canada s'appliquent aux institutions financières fédérales au Canada. Au sein des secteurs réglementés, l'impartition de certaines fonctions opérationnelles est par ailleurs soumise à des règles spécifiques.
- Les lois fédérales sur la publicité trompeuse, les lois provinciales sur la protection des consommateurs et les lois sur la langue française peuvent s'appliquer lorsqu'on utilise Internet pour annoncer ou vendre des produits et services au Canada.
- Les lois fédérales antipourriel peuvent s'appliquer à l'envoi de messages électroniques à des fins commerciales et à l'installation de logiciels sur des appareils électroniques sans consentement.
- Les licences et les contrats d'entiercement de codes sources peuvent survivre à la faillite du concédant de licence.
Franchisage
- Le franchisage est de compétence provinciale ou territoriale au Canada (et ne relève donc pas du gouvernement fédéral), mais seulement six des 13 provinces et territoires canadiens ont adopté une loi sur le franchisage.
- Les lois en vigueur au Canada sur les franchises définissent la notion de « franchise » de façon large et peuvent englober les ententes de distribution, lesquelles ne sont habituellement pas considérées comme une franchise. Par conséquent, au moment d'utiliser une franchise de distribution ou d'accorder une licence au Canada, il convient de vérifier si une loi sur les franchises en vigueur au Canada s'applique.
- Sous réserve de l'obtention d'une dispense en matière de déclaration, un document d'information relative aux franchises doit être remis à un franchisé potentiel avant de conclure une relation de franchisage ou de recevoir de l'argent du franchisé potentiel (sous réserve de certaines exceptions). La divulgation de tous les « faits importants » aux franchisés potentiels est obligatoire, en plus des autres éléments précis devant être déclarés aux termes de règlements provinciaux. Les faits importants sont ceux dont on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'ils aient un effet important sur la valeur ou le prix de la franchise ou sur la décision d'acquérir la franchise.
- Aucune province canadienne n'exige l'inscription des franchiseurs ou le dépôt public de leurs documents d'information. Aucun organisme gouvernemental au Canada n'est responsable de réglementer le secteur des franchises ou de surveiller la conformité aux lois sur les franchises. Il n'est pas possible de se soustraire à la législation sur les franchises.
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