Dans une décision du 9 juillet 2025 (CA Paris, Pôle 5 - ch. 1, n° 24/09599), la Cour d'appel de Paris s'est penchée sur un litige entre un salarié et son ancien employeur, l'association Travail Entraide, autour de la marque « Rallye Emploi ».
En 2015, alors qu'il était directeur adjoint de l'association, le salarié dépose la marque à son nom personnel, alors même que l'association l'utilisait depuis 2010 dans ses actions d'insertion. Quelques années plus tard, il tente de faire valoir ses droits sur cette marque, ce que l'employeur conteste.
Mauvaise foi au dépôt : un motif de nullité bien connu
Selon l'article L. 711-2 11° du Code de la propriété intellectuelle, une marque peut être annulée si elle a été déposée de mauvaise foi. C'est-à-dire, dans l'hypothèse où le déposant cherche à s'approprier un signe déjà exploité par un tiers, sans droit ni autorisation.
Ainsi, dans un arrêt de 2000 (CA Paris, 23 févr. 2000, Quasimodo), la Cour considérait qu'est de mauvaise foi celui qui dépose une marque « dans la seule intention de nuire et/ou de s'approprier indûment le bénéfice d'une opération légitimement entreprise ».
Dans l'affaire « Rallye Emploi », l'intention de nuire n'est pas clairement établie, en effet le salarié était encore en poste au moment du dépôt et l'est resté pendant plusieurs années. Mais la Cour relève qu'il ne pouvait ignorer que l'association utilisait ce nom depuis plusieurs années, et qu'il en faisait lui-même la promotion dans le cadre de ses fonctions.
Accord oral ou simple tolérance ? Sans écrit, difficile de convaincre
Le salarié affirme avoir informé l'association du dépôt et mis la marque à disposition gracieusement. Il produit des témoignages en ce sens. Mais voilà : aucun écrit, aucun contrat, aucun PV ne vient le confirmer.
Et la Cour est claire : en l'absence d'écrit, il est impossible de prouver un accord réel. Les témoignages se contredisent, certains membres de l'association déclarant même n'avoir appris l'existence du dépôt qu'après le départ du salarié.
Pire encore, ce dernier aurait, à son départ, réclamé des redevances à l'association pour un usage de la marque en dehors du département de Seine et Marne. Une posture difficilement conciliable avec l'idée d'un dépôt transparent ou désintéressé.
Action en contrefaçon rejetée : une marque trop fragile
Dans ce contexte, la Cour rejette l'action en contrefaçon intentée par le salarié contre son ancien employeur. Elle ne va pas jusqu'à annuler la marque, mais considère que sa validité est sérieusement contestable, notamment en raison du doute sur la bonne foi du déposant.
Résultat : la marque ne peut pas fonder une action en justice, son utilité est donc remise en cause.
Conclusion : transparence, loyauté... et écrits obligatoires !
Cet arrêt vient donc confirmer un point de bon sens : lorsqu'un salarié développe ou utilise un signe dans le cadre de son travail, il ne peut pas s'en approprier la propriété sans un accord clair, transparent et formalisé. Et si l'intention n'est pas malveillante, la mauvaise foi peut tout de même être retenue si l'on tente de tirer profit d'un actif collectif, sans cadre juridique solide.
Cet arrêt ouvre aussi la réflexion sur le statut du déposant salarié. En effet, là où le droit des brevets prévoit un statut d'inventeur salarié, aucun équivalent n'existe en droit des marques. Faut-il faire évoluer la législation ? Les employeurs devraient-ils intégrer des clauses en lien avec le droit des marques dans les contrats de travail ?
La question est ouverte. Mais une chose est sûre : la précaution juridique est toujours moins coûteuse qu'un contentieux.
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